Les députés s’interrogent sur les bénéfices de la mutualisation du soutien à la police et à la gendarmerie

En 2014, il fut décidé de créer un « secrétariat général pour l’administration du ministère de l’intérieur » [SGAMI] pour chaque zone de sécurité et de défense, afin de mutualiser entre la Police nationale, la Gendarmerie et la Sécurité civile les fonctions de soutien dans les domaines de la logistique, de l’immobilier, des ressources humaines et des finances.

Cette mutualisation du soutien s’inscrivait alors dans la logique qui avait motivé le rattachement de la Gendarmerie nationale – force militaire – au ministère de l’Intérieur, avec l’objectif affiché de supprimer les doublons et de réduire les coûts.

Une autre décision du même ordre, prise à la même époque, consista à mettre en place le Service unique en charge des achats, de l’équipement et de la logistique [SAELSI], afin, là encore, de mutualiser les achats « pour tous les nouveaux marchés nationaux, sauf pour l’informatique et l’immobilier » au bénéfice des policiers et des gendarmes.

Pour autant, cette mutualisation des moyens entre la Gendarmerie et la Police n’est visiblement pas un gage d’efficacité et d’efficience, comme l’a par exemple montré la difficulté à fournir des masques aux gendarmes chargés de faire respecter le premier confinement décrété en mars dernier pour freiner la progression de l’épidémie de covid-19. Mais il est vrai que la communication gouvernementale sur l’utilité de ces protections a été erratique.

Sur ce point, le député Xavier Batut, rapporteur pour avis sur le budget 2021 de la Gendarmerie, a estimé que la crise sanitaire a « agi comme un révélateur des dysfonctionnements structurels de la mutualisation », rappelant ainsi que, en mars/avril, la « Gendarmerie nationale n’a été livrée en masques, en gel hydro-alcoolique et en gants de protection qu’avec retard – alors même que les forces de sécurité intérieure étaient au contact des populations, devant assurer le respect des règles de confinement. » Et d’en tirer la conclusion que, « au plus fort d’une crise, un chef doit pouvoir disposer de moyens opérationnels. »

Mais ce n’est pas seul exemple qu’il a donné. En effet, la « gestion des ateliers automobiles par les SGAMI interroge car bien souvent, a contrario de l’objectif d’économies budgétaires, [leur] mutualisation fait exploser les coûts d’entretien supportés par la gendarmerie », a pointé le député. « En effet, les SGAMI n’assurant pas de permanence le week-end, la gendarmerie se retrouve obligée de recourir à des dépanneurs privés, ce qui accroît d’autant les coûts d’entretien », a-t-il expliqué.

Dans son rapport, et même s’il ne rejette pas toute idée de mutualisation, M. Batut estime que ces SGAMI « s’apparentent à des structures hors-sol qui ne sont pas enclines à écouter les préoccupations de la gendarmerie. » Et d’insister : « Ce choix de gouvernance de la logistique va à l’encontre du sacro-saint principe opérationnel bien connu des services de soutiens dans les armées – ‘un chef, une mission, des moyens’ – qui veut que le chef opérationnel ait des marges de manœuvre pour gérer sa logistique. »

En effet, poursuit-il, cette gestion logistique « doit revenir au chef » car c’est le principe même d’une force armée. » Une autre observation formulée par Batut est que le fonctionnement des SGAMI est, en quelques sorte, incompatible avec la militarité de la Gendarmerie, en particulier s’agissant de la « disponibilité en tout temps et en tout lieu, sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. »

« En effet, par essence une force de sécurité, en tant que service public régalien, doit pouvoir fonctionner en continu – y compris et même surtout en temps de crise », fait valoir le député.

Les questions soulevées par M. Batut ont fait l’objet d’un amendement qui a été adopté lors du débat budgétaire intéressant le ministère de l’Intérieur. Ainsi, ce texte demande au gouvernement de remettre au Parlement un rapport « dressant un bilan de l’impact de la création des secrétariats généraux pour l’administration du ministère de l’intérieur en matière de gestion des effectifs et des crédits de fonctionnement de la Gendarmerie nationale. »

« On conçoit qu’il puisse, dans certains cas, être opportun de mutualiser certaines fonctions pour faire des économies budgétaires. Mais encore faut-il savoir jusqu’où aller dans cette mutualisation. Pour cela, il conviendrait de mener une évaluation de l’impact de la création des secrétariats généraux pour l’administration du ministère de l’intérieur en matière de gestion des effectifs et des crédits de fonctionnement de la gendarmerie nationale », est-il ainsi expliqué dans l’exposé des motifs.

Photo : © Gendarmerie nationale

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