Haut-Karabakh : L’Otan demande à la Turquie « d’user de son influence » pour mettre fin aux combats

Malgré les appels au cessez-le-feu et les offres de médiation, les combats entre les forces azerbaïdjanaises et celles du Haut-Karabakh, soutenues par l’Arménie, ne cessent de gagner en intensité depuis qu’ils ont éclaté, le 27 septembre.

Pour rappel, territoire dont la population est majoritairement arménienne, le Haut-Karabakh avait été rattaché à l’Azerbaïdan, dans les années 1920, par Staline. Puis, peu avant l’effondrement de l’URSS, il déclara son indépendance, ce qui donna lieu à une guerre entre Bakou et Erevan. Cette dernière prit fin en 1994, avec la médiation du groupe de Minsk, formé par la France, la Russie et les États-Unis.

Pour autant, le sort du Haut-Karabakh ne fut pas définitivement réglé… alors que l’Azerbaïdjan ne fit jamais mystère de son intention d’en reprendre le contrôle.

Quoi qu’il en soit, le 3 octobre, lors d’une allocution télévisée, le Premier ministre arménien, Nikol Pachinian, a qualifié le conflit en cours de « lutte nationale ». Et les autorités arméniennes ont même promis de prendre « toutes les mesures nécessaires » pour faire cesser les « atrocités de masses » dont elles accusent les forces azerbaïdjanaises.

En réponse, le président azerbaïdjanais, Ilham Aliev, a affirmé que les combats continueriauent « jusqu’au retrait arménien » du Haut-Karabakh. « On les chasse comme des chiens! », s’est-il allé à lancer en commentant les succès – présumés – de ses forces sur le terrain.

Dans cette affaire, l’Azerbaïdjan peut compter sur le soutien indéfectible de la Turquie, laquelle a multiplié les déclarations hostiles à l’Arménie. Mais cet appui ne se traduit pas seulement par des mots : il consiste également à l’envoi, auprès des forces azerbaïdjanaises, de mercenaires recrutés parmi les groupes armés syriens pro-Ankara, voire à une implication directe de moyens militaires turcs. En tout cas, c’est ce qu’affirme Erevan.

La semaine passée, à l’instar de la Russie, le président Macron a dénoncé l’envoi de « combattants jihadistes » au Haut-Karabakh par la Turquie.

« Une ligne rouge est franchie. Je dis que c’est inacceptable, et j’invite l’ensemble des partenaires de l’Otan à regarder simplement en face ce qu’est un comportement de membre de l’Otan : je ne pense pas que ça en relève », a affirmé le président français en évoquant les agissements de la Turquie.

Justement, le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, a eu l’occasion d’évoquer le sujet de vive voix avec les responsables turcs, ce 5 octobre. Mais le communiqué publié par l’organisation à l’issue d’une rencontre avec Mevlut Cavusoglu, le chef de la diplomatie turque, ne s’étend pas sur le conflit du Haut-Karabakh et, plus généralement, sur les autres sujets de fâcherie, comme la mise en service des systèmes russes de défense aérienne S400.

En effet, le texte diffusé par l’Otan indique que M. Stoltenberg a « salué les contributions de la Turquie aux missions » de l’Alliance, « notamment en Afghanistan, en Irak et au Kosovo » et « souligné « le ferme engagement de l’Otan en faveur la sécurité de la Turquie », via le « renforcement de sa défense aérienne contre les attaques de missiles en provenance de la Syrie » et l’augmentation de « la présence aérienne et navale de l’Alliance ».

En juin, la Turquie a lancé l’opération « Griffes du Tigre » dans le nord de l’Irak, sans y avoir été invitée par Bagdad… et en dehors du cadre de l’Otan. Par ailleurs, son offensive lancée en octobre 2019 contre les milices kurdes syriennes n’a pas contribué à réduire la menace de l’État islamique… et, par extension, à en protéger l’Irak.

Quant aux tensions entre la Grèce et la Turquie, M. Stoltenberg s’est de nouveau félicité de « la mise en place d’un mécanisme militaire » visant à prévenir les risques d’incidents en Méditerranée orientale.

« Le mécanisme de déconfliction peut aider à créer un espace pour les efforts diplomatiques. J’espère fermement que les différends sous-jacents pourront désormais être résolus uniquement par le biais de négociations, dans l’esprit de la solidarité alliée et du droit international », a commenté M. Stoltenberg.

Enfin, le communiqué de l’Otan ne s’étend pas sur les discussions qu’a pu avoir M. Stoltenberg au sujet du rôle de la Turquie en Libye, en Syrie et au Haut-Karabakh…

Cela étant, sur ce dernier point, lors de la conférence de presse qu’il a donnée après s’être entretenu avec M. Cavusoglu, M. Stoltenberg a déclaré qu’il s’attend « à ce que la Turquie use de son influence pour calmer les tensions. » Et d’ajouter : « Toutes les parties doivent immédiatement cesser les combats et avancer vers une solution pacifique. »

Seulement, le ministre turc s’est assis sur l’appel lancé par M. Stoltenberg, estimant