L’Arménie et l’Azerbaidjan acceptent un cessez-le-feu et le déploiement de 2.000 soldats russes au Haut-Karabakh

La journée du 9 novembre aura bien été un tournant dans les combats qui, depuis le 27 septembre, opposent l’Azerbaïdjan et l’Arménie au sujet de la République séparatiste d’Artsakh [ou Haut-Karabakh].

Le fait que, ce jour-là, Bakou ait reconnu avoir abattu par erreur un hélicoptère russe Mil Mi-24 qui survolait le territoire arménien aura sans doute permis Moscou d’avoir un moyen de pression pour convaincre le gouvernement azerbaïdjanais d’accepter non seulement un cessez-le-feu mais aussi le déploiement de soldats russes au Haut-Karabakh.

En effet, quelques heures plus tard, l’Arménie et l’Azerbaïdjan ont annoncé avoir accepté, sous l’égide de la Russie, un accord mettant fin aux hostilités au Haut-Karabakh et prévoyant la présence, sur la ligne de contact, d’une force d’interposition de 2.000 soldats russes pendant cinq ans renouvelables.

Le texte, entré en vigueur à 21h00 GMT, a été signé par le président azerbaïdjanais Ilham Aliev et le Premier ministre arménien Nikol Pachinian ainsi que le président russe Vladimir Poutine.

Avec l’appui de la Turquie, l’Azerbaïdjan avait de toute façon atteint ses principaux objectifs militaires, ses forces ayant repris le contrôle de districts entourant le Haut-Karabakh qui, jusqu’alors, constituaient une sorte de glacis de sécurité établi par les Arméniens autour de la République d’Artsakh, qui prit ses distances avec Bakou durant les années 1990. En outre, elles ont également conquis la ville de Choucha, stratégique en raison de sa proximité avec Stepnankert, la capitale séparatiste, et de sa position sur l’axe la reliant au territoire arménien.

L’accord parrainé par Moscou fige les positions des uns et des autres au moment de sa signature. Même si l’Azerbaidjan n’a pas reconquis l’intégralité du Haut-Karabakh, le président Aliev a parlé d’une « capitulation » de ses adversaires. « J’avais dit qu’on chasserait [les Arméniens, ndlr] de nos terres comme des chiens, et nous l’avons fait », a-t-il dit, lors d’une allocution télévisée.

De son côté, prenant acte de l’infériorité de ses forces, le Premier ministre arménien a justifié la signature « incroyablement douloureuse » de cet accord par une « analyse en profondeur de la situation militaire ». Les forces arméniennes et celles de la République d’Artsakh ont en effet été mises en grande difficulté durant ces six semaines de combat, au cours desquelles les drones azerbaïdjanais, fournis par la Turquie et Israël, ont démontré leur redoutable efficacité.

Alors que la situation devenait de plus en plus compromise au Haut-Karabakh, les forces arméniennes auraient a priori tenté un « baroud d’honneur » en tirant au moins deux missiles balistiques Iskander-E de facture russe. Des vidéos montrant le lancement de ces engins sont apparues sur les réseaux sociaux quelques heures avant l’annonce de l’accord mettant un terme aux hostilités.

Quoi qu’il en soit, les concessions faites par Nikol Pachinian ont provoqué de vives protestations à Erevan, où la police a dû s’employer à évacuer le Parlement et le siège du gouvernement, investis par des manifestants.

Pour l’Azerbaïdjan et, par extension, la Turquie [qui a livré des drones Bayraktar TB2 et fourni des mercenaires syriens pro-Ankara, nldr], cet accord est incontestablement un succès. Ce que la diplomatie turque n’a manqué de souligner. Bakou « a remporté des gains importants sur le terrain et à la table des négociations. Je la félicite chaleureusement pour ce succès », a en effet commenté Mevlüt Cavusoglu, le ministre turc des Affaires étrangères.

Quant à la Russie, elle est, pour le moment, parvenu à se tirer d’un situation qui aurait pu devenir très compliquée. En effet, de par ses accords de défense avec l’Arménie, elle aurait pu être amenée à s’impliquer militairement si le conflit du Haut-Karabakh avait débordé sur le territoire arménien, ce qui aurait immanquablement sapé ses relations avec l’Azerbaïdjan.

Selon le ministère russe de la Défense, l’effectif de la force de maintien de la paix prévue par l’accord sera fourni par la 15e brigade de fusiliers motorisés du disctrict militaire central. Disposant de 90 blindés et d’équipements « spéciaux », elle aura à établir des postes d’observation sur la ligne de contact et le long du couloir de Lachin, qui relie l’Arménie au Haut-Karabakh. Son quartier général sera installé dans la région de Stepanakert.

Par ailleurs, et selon la presse, le présdent turc, Recep Tayyip Erdogan, aurait discuté avec son homologue azerbaïdjanais de la création d’un « centre d’observation turco-russe » pour surveilleur le cessez-le-feu. Ce que l’accord parrainé par Moscou ne prévoit pas.

Photo : Police militaire russe / illustration /archive

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