Le budget des Armées va prendre 164 millions d’euros de surcoûts OPEX supplémentaires à sa charge

Le 4 novembre, le gouvernement a présenté son quatrième projet de loi de finances rectificative [PLFR] depuis le début de cette année, afin de prendre en compte la dégradation de la situation économique provoquée par les mesures décidées pour tenter de freiner la pandémie de covid-19.

Ainsi, le coût global de la crise sanitaire pour les seules finances publiques est estimé à 186 milliards d’euros [dont 100 milliards de pertes de recettes en raison de la baisse d’activité et 86 milliards de mesures d’aides d’urgences. Ce qui fait que le PIB est attendu en forte baisse [-11%] et que le déficit public devrait atteindre le niveau inégalé de 223 milliards d’euros. Et la dette publique va très probablement tangenter les 120% du PIB d’ici la fin de cette année, contre 98,4% du PIB en 2019.

Avec la décision de fermer les commerces dits « non essentiels », doublée d’une interdiction faites aux grandes surfaces de vendre les produits proposés par ces même commerces « non essentiels », le PLFR prévoit d’injecter environ 20 milliards d’euros de plus dans l’économie afin de soutenir les entreprises et les entrepreneurs les plus affectés par ces mesures. En outre, il provisionne 1,1 milliard pour financer une nouvelle aide exceptionnelle au bénéfice des allocataires du RSA et des aides personnelles au logement ainsi que 2,4 milliards d’euros pour le secteur de la Santé.

Mais l’objet de ce PLFR 4 ne se concentre pas seulement sur le traitement des conséquences de la crise : il vise également à financer les dépenses imprévues de cette année, comme le dépassement des surcoûts liés aux opérations extérieures [OPEX] et aux missions intérieures [MISSINT].

Initialement, une enveloppe de 1,2 milliard d’euros [1,1 milliard pour les OPEX et 100 millions pour les MISSINT] avait été inscrite au budget des Armées. Seulement, ces dernières ont dû renforcer l’opération Barkhane, à hauteur de 600 militaires supplémentaires… Et elles ont également lancé l’opération Résilience, dans le cadre de la crise du covid-19, ainsi que, au Liban, l’opération Amitié, après l’explosion du port de Beyrouth, en août. Et, dernièremement, il leur a fallu faire monter d’un cran le dispositif de l’opération Sentinelle, en faisant appel à l’échelon de renforcement programmé pour porter à 7.000 le nombre de soldats mobilisés.

En octobre, il n’y avait pas de doute sur le fait que le 1,2 milliard inscrit en loi de finances initiale allait être dépassé. En effet, le chef d’état-major des armées [CEMA], le général François Lecointre, avait précisé aux sénateurs que les surcoûts de l’opération Barkhane venaient d’atteindre 911 millions d’euros. Et si on ajouté les 8 millions d’euros de l’opération Amitié, il ne restait plus que 281 millions pour financer les autres opérations en cours, comme par exemple Chammal, Daman ou encore Résilience.

Si l’on s’en tient à l’article 4 de l’actuelle Loi de programmation militaire [LPM], les surcoûts OPEX et MISSINT devraient être financés par la solidarité interministérielle dès lors qu’ils dépassent l’enveloppe initialement prévue. Ce qui n’a jamais été appliqué depuis son entrée en vigueur. Et ce qui ne le sera pas plus à l’occasion de ce PLFR 4.

En effet, selon les documents budgétaires, il est question d’annuler 200 millions d’euros de crédits de paiement au sein de la mission Défense, pour ensuite les redéployer afin de financer 164 millions de surcoûts OPEX/MISSINT qui n’avaient pas été initialement budgétés ainsi que près de 36 millions d’euros pour « ajuster les crédits pour la paie du mois de décembre des personnels au titre du programme 212 « Soutien de la politique de la défense. »

Le programme 146 « Équipements des forces » est celui qui va trinquer le plus, avec l’annulation de 124 millions d’euros de crédits. Le programme « Environnement et prospective de la politique de défense » va voir ses crédits être amputés de 28 millions d’euros environ.

L’an passé, un exercice comptable similaire avait permis de redéployer au sein de la mission « Défense » quelque 214 millions d’euros pour financer les surcoûts OPEX/MISSINT. Même chose en 2018, mais pour trouver 411 millions d’euros. Le ministère des Armées avait alors pu trouver des marges de manoeuvres dans sa masse salariale, moins importante que prévue.

Le PLFR 4 ne donne pas le détail des programmes risquant d’être impactés par ces annulations de crédits. On peut supposer qu’il s’agisse d’opérations n’ayant pas pu être réalisées au cours de cette année, en raison de la crise sanitaire.

Cela étant, cette pratique consistant à faire supporter, in fine, l’ensemble des surcoûts des opérations lancées et menées au nom de la Nation n’est pas sans conséquences sur les Armées, comme l’a récemment souligné la députée Sereine Mauborgne, dans son rapport pour avis sur les crédits de l’armée de Terre. « Tous les programmes contribuent au financement de ces surcoûts en cours d’année, ce qui se révèle particulièrement pénalisant pour les forces qui ont peu de marges de manœuvre en gestion, si ce n’est l’entraînement », a-t-elle constaté.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]