Pour soulager le Service de santé des armées, le volume des visites médicales d’aptitude sera réduit de 30%

Ces dernières années, plusieurs rapports sont arrivés à la même conclusion : les 1.600 suppressions de postes en cinq ans ont été trop importantes au sein du Service de Santé des Armées, jusqu’à être « proche d’un point de rupture », avec des équipes médicales et chirurgicales sur-sollicitées. Il est « sur-engagé par rapport au contrat opérationnel qui lui a été fixé : les médecins généralistes sont à 110 ou 120 % des objectifs assignés et les chirurgiens à 200% », constatait le Haut-Comité d’évaluation de la condition militaire [HCECM], en 2019.

Une telle issue n’était alors pas surprenante. Avec des moyens diminués, le SSA ne pouvait qu’être sous-dimensionné par rapport à ses engagements opérationnels et à la remontée en puissance des effectifs militaires, dont il faut bien assurer le suivi médical dès l’incorporation.

Cela étant, la mise en oeuvre du plan SSA 2020 depuis 2013 ne pouvait plus être poursuivie, sauf à porter atteinte à la capacité intrinsèque du service », comme l’a récemment dit Florence Parly, la ministre des Armées. Aussi, un premier coup d’arrêt aux suppressions de poste fut porté en 2017, assorti de la décision de revaloriser les rémunérations du personnel du SSA à hauteur de 30 millions d’euros pour la période 2017-20. Une telle approche était nécessaire mais pas suffisante.

Aussi, en octobre, Mme Parly a présenté une nouvelle feuille de route pour le SSA afin de faire en sorte « d’aligner ses moyens et son organisation de façon cohérente avec le modèle d’armée 2030 ». Et d’annoncer un investissement supplémentaire de 160 millions d’euros sur la période de la Loi de programmation militaire [LPM] 2019-25.

Pour faire face à une forte activité, deux moyens sont possibles : recruter davantage et augmenter la productivité en se concentrant sur des tâches plus essentielles que d’autres et en misant sur les outils technologiques. Pour le SSA, et au-délà du recours aux réservistes, la ministre a d’ores et déjà annoncé la création de 100 nouveaux postes, avec une hausse de 15% du nombre d’élèves dans les écoles du service de santé. Cette mesure ne produira pas ses effets immédiatements, en raison de la longueur des études…

Puis, lors d’un discours prononcé devant le personnel de la Direction de la médecine des forces du SSA, à Tours, ce 24 novembre, Mme Parly a livré deux autres pistes.

« Il faut des moyens, certes, mais il faut aussi du temps. Libérer du temps médical, c’est ce qu’il y a de plus précieux : nous devons agir pour que les médecins comme les infirmiers passent plus de temps avec les patients qu’ils n’en passent à des tâches administratives », a ainsi estimé la ministre.

Sur ce point, elle a cité la « réforme des visites d’aptitudes », laquelle « doit supprimer les visites redondantes et alléger la charge du personnel soignant. » Selon Mme Parly, cette mesure a pour objectif de « diminuer le volume de ces visites de 30% ». Et d’ajouter : « Il y a déjà des résultats, mais il faut poursuivre et accélérer dans cette voie. »

Évidemment, il n’est pas question qu’un tel effort puisse porter sur les visites médicales effectuées au moment de l’incorporation des recrues. En revanche, la validité de celles que passent les militaires d’active ou de réserve tous les deux ans [la visite médicale périodique, ou VMP, ndlr] pourrait être étendue. C’est d’ailleurs déjà le cas avec l’épidémie de covid-19, un arrêté publié le 19 mars dernier dans le Journal Officiel l’ayant porté de 24 à 30 mois. Cependant, certaines spécialites [pilotes, plongeurs, etc] exigeant des normes médicales plus strictes que les autres, probablement que cette validité ne sera pas étendue pour tous les militaires.

Sur le même sujet, Mme Parly a relevé qu’un « certain nombre de soins sont désormais accomplis par des infirmiers en pratique avancée », ce qui « permet de valoriser leur travail tout en allégeant la charge des médecins. »

Les nouvelles technologies, notamment celles du numérique, sont aussi un autre levier. En 2019, le SSA a mis en service Axone, c’est à dire une plateforme permettant le suivi des dossiers « patients » des forces armées, qui plus est interopérable avec les autres systèmes d’informations de santé.

« Le numérique est aussi un levier essentiel pour libérer du temps médical et améliorer la qualité des soins, je pense au système d’information ‘Axone’, véritable dossier médical partagé du
militaire. « Aujourd’hui, les praticiens du SSA peuvent avoir accès à près de 400.000 dossiers médicaux individuels n’importe où en France et demain en OPEX [opération extérieure, ndlr]. C’est une révolution qui permet un bond dans la qualité de la prise en charge médicale : le parcours de soins du militaire n’est jamais interrompu, chaque médecin ou infirmier pouvant consulter ses antécédents médicaux et ajouter de nouvelles information », a rappelé Mme Parly.

Ce système va connaître une évolution l’an prochain, avec l’ajout d’une capacité de télémédecine.

« En 2021, Axone se dotera aussi d’une capacité de télémédecine et pourra agir comme interface avec des objets connectés comme les électrocardiogrammes. La donnée médicale sera directement versée dans le système, sans avoir besoin d’être saisie », a annoncé la ministre.

Le secteur médical étant très prisé par les pirates informatiques, la sécurité d’Axone est primordiale, surtout qu’il concerne les données de santé de militaire. « Axone s’appuie sur les expertises ministérielles, notamment celles de la DIRISI [qui est ‘l’hébergeur’ des données, ndlr] et du ComCyber, pour préserver la sécurité des patients et des militaires », avait assuré le SSA, l’an passé.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]