Libye/Embargo : La Turquie s’oppose à l’inspection de l’un de ses cargos par la frégate allemande Hamburg

Le 23 octobre, le gouvernement d’union nationale [GNA] libyen et son rival établi à Tobrouk se sont mis d’accord sur un « cessez-le-feu permanent » à l’issue d’une négociation menée à Genève sous le patronnage des Nations unies. Puis, dix jours plus tard, leurs délégations militaires respectives se sont entendues sur une feuille de route devant permettre l’application de cette trêve.

Pour rappel, les deux rivaux sont soutenus par des puissances étrangères. Ainsi, la Turquie apporte un appui militaire aux milices pro-GNA, via des livraisons d’armes et l’envoi de mercenaires recrutés parmi les groupes armés syriens qui lui sont favorables tandis que l’Armée nationale libyenne [ANL], bras armé du gouvernement de Tobrouk, peut compter sur les Émirates arabes unis, la Russie et l’Égypte.

Le 19 novembre, et malgré l’accord sur le cessez-le-feu, les Nations unies ont déploré qu’aucune des deux parties n’avaient commencé le retrait de leurs forces.

« Le retrait de toutes les unités militaires et groupes armés des lignes de front [et] le départ de tous les mercenaires et combattants étrangers de l’ensemble du territoire libyen dans un délai de 90 jours », a ainsi rappelé Stephanie Williams, la représentante spéciale par intérim de l’ONU.

Ainsi, a relevé cette dernière, l’ANL du maréchal Khalifa Haftar « continue d’établir des fortifications et des avant-postes militaires équipés de systèmes de défense aérienne entre Syrte et al-Joufra », soulignant une « intense activité d’avions cargos entre l’aéroport de Benina, al-Joufra et la base aérienne d’al-Gardabiya. »

Le GNA n’est pas en reste puisque ses forces « restent stationnées à Abu Grein et à al-Washka, avec des activités de patrouilles » et des « vols d’avions cargos militaires ont été observés dans les aéroports d’al-Watiya et Misrata », a également indiqqué Mme Williams.

En clair, cessez-le-feu ou pas, les soutiens des deux rivaux continuent leurs livraisons d’armes, malgré l’embargo imposé par les Nations unies à la Libye. Embargo dont la surveillance est assurée l’opération navale européenne EUNAVFOR MED Irini.

Le 20 novembre, le Haut représentant de l’Union pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, a fait savoir que la France avait mis le port de Marseille à la disposition de l’opération Irini afin de pouvoir y débarquer les cargaisons des bâtiments arraisonnés pour avoir violé l’embargo. Jusqu’à présent, un tel cas de figure ne s’est pas présenté.

Le souci est qu’il est compliqué pour les navires engagés dans l’opération Irini de contrôler les navires suspects. En juin, la frégate grecque HS Spetsai tenta d’aborder Cirkin, un cargo battant pavillon tanzanie, ayant alors appareillé du port turc d’Haydarpasa pour rejoindre Misrata, en Libye. Elle dut y renoncer étant donné qu’une frégate turque s’était interposée.

Plus tard, la frégate française Courbet, alors engagée dans une mission de l’Otan, s’y essaya également… Ce qui donna lieu à un incident sérieux, le bâtiment français ayant été illuminé par le radar de conduite de tir d’un navire turc escortant le Cirkin.

Le 22 novembre, la frégate allemande FGS Hamburg a approché le cargo turc Rosaline A afin de le contrôler, alors qu’il naviguait à une centaine de nautiques au large des côtes libyennnes. Héloportée, l’équipe de visite de la Deutsche Marine a pu monter à bord, l’équipage s’étant montré « coopératif ». Seulement, elle n’a pas pu procéder à l’inspection complète de la cargaison étant donné qu’Ankara a adressé une protestation à l’état-major de l’opération européenne.

Le Rosaline A naviguant sous pavillon turc, la Turquie pouvait s’opposer à son inspection, conformément au droit maritime international. Pour contrôler un navire, il est en effet nécessaire d’obtenir préalablement l’autorisation du capitaine du bateau visé ou de l’État où il est immatriculé ou celui de son pavillon.

« L’État du pavillon n’a pas approuvé le contrôle, de sorte que l’inspection a été annulée par le commandement de la mission. Après consultation avec le commandant du navire, l’équipe de visite est restée à bord jusqu’à l’aube afin de pouvoir rejoindre la frégate Hamburg en toute sécurité », a raconté la Bundeswehr.

Selon les autorités turques, le Rosaline A transporterait de la nourriture et de l’aide humanitaire.

Plus tard, le ministère turc des Affaires étrangères a dénoncé l’arraisonnement du cargo par la frégate allemande. « Tous les membres d’équipage, y compris le capitaine, ont été fouillés de force. Ils ont tous été rassemblés dans une salle pour y être détenus », a-t-il avancé, pointant une intervention « basée sur un soupçon difficile à comprendre ». Et d’insister : « Les mesures illégales prises contre nos navires de transport cherchant à se rendre en Libye sont inacceptables. »

D’une manière générale, les inspections de navires décidées par l’état-major de l’opération Irini ne sont jamais le fruit du hasard… Comme l’a montré celle du MV Royal Diamond par la frégate FGS Hamburg en septembre dernier. Le contrôle de la cargaison avait permis de déterminer qu’il transportait du carburant aéronautique devant « vraisemblablement être utilisé à des fins militaires. » Parti des Émirats arabes unis, ce navira battant pavillon des îles Marshall devaitse rendre à Benghazi.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]