La Russie va injecter des doses de son vaccin anti-covid Spoutnik-V à 400.000 militaires

Moins d’un an après l’apparition, à Wuhan [Chine] du SARS cov-2, le coronavirus à l’origine de l’épidémie de covid-19, plusieurs vaccins ont été mis au point selon des approches différentes, ce qui est un exploit pour une maladie aussi récente.

Ainsi, les laboratoirse Pfizer-BioNTech et Moderna ont axé leurs recherches sur la vaccination via ARN messager [molécule qui sert d’intermédiaire entre l’ADN et les protéines qu’il code, ndlr] tandis que le vaccin de Sanofi Pasteur, associé à GSK, est à base de protéines virales. Les vaccins chinois Sinopharm et Sinovac ont été conçus à partir de virus atténués ou inactivés et ils auraient déjà été inoculés à plus d’un million de personnes en Chine. Enfin, AstraZeneca, J&J et l’Institut de recherche Gamaleya [Spoutnik V] ont misé sur une solution reposant sur des vecteurs d’adénovirus.

Ces différents vaccins ne sont pas tous au même stade de développement. Certains sont encore en phase d’essais cliniques quand d’autres seraient prêts à inoculer à grande échelle. Des considérations autres que médicales sont en jeu dans cette affaire, qui revêt une dimension géopolitique [voire financière].

La quête d’un remède susceptible de terrasser la covid-19 a ainsi, par exemple, donné lieu à de l’espionnage industriel via des tentatives d’intrusions dans les réseaux informatiques de laboratoires et de centres de recherches. En outre, les annonces sur l’état d’avancement des vaccins ainsi que sur leur efficacité ont alimenté une course à l’échalote entre Russes, Chinois, Américains et Européens. Et il est difficile d’y voir clair. D’ailleurs, des scientifiques, s’ils se réjouissent des avancées dont il est régulièrement fait état, appellent à la prudence et à prendre un peu de recul. Aux États-Unis, des médecins ont fait part de leurs inquiétudes au sujet de potentiels effets indésirables de ces vaccins, lors d’une récente réunion avec les conseillers des Centres pour le contrôle et la prévention des maladies [CDC].

Quoi qu’il en soit, le 11 août, le président russe, Vladimir Poutine, a annoncé la validation du vaccin Spoutnik V, lequel allait même être disponible dès le mois suivant pour certaines catégories de la population russe. Un « effet d’annonce politique » pour beaucoup de chercheurs.

« On sait qu’ils [les Russes] ont probablement commencé quelques essais cliniques chez l’homme il y a peu de temps. Mais ils n’ont pas franchi l’étape essentielle qui est de faire un essai clinique sur un grand nombre de volontaires », a alors commenté le professeur Alain Fischer, médecin immunologiste à l’hôpital Necker et chercheur à l’Institut Imagine-Inserm, à l’antenne d’Europe 1.

Cela étant, un mois plus tard, l’Institut de recherche Gamaleya, qui travaille sur les adénovirus depuis 25 ans, a publié les résultats des phases 1 et 2 de l’essai clinique de Spoutnik V dans les colonnes du journal The Lancet. Ainsi, il semblerait que le vaccin stimulerait une réponse imminutaire forte, sans effet secondaire majeur. Des résultats encourageants, donc, mais à relativiser au regard du nombre de volontaires [76 au total] pour ces essais.  »

« Mais malgré ces résultats encourageants et l’optimisme affiché par les chercheurs russes, il n’est pas encore certain que ce vaccin serait en effet protecteur contre le virus ni sûr pour la santé des personnes vaccinées. En outre, certains experts montrent leur inquiétude au sujet des données présentées dans l’article, soupçonnant une possible manipulation des résultats », a ainsi résumé Science & Avenir.

Le 9 novembre, alors que l’américain Pfizer-BioNTech venait d’annoncer que son vaccin était efficace à 90%, Moscou a immédiatement répliqué en faisant valoir que le taux d’efficacité de Spoutnik-V était de 92%. « L’utilisation du vaccin et les résultats des essais cliniques démontrent qu’il s’agit d’une solution efficace pour arrêter la propagation de l’infection à coronavirus, un outil de soins de santé préventif, et c’est la voie la plus fructueuse pour vaincre la pandémie », a assuré Mikhail Murasko, le ministre russe de la Santé… mais sans appuyer ses affirmations sur une quelconque publication scientifique, alors que les essais de phase 3 [impliquant plus de 40.000 volontaires, ndlr] sont toujours en cours.

Mais les responsables russes sont sûrs de leur fait. Au point que, le 27 novembre, Moscou a annoncé avoir commencé une campagne de vaccination auprès de ses militaires, le ministre de la Défense, Sergueï Choïgou, ayant même payé de sa personne en recevant une injection de Spoutnik-V dès septembre.

« À ce jour, plus de 2.500 militaires ont été vaccinés, et leur nombre doit atteindre 80.000 d’ici la fin de l’année », a en effet indiqué le ministère russe de la Défense. « Au total, plus de 400.000 militaires doivent être vaccinés dans le cadre de cette campagne de vaccination lancée conformément à l’ordre du président Vladimir Poutine », a-t-il ajouté.

En outre, 500 autres soldats participent actuellement à un test de traitement à base de plasma de patients guéris de la covid-19 et recelant un nombre élevé d’anticorps. Ce traitement aurait « montré son efficacité dans les formes sévères de la maladie », assure-t-on à Moscou.

Les effectifs des forces armées russes s’élèvent à un peu plus d’un million de militaires [1.013.628 pour être précis, selon un décret signé en 2017 par M. Poutine]. Et cela, sans compter les conscrits et le personnel civil. Aussi, pourquoi seulement 400.000 seront vaccinés? Quid des autres? La question sera donc de savoir quelles seront les unités concernées par cette campagne de vaccination…

Reste que, pour le moment, la Russie est le quatrième pays en nombre de contaminations par le SARS-Cov-2, derrière les États-Unis, l’Inde et le Brésil. Le 27 novembre, elle a enregisté un nombre record de 27.543 cas détectés et de 496 décès en 24 heures. Soit un total de 2.215.533 cas de coronavirus et 38.558 décès depuis le début de l’épidémie.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]