Vers une réduction du format de la force Barkhane à partir de février 2021?

 

En janvier dernier, à l’issue du sommet organisé à Pau avec les États membres du G5 Sahel [Mali, Burkina Faso, Niger, Mauritanie et Tchad], le président Macron avait décidé de renforcer l’opération Barkhane à hauteur de 600 militaires supplémentaires et de concentrer les efforts sur l’État islamique au grand Sahara [EIGS] dans le Liptako-Gourma, soit dans la région dite des trois frontières.

Six mois plus tard, à l’occasion de sa traditionnelle allocution prononcée devant les armées à la veille de chaque 14-Juillet, Emmanuel Macron s’était félicité des résultats obtenus sur le terrain. Résultats couronnés par l’élimination Abdelmalek Droukdel, le chef d’al-Qaïda au Maghreb islamique [AQMI], en juin 2020, dans le nord du Mali.

« Le renforcement de Barkhane décidé en début d’année, la coordination accrue avec les forces sahéliennes, la concentration des efforts communs vers la zone des ‘trois frontières’, aux confins du Mali, du Niger et du Burkina Faso, ont permis de bousculer, de disperser l’ennemi, et notamment l’EIGS, aujourd’hui très affaibli. Le travail de nos armées, de nos services, que je remercie ce soir de concert, a permis des avancées notables, des victoires reconnues », avait en effet déclaré le président français.

Pour autant, ce dernier avait aussi affirmé qu’il aurait « à nouveau à prendre des décisions sur notre engagement, sur ce théâtre d’opération » d’ici la fin de cette année. En clair, il faut s’attendre à un nouvel arbitrage en fonction de ce que sera la situation sur le terrain, les capacités de la Force conjointe du G5 Sahel, l’aide apportée par les forces américaines [en matière de renseignement et de logistique] et l’état d’avancement du groupement européen de forces spéciales Takuba qui, pour l’heure, repose sur les commandos français et estoniens.

Depuis, le tempo opérationnel a été réduit en raison de la saison des pluies. Mais, depuis octobre et le lancement de l’opération « Bourrasque », il est reparti tambour battant, avec des bilans éloquents. Outre l’action conduite par les forces spéciales et les Mirage 2000D dans la région de Boulikessi, le 30 octobre [plus de 50 jihadistes d’Ansarul Islam éliminés dans le secteur de Boulikessi, ndlr], la force Barkhane, le groupement Takuba et les forces armées locales ont saisi et/ou détruit « nombreux matériels, de l’armement, des munitions, plusieurs dizaines de véhicules de nombreuses ressources » tout en mettant « hors de combat plusieurs dizaines » de terroristes dans la région des trois frontières.

Cela étant d’autres aspects sont aussi à prendre en considération sur l’engagement militaire français au Sahel. Comme par exemple la question budgétaire, les surcoûts de Barkhane ayant déjà atteint 911 millions d’euro en octobre. Ou encore la nécessité pour les forces françaises de se concentrer sur des engagements éventuels dans le « haut du spectre ».

Pour la seule armée de Terre, et selon les chiffres donnés au Sénat par le général François Lecointre, le chef d’état-major des armées, Barkhane mobilise plus de 500 véhicules blindés [lourds et légers] et plus de 400 véhicules logistiques [camions de transports et de dépannage, moyens de manutention]. Et « 110 véhicules de l’avant blindé (VAB) Ultima sont déployés sur le théâtre pour un parc total de 290 véhicules et pour un parc opérationnel de 211. »

D’ailleurs, lors des débats sur les crédits alloués à la mission « Défense » dans le projet de loi de finances 2021, le député Thomas Gassiloud [Agir ensemble] avait soulevé l’effort qu’un tel engagement représente pour les forces françaises, soulignant, après sept de présence au Mali, un « bilan humain lourd […] et un coût financier important pour la Nation » pour une « situation [qui] pas favorablement sur place », malgré « nos grands succès tactiques – que nous devons à la redoutable efficacité de nos forces. » Aussi avait-il plaidé pour une « stratégie de transition commune et exigeante, pensée avec nos partenaires, et ce dans un format moins lourd afin que les forces françaises puissent prioriser l’aide vers les pays qui améliorent leur gouvernance. »

Selon l’AFP, qui cite plusieurs sources concordantes, la tendance actuelle va à un allégement du dispositif militaire français au Sahel, l’idée étant de revenir à la situation qui prévalait avant l’envoi des 600 soldats en renfort, en janvier dernier.

Et ce serait même un « dossier prioritaire pour l’état-major, qui pourrait également tailler dans les fonctions ‘transverses’ [soutien, génie, renseignement…] dès la relève majeure de février », a confié l’une des sources militaires de l’AFP, sous le couvert de l’anonymat. Ce mouvement serait rendu possible grâce à la montée en puissance du groupement Takuba, dont la mission est d’accompagner les forces locales au combat.

Prochainement, cette unité européenne pourra compter sur plus de 200 commandos supplémentaires, dont 60 Tchèques et 150 Suédois. L’Italie a par ailleurs indiqué sa volonté d’en être. « Pendant longtemps la France a été seule, elle ne l’est plus. Ce partenariat européen est en train de prendre de l’ampleur. L’accompagnement au combat des Maliens est essentiel, les Européens viennent prendre leur », a d’ailleurs souligné Florence Parly, la ministre des Armées, lors d’un dépacement au Sahel, le 2 novembre. « Je suis très optimiste sur le fait que nous allons maintenant changer de braquet », a-t-elle ajouté.

Reste que, en se concentrant sur l’EIGS, Barkhane a laissé de côté l’autre faction jihadiste importante de la région, à savoir le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans [GSIM ou JNIM]. Et, avec des accords de paix d’Alger qui peinent toujours à ce concrétiser, ce dernier pourrait en profiter. C’est d’ailleurs ce qu’a souligné le général Marc Conruyt, le commandant de la force Barkhane, auprès de l’AFP.

« L’EIGS a subi depuis plusieurs mois un certain nombre de pertes humaines, de frappes, de privations de moyens qui l’ont singulièrement affaibli, même s’il faut rester prudent », a commencé par relever le général Conruyt. Et le GSIM « a eu ces derniers mois tendance à tirer profit du fait que nous avons concentré beaucoup d’efforts sur l’EIGS », a-t-il prévenu, estimant qu’il est même devenu « l’ennemi le plus dangereux pour le Mali et les forces internationales. »

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]