Modèle de courage et de ténacité, le Compagnon de la Libération Pierre Simonet nous a quittés
Avec Hubert Germain et Daniel Cordier, il était l’un des trois derniers Compagnon de la Libération. Malheureusement, Pierre Simonet vient de nous quitter alors qu’il venait de fêter son 99e anniversaire. « Le pays tout entier se souviendra de son courage, de sa ténacité, et de sa modestie dans la Victoire. [Il] restera un modèle d’engagement, un exemple du service désintéressé au nom d’un idéal. Son héritage continuera d’accompagner les générations futures : le dévouement pour les valeurs de la République et pour sa patrie, le combat pour la Liberté », a commenté le ministère des Armées.
Pierre Simonet voit le jour le 27 octobre 1921 à Hanoï, où son père, polytechnicien, est ingénieur des travaux publics. Après de brillantes études secondaires, il est admis en classes préparatoires de Mathématiques spéciales à Bordeaux. Quand commence la campagne de France de mai-juin 1940, il est alors trop jeune pour être mobilisé. Mais le discours que prononcera le maréchal Pétain à la radio, le 17 juin, le révolte… et le décide à rejoindre l’Angleterre pour continuer le combat.
Une semaine plus tard, le jeune homme embarque à bord du Baron Kinnaird, qui sera le dernier cargo à quitter Saint-Jean-de-Luz avec des sujets britanniques et des soldats polonais à son bord. Arrivé à Liverpool, il ne tarde pas à s’engager au sein des Forces Françaises Libre [FFL] que le général de Gaulle vient de créer. Étant attiré par l’aviation, il voudrait alors devenir aviateur. Mais, n’ayant pas de brevet de pilote, il est donc affecté dans l’artillerie, grâce à ses aptitutes en mathématiques. Il est alors incorporé au camp d’Aldershot.
Il ne tardera pas à connaître l’action. Dès le 29 août 1940, il prend part à l’opération « Menace », qui échouera à obtenir le ralliement à la France Libre de l’Afrique occidentale française [AOF]. Affecté, pendant un temps, avec son unité, au Cameroun, il est participe à la campagne de Syrie en juin 1941. Puis, il rejoint la 2 e batterie du 1er Régiment d’Artillerie des FFL nouvellement formé. Il est alors brigadier, chargé des transmissions et de l’observation.
Puis, au sein de la 1ere Brigade française libre, Pierre Simonet est engagé dans la campagne de Libye. Il s’y illustre le 16 mars 1942, acomplissant jusqu’au bout sa mission malgré une forte attaque de chars ennemis. Puis il combat à Bir-Hakeim, entre le 27 mai et le 10 juin 1942. Son courage, son sang-froid et sa détermination lui valent ses deux premières citations.
Le jeune artilleur prend part ensuite à la bataille d’El-Alamein [octobre 1942], puis aux combats de Takrouna, où, en mai 1943, les FFL se heurtent à une forte opposition des forces de l’Axe. En Tunisie, il est admis à suivre le cours d’élève aspirant. Désormais officier, Pierre Simonet est affecté au peloton d’observation aérienne du 1er RA, en tant qu’observateur sur avion léger. Ce qui, en quelque sorte, en fait un pionnier de l’Aviation légère de l’armée de Terre [ALAT].
En effet, après la création de l’armée de l’Air, l’armée de Terre ne disposaient plus de moyens aériens. D’où la création, en 1937, de Groupes d’Observation d’Artillerie [GOA]. L’expérience fut interrompue en 1940, avant de reprendre au sein des FFL, avec des avions Piper Cub, et d’aboutir à la création de l’Aviation Légère d’Observation d’Artillerie [ALOA] en 1952, puis à l’ALAT, deux ans plus tard.
Mais en attendant, Pierre Simonet va accumuler les missions, n’hésitant à prendre tous les risques pour recueillir les renseignements qu’on lui demande sur les positions ennemies. Lors de la campagne d’Italie, son unité ayant brisé les liges Gustav et Hitler, il totalise ainsi 43 missions de guerre.
Lors du Débarquement en Provence, le 15 août 1944, le jeune aspirant est égal à lui-même : il enchaîne les missions d’observation aérienne. Au cours de l’une d’entre-elles, ses renseignements permettre des tirs précis qui réduisent au silence la batterie allemande installée sur la presqu’île de Saint-Mandrier. Il s’illustre encore lors de la campagne d’Alsace, contribuant ainsi à la destruction de plusieurs chars et batteries ennemis. Promu sous-lieutenant, il prend part, à bord de son Piper Cub, à l’offensive de la 1er Division Française Libre [DFL] qui permettra de s’emparer du massif de l’Authion.
