L’Allemagne propose une coopération militaire renforcée à la Suisse pour lui vendre des Eurofighter

Le 18 novembre, l’Office fédéral de l’armement suisse [Armasuisse] a reçu les dernières offres faites par la France, les États-Unis et l’Allemagne dans le cadre de son programme Air 2030, qui prévoit l’acquisition de 35 à 40 nouveaux avions de combats, pour 6 milliards de francs suisses

Pour rappel, quatre appareils sont en compétition : le Rafale de Dassault Aviation, le Typhoon [ou EF-2000] du consortium Eurofighter, le F-35A de Lockheed-Martin et le F/A-18 Super Hornet de Boeing. Vainqueur d’un précédent appel d’offres finalement annulé après une votation organisée en mai 2014, le JAS-39 Gripen E/F du suédois Saab a été écarté.

Les électeurs suisses s’étant prononcés en faveur du programme Air 2030, à une très courte majorité, en septembre dernier, Dassault Aviation et Boeing estiment, pour le moment, qu’il n’est pas utile de livrer le détails de leurs offres au public. Mais tel n’est pas le calcul de Lockheed-Martin et du consortium Eurofighter, ou, du moins, des autorités allemandes.

En effet, au lendemain de la date limite pour la remise des propositions à Armasuisse, Lockheed-Martin a organisé une conférence de presse à Berne pour faire le point sur son offre.

« Nous proposons 40 avions pour le budget de 6 milliards. L’assemblage de quatre d’entre eux pourrait se faire en Suisse. C’est une opportunité unique. Les F-35 sont présents en Italie, Norvège, Grande-Bretagne, Belgique, Pologne, au Danemark et aux Pays-Bas. Nous disposons d’une très bonne offre », a ainsi indiqué Mike Kelley, le directeur du bureau de Lockheed-Martin à Berne, dont les propos ont été rapportés par le quotidien Le Temps.

Le constructeur américain assure que l’industrie suisse bénéficera de retombées substantielles dans le cas où le F-35A serait retenu, avec notamment la possibilité de produire des composants pour tous les avions produits.

S’agissant de l’Eurofighter, les industriels du consortium [Airbus, BAe Systems et Leonardo] sont restés plutôt en retrait, la communication étant assurée par les autorités allemandes, et en particulier par l’ambassadeur d’Allemagne en Suisse, Michael Flügger, qui a organisé, le même jour, une « conversation digitale » avec ses homologues britannique [Jane Owen] et italien [Silvio Mignano] ainsi qu’avec Javier Benosa Lalaguna, ministre-conseiller de l’ambassade d’Espagne.

Ces diplomates n’ont pas seulement vanté les mérites de l’Eurofighter : ils ont également souligné les perspectives de coopération avec la Suisse.

« Nous accueillons chaque année avec plaisir l’entraînement au vol de nuit des pilotes suisses », a ainsi rappelé l’ambassadrice britannique. « L’Italie a de profonds liens avec la Suisse. La langue, la défense des droits de l’homme, la démocratie », a fait valoir son collègue italien. « L’Espagne a récemment acheté des Pilatus PC-21 pour entraîner ses pilotes. Plus qu’un achat, c’est une alliance », a enchéri le ministre-conseiller espagnol.

La veille, le gouvernement allemand avait déjà avancé ses arguments dans un communiqué publié conjointement avec Airbus.

« Avec l’acquisition d’Eurofighters, l’Allemagne offre à la Suisse l’opportunité d’approfondir son partenariat militaire existant, notamment en ce qui concerne la formation conjointe des deux
forces aériennes », avait-il en effet plaidé, rappelant que l’Allemagne venait récemment de signer une commande de 38 Eurofighter de la tranche 4 [programme Quadriga], laissant ainsi ouverte la perspective de « poser les bases d’une coopération politique, économique et sécuritaire encore plus étroite en acquérant le même type d’avion. »

« Avec cette offre, nous invitons la Suisse, en tant que voisin et partenaire fiable en matière de politique de sécurité et d’économie, à protéger son espace aérien avec l’Eurofighter et à instaurer une coopération étroite entre nos forces aériennes », avait poursuivi M. Flügger.

Et ce dernier d’ajouter : « Pour l’Allemagne, la Suisse n’est pas seulement un client, mais un allié stratégique avec lequel nous souhaitons intensifier encore notre collaboration existante. L’Eurofighter est la seule plate-forme développée et exploitée conjointement par plusieurs nations européennes et constituerait
donc une solution idéale pour la Suisse. »

Le Pdg allemand d’Airbus Defence & Space, Dirk Hoke, s’est laissé aller à quelques exagérations, en affirmant notamment, dans ce même communiqué, que l’Eurofighter est « l’avion de combat le plus moderne actuellement construit en Europe », mettant ainsi de côté le Rafale de Dassault Aviation, voire… le F-35, qui est produit en Italie par Leonardo, partenaire de niveau 2 de Lockheed-Martin.

Désormais, Armasuisse va s’attacher à évaluer les différentes offres reçues. Ce travail devrait être terminé d’ici mars prochain. Le choix de l’avion de combat qui équipera les forces aériennes suisses sera normalement annoncé avan l’été 2021.

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