Une plaque en hommage au colonel Arnaud Beltrame fait polémique à Paris

Le 23 mars 2018, après avoir tué le passager d’une voiture pour s’en emparer, cherché vainement à s’attaquer aux militaires du 3e Régiment de Parachutistes d’Infanterie de Marine [RPIMa] et tiré en direction d’un groupe de CRS qui terminaient une séance de sport, Redouane Lakdim prit la direction d’un magasin Super U, implanté à Trèbes.

Une fois dans le supermarché, et affirmant agir au nom de l’État islamique [EI ou Daesh], le terroriste tua deux personnes, avant de se retrancher dans la salle des coffres, où venait de se cacher une employée. Lieutenant-colonel de gendarmerie au moment des faits, Arnaud Beltrame se proposa pour prendre la place de l’otage.

Pendant près de trois heures, les clients et les employés du magasin ayant pu être libéré, l’officier se trouva ainsi face-à-face avec Lakdim, qui exigeait alors la libération Salah Abdeslam, impliqué dans les attentats du 13 novembre 2015, à Paris.

Malheureusement, le lieutenant-colonel Beltrame sera mortellement blessé par le terrorisme, lequel sera abattu lors de l’intervention de l’antenne toulousaisne du GIGN. Par la suite, l’officier sera promu au grade de colonel. Et les hommages pour saluer son sacrifice et sa mémoire se multiplieront partout en France. Ce qui, plus de deux ans après les faits, donne parfois lieu à des polémiques.

Ainsi, en décembre 2019, un habitant de Fontaine-le-Comte [Vienne] a saisi le tribunal administratif de Poitiers pour contester la décision de poser une plaque commémorative à la mémoire du colonel Beltrame sur le monument aux morts de la commune. Motif? Parce qu’il « ne serait pas mort pour la France mais pour l’intérêt de la patrie ». La justice administrative ne donna pas de suite à sa requête.

Auparavant, seulement deux mois après l’attaque du Super U de Trèbes, la municipalité de Montfermeil [Seine-Saint-Denis] rendit hommage à l’officier en donnant son nom au parvis de la mairie, avec une plaque portant la mention « Parvis Colonel Arnaud Beltrame, officier de gendarmerie, 1973-2018, mort en héros, victime du terrorisme islamiste ». Ce fut la référence au « terrorisme islamiste » qui donna matière à polémique, trois élus de l’opposition municipale, appartenant au « Front de gauche », ayant estimé qu’elle risquait de « stigmatiser » les musulmans.

La Mairie de Paris a visiblement tenu compte de cette remarque. En février, dans le 3e arrondissement de la capitale, la maire, Anne Hidalgo, inaugura un jardin portant le nom du colonel Beltrame.

La plaque dévoilée à cette occasion passa inaperçu jusqu’à ces derniers jours. Sur les réseaux sociaux, des internautes se sont émus de la mention qui y figure, à savoir : « Jardin / Arnaud Beltrame / 1973-2018 / Colonel de gendarmerie / assassiné lors de l’attentat terroriste du 23 mars 2018 à Trèbes [Aude] / Victime de son héroïsme. » Ce qui est reproché à la Mairie de Paris, c’est d’avoir considéré qu’Arnaud Beltrame aurait été « victime de lui-même ».

« Non, Arnaud Beltrame n’a pas été ‘victime de son héroïsme’ mais du terrorisme! Formulation scandaleuse, rédigée par des gens qui manifestement ne connaissent pas le sens des mots. Pourtant les effectifs du service communication de la mairie de Paris sont pléthoriques! », a vivement réagi le journaliste Clément Weill-Raynal.

« ‘Victime de son héroïsme’. Comment peut on nier à ce point la barbarie et le terrorisme islamiste qui sont les seuls responsables de son assassinat? S’il est mort en héros, il n’est en rien victime de son héroïsme », a jugé Aurore Bergé, députée LREM des Yvelines.

Pour Bénédicte Chéron, historienne spécialiste des questions de défense, estime qu’avec l’expression « victime de son héroïsme », on « atteint la confusion maximale » car le « mot ‘victime’ est impropre et la cause du décès tout autant. On fait d’Arnaud Beltrame la victime de lui-même ». Et d’insister : « Tentons de remettre les faits [et les mots] dans le bon ordre : Il n’est pas simplement une figure sacrificielle, il est aussi une figure de combattant. Il n’est pas entré dans le supermarché pour mourir : il est entré pour agir. »

« Mal nommer un objet c’est ajouter au malheur de ce monde, car le mensonge est justement la grande misère humaine, c’est pourquoi la grande tâche humaine correspondante sera de ne pas servir le mensonge », disait Albert Camus…

Photo : Le colonel Arnaud Beltrame – DGGN

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