Le Sénat a une solution pour que les Armées puissent récupérer le produit de la vente de 12 Rafale d’occasion à la Grèce

En septembre, Athènes a fait part de son intention de se procurer 18 avions Rafale, dont 12 d’occasion. Évidemment, une telle commande – qui reste à confirmer – est une aubaine pour l’industrie française. Et, comme l’a souligné le général François Lecointre, le chef d’état-major des armées [CEMA], elle permettra « la mise en place d’une ‘communauté Rafale’ avec la Grèce et d’autres partenaires occidentaux » qui sera la « garantie d’une interopérabilité extrêmement précieuse. »

Cependant, préléver 12 Rafale sur la flotte de 102 exemplaires que compte actuellement l’armée de l’Air & de l’Espace ne sera pas sans conséquences sur les opérations de cette dernière, même si leur effet sera a priori limité dans le temps.

« Pour éviter la réduction des capacités opérationnelles intermédiaires, nous travaillons sur la disponibilité de la flotte actuelle. Nous mobilisons des investissements considérables pour son maintien et nous préparons des contrats verticalisés, afin que la responsabilité de l’industriel soit clairement identifiée. Le contrat Ravel, formalisé avec Dassault en 2019, doit permettre d’améliorer la disponibilité à hauteur de 10 appareils en 2022 », a toutefois expliqué Florence Parly, la ministre des Armées, lors d’une audition au Sénat, le 14 octobre.

« En 2025, l’armée de l’air et de l’espace doit disposer de 129 appareils. Il va de soi que les appareils prélevés seront compensés. Je commanderai donc le nombre d’avions neufs correspondant dès que la commande grecque sera passée, dans les prochaines semaines ou dans les prochains mois », a en outre rappelé la ministre. Et d’ajouter : « Pour notre armée de l’air, les 28 avions de la tranche dite ‘4T2’ ont vocation à être livrés entre la fin 2022 et la fin 2024. Viendront ensuite 12 avions […] qui seront livrés en 2025. »

Mais c’est au niveau budgétaire que les choses risquent d’être un peu plus compliquées. Pour remplacer ces 12 Rafale , et comme l’a annoncé Mme Parly, il faudra engager une dépense pour en acquérir autant, à un prix évidemment plus élevé que celui des appareils d’occasion appelés à porter les cocardes grecques. Qui plus est, et pour le moment, le produit de cette vente n’ira pas directement dans les caisses du ministère des Armées…

En clair, les ressources financières nécessaires à la commande évoquée par la ministre pourraient être ponctionnées sur d’autres programmes d’équipement. C’est d’ailleurs ce qu’a sous-entendu le général Lecointre devant les sénateurs. « Nous regardons comment réaliser les décalages d’engagements du programme 146 [Équipement des forces] à même de garantir le bon déroulement des choses », a-t-il dit.

Aussi, l’enjeu pour Mme Parly est de pouvoir récupérer le produit de la vente de ces 12 Rafales d’occasion à la Grèce. Ce qui n’est pas gagné, puisqu’elle a elle-même parlé de la nécessité de mener une bataille avec le ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance.

« La règle budgétaire est très claire : le produit de ces cessions est versé au budget général. Il faudra donc mener un nouveau combat… », a d’ailleurs répété la ministre aux sénateurs.

Mais dans ce combat, Mme Parly pourra compter sur l’appui des parlementaires. Dans un communiqué, la commission sénatoriale des Affaires étrangères et de la Défense a ainsi souligné que, pour l’armée de l’Air & de l’Espace, la commande grecque « signifie un prélèvement à hauteur de 10% environ de son parc Rafale ». Aussi, estime-t-elle, un « retour sur investissement est légitime » et la « vente d’appareils actuellement en service doit contribuer au financement d’appareils neufs » qui « en tout état de cause, ne sauraient être acquis à budget constant, au détriment d’autres programmes. »

D’où la solution proposée par son président, Christian Cambon. « Pourquoi ne pas sécuriser ces recettes dans un compte d’affectation spéciale? », a-t-il suggéré.

Selon la définition donnée par Bercy, les comptes d’affectation spéciale [CAS] « concernent des opérations à caractère définitif » et « peuvent être d’une certaine importance financière ou bien plus mineurs, mais concerner un secteur particulier. La LOLF [Loi organique relative aux lois de finances] oblige à ce qu’il y ait une ‘relation directe, par nature’ entre la recette et la dépense. »

En général, un CAS est ouvert quand le gouvernement et le Parlement tombent d’accord pour financer une opération budgétaire avec des recettes exceptionnelles ou particulières ayant une relation directe avec les dépenses envisagées. Ce qui sera manifestement le cas pour les 12 Rafales de seconde main qui seront cédés à la Grèce…

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