Auparavant, le 8 mai 1945, avec ses camarades, il avait réalisé une prouesse digne des premiers temps de l’aviation : passer sous la Tour Eiffel pour « marquer le coup ».
« Pour nous, les rebelles de la première heure, il fallait faire quelque chose qui sorte de l’ordinaire. Je suggère : et si on passait sous la Tour Eiffel? Le plan de vol est organisé : prendre en rase-mottes l’esplanade du Trocadéro, le pont d’Iéna, passer sous l’immense voûte de fer, survoler le champ de Mars et redresser sur l’école militaire. Il y a de la place à revendre », racontera-t-il en 2015. Et d’ajouter : « Il y a peu de monde. Un soldat américain tout étonné nous photographie en vol. […] Il fallait plus de culot que d’adresse, nous n’avions demandé la permission à aucune autorité »
À l’issue de la guerre, le sous-lieutenant Simonet totalise 250 heures de vol réalisées lors de 137 missions de guerre.
Rendu à la vie civile, il est admis à l’École nationale de la France d’Outre-mer, avant d’être nommé en Indochine en tant qu’administrateur. Puis il poursuit ses études l’École d’Application de l’INSEE et à l’Insitut de Statistique de l’Université de Paris. Après avoir une affectation au Cameroun, Pierre Simonet intègre la fonction publique internationale en 1957, d’abord au sein de l’Organisation des Nations-unies pour l’Agriculture et l’Alimentation [FAO], puis en tant que conseiller de l’ONU en Iran.
En 1961, il rejoint l’Organisation de Coopération et de Développement économique [OCDE], puis, trois ans plus tard, le Fonds monétaire international, où sein duquel il travaillera jusque dans les années 1980, avant de se retirer à Toulon.
En janvier 2020, Pierre Simonet avait été élevé à la dignité de Grand’Croix de la Légion d’Honneur. Puis, en juillet dernier, il avait été nommé membre honoraire de l’ordre de l’Empire britannique.
Un Monsieur ayant l’étoffe des héros.
Je retiens cette phrase révélatrice d’un état d’esprit: « Pour nous, les rebelles de la première heure » .
A méditer quand on voit aujourd’hui tant de conformisme, parfois adopté pour cacher de petites et grandes lâchetés.
Bel exemple! Il a été, sans aucun doute, accueilli au sein de ses frères d’arme de l’autre côté, avec tous les honneurs.
Puisse ces gens continuer de servir d’exemple au fil du temps …
Je vous recommande la lecture du petit livre souvenir d’Hubert Germain, un des deux derniers Compagnons de la Libération encore en vie : un homme très courageux, digne et modeste.
Editions ‘Les Belles Lettres, ‘mémoires de guerre’ : « Espérer pour la France – Mémoires d’un Compagnon de la Libération ».
Il est entré dans l’Histoire de France.
Pour bien prendre conscience de l’exception que furent les Compagnons de la Libération, puis par la suite de ce que furent les ‘Forces Françaises Libres’, quelques chiffres suffisent, extraits de ‘Un siècle d’aviation française’ :
« Ainsi les Français libres furent ils toujours très peu nombreux. Les Forces Aériennes Françaises Libres (FAFL) comptèrent bien peu d’hommes (moins de 4 000 au total) dont très peu d’officiers « évadés » (105), maigres effectifs à comparer aux 166 000 hommes dont 9 000 officiers qui étaient restés à l’Armée de l’Air en juin 1940, et aux 148 000 que le gouvernement de Vichy avait renvoyés vers leurs foyers dans les mois suivants. La plupart de ces combattants n’étaient pas militaires de carrière » …
Je ne sui spas un donneur de leçon, je n’ai pas connu la guerre et j’ignore totalement quel aurait été mon comportement dans ces circonstances.
Nous en sommes tous là , ceux qui n’ont pas été au feu…
J’imagine les repas de famille où chacun se demande s’il peut parler librement ou si le voisin serait capable de le dénoncer ; l’enfer, comme disait Sartre.
Ou comme chantait J-Jacques Goldman :  » Aurais-je été meilleur ou pire que ces gens ? «Â
Quelques soient les sentiments des personnels concernés, il est beaucoup plus facile de partir quand on a 20 ans , célibataire et pas de situation stable que quand on en a 35 , une famille à charge ( qui sans compter les difficultés matérielles, peut être victime de représailles) et une situation que l’on saborde.
Reste à savoir dans quelle proportion les militaires restés en France ont néanmoins participé ou non à la lutte contre les occupants allemands, par le biais de la résistance ou du renseignement.
Oui, enfin quand vous êtes en Spé ou encore en Sup à moins de 20 ans et que vous préparez l’X, comme VGE, il y a beaucoup de mérite à aller se battre… Quand je lis la biographie par exemple d’un artiste qui est Prix de Rome en 1942, et qui poursuit sa formation artistique ensuite dans un pays en guerre, je me dis que lui il n’était pas vraiment concerné !…
???
Le fait de mettre ses études entre parenthèses est tout à fait méritoire, il participe aussi de l’enthousiasme juvénile.
on peut toujours trouver des contre-exemples, mais la plus grande disponibilité des jeunes pour l’aventure (sans connotation péjorative) est une constante.
Il y a quelques années , G.Bodinier avait publié une étude sur les officiers français dans la guerre d’Amérique, qu’il concluait par l’étude du comportement du corps à la révolution; les chiffres démontraient que plus les officiers étaient jeunes et peu avancés dans leur carrière, plus nombreux ils avaient émigré, alors qu’on pourrait penser que des officiers plus anciens aient été plus attachés aux valeurs royalistes.
R.I.P.
Je croyais qu’un militaire était là uniquement pour obéir aux ordres…
Je plaisante, bien sur. Lorsque j’étais aspirant j’apprenais même à mes hommes à désobéir à mes ordres (stupides). Le rôle d’un officier est aussi d’apprendre à ses subordonnés à réfléchir avant d’agir…
Dans l’armée de l’air, on a coutume de dire qu’un pilote ne meurt pas. Il s’envole un jour et oublie de revenir se poser. Pierre Simonet à entrepris son dernier vol pour rejoindre les héros qui nous ont permis de vivre libre aujourd’hui. Il ne reste que deux des 1038 gardiens de la flamme sacrée du Général. Je leur souhaite de vivre leurs dernières années dans la paix et le bonheur qu’ils ont gagné pour nous.
Durant la campagne de France il y avait un avion (le seul) de fabrication française capable de surclasser le BF109 allemand, c’est le Dewoitine D520, hélas il est arrivé trop tardivement et en trop petit nombre, c’était le spitfire français, nos MS406 était trop faiblement motorisés et se faisaient systématiquement descendre, il aurait mieux fallu leur coller une bombe sous le ventre et les utiliser pour bombarder les colonnes de Guderian et Rommel, cela aurait sans doute fait la différence.
Mais on ne refait pas l’histoire, on ne peut que la commenter.
Une période ou les héros furent nombreux, air, terre ou mer.
Autre temps, autre « moeurs »… Notre pays est-il encore capable de susciter de tels héros dans les rangs de sa jeunesse ? J’en doute malheureusement….
Il y a aussi des héros actuels: Pensez aux forces de l’ordre, aux militaires, aux pompiers qui meurent au feu pour nous (je ne parle pas des accidents mais des actions réfléchies qui engagent leur vie en connaissance de cause, jusqu’au sacrifice ultime). Il n’y a que les circonstances qui changent.
Les deux officiers mariniers du commando Hubert morts en mission de libération d’otages au Burkina Faso sont d’authentiques héros…
Les héros de l’Histoire de France étaient parfois glorifiés pour des faits incertains ou attribués par erreur a posteriori ( exemple le cri « A moi Auvergne, voilà l’ennemi ! » ).
Les héros existent toujours… Et parfois ils meurent encore… Dois-je vous citer le nom de tous les soldats français mort aux combats ces dernières décennies ? Me concernant, je les considèrent tous comme des héros… Chaque homme ou femme qui donnent sa vie pour la France …
Oui, et il a fait partie des troupes qui ont du se battre contre les troupes françaises de vichy, en Afrique occidentale, et du coté de la Syrie…… les officiers de ces troupes ayant refusé de comprendre ou était l’intérêt de la France…
RIP
De la différence entre le légalisme (les forces régulières étaient vichystes) et les convictions, ce qui a amené quelques généraux à outrepasser les ordres gouvernementaux (Indochine) ou violer le droit (Algérie) pour agir de leur propre initiative « pour la France ».
Pétain et Hitler sont arrivés au pouvoir légalement, De Gaulle et Salan se sont révoltés et ont été condamnés pour cela. Mais je suis hors sujet, veuillez m’en excuser.
Je suis reconnaissant à cet homme pour avoir fait ce qu’il a fait, et admiratif pour son courage, son travail et son état d’esprit.
Mon père a réussi en 5 ans à se battre contre les allemands,les italiens (39,40) puis les anglais(41) puis les américains(42 ) puis de nouveau les allemands, les italiens.Par bonheur pas contre les français.
Pierre Simonet sur YT et la bataille de Bir Hakeim, qui sauva l’Egypte et ensuite la bataille d’Afrique du Nord
https://www.youtube.com/watch?v=5ThflfAV6hk
Article qui mérite d’être diffusé en milieu scolaire, collège et lycée. suffisamment complet et clair, lisible.
Certains commentaires valent le coup aussi.
donc pour une collègue professeur d’Histoire-Géographie, littéraire, donc pas à l’aise avec la bureautique, j’ai fait ce pdf :
http://www.prfphy1.fr/Histoire/pierre_simonet.pdf
en lui suggérant de le distribuer à ses élèves.
En fait je pense en parler à plusieurs enseignants, sauf si cela pose un souci de droits d’auteur.
Vous citez l’auteur, donc vous ne devriez pas entraîner le courroux de Mr Lagneau, qui est sympathique et large d’esprit. En revanche connaissant le milieu enseignant, je crains que vous ne passiez pour un inquiétant admirateur des valeurs militaires !
Pour le pdf : très beau travail ( avis d’esthète ! )…
LibreOffice sous Linux.
Mes collègues connaissent mes valeurs, qui m’ont effectivement apporté quelques ennuis, mais pas par les dits collègues.
Merci pour votre avis.
Un bel exemple de refus de la médiocrité et de la « fatalité » des lâches.
Respect et honneur à cet homme et tous ses compagnons sous la direction du général De Gaulle pour ce qu’ils ont fait et ce qu’ils représentent pour notre pays, notre histoire et nos générations actuelles et à venir. Ils doivent toujours rester des balises lumineuses pour nous guider dans des jours qui tendent à s’obscurcir. Non seulement ils ont contribué plus que tout à la libération face à l’obscurantisme et la brutalité, mais ils sont aujourd’hui une force spirituelle pour l’avenir et à laquelle nous pourrons toujours nous référer. Le devoir de mémoire vis à vis de ces hommes est essentiel pour notre patrie et nos enfants. Qu’ils reposent en paix.
Il était l’un de ceux là , engagé volontaire dans la France Libre avant le grand amalgame d’aout 1943.
http://www.france-libre.net/liste-francais-libres/
En dehors de nos mémoires, de celles de leur descendants, il n’existe aucun lieu ou cette liste est gravé.
Une légende
Pour ceux qui vont parfois en Tunisie, il y a un cimetière militaire a Takrouna, pas loin du village berbère.
Il y a un mât des couleurs, et un mausolée musulman, symbole de l’engagement des 45 000 soldats tunisiens ayant servi au sein de l’Armée française et dont des milliers d’entre eux ont donné leur vie pour la France.
Le cimetière est entretenu par les autorités tunisiennes
Si vous avez un peu de temps, quelques fleurs ou juste un hommage
Merci
En plus d’avoir été fait et médaillé Compagnon de la Libération, Croix de Guerre 1939-1945, Pierre Simonet eut l’honneur de recevoir également la médaille coloniale, création très républicaine de 1883 à l’époque où celle-ci s’enorgueillissait de ses conquêtes et possessions. Ca doit donc être ce qu’on appelle une « valeur de la République ». Merci Ferry dont on lit pieusement les lettres à l’Ecole.
@Vinz
Je répond à votre remarque dans l’échange précédent où vous parliez de la fabrique des crétins ….
Effectivement vous avez raison les usines à crétins fonctionnent à plein et vous en êtes d’une belle série.
Que vous le vouliez ou non, dans notre histoire, 14-18 et 39-45 sont assez liés par les mêmes hommes. Un conflit qui s’est prolongé pour finir en 45 le travail qui n’avait pas été fait en 18, afin de passer à autre chose. Et hélas des héros de la 1ère ont été des salauds lors de la 2ième, souvenez-vous de Darnand.
Votre anti-gaullisme naturel est consubstantiel au Lepenisme … le plus crasse, celui de la collaboration. D’ailleurs votre remarque ci-dessus semble bien teintée de cela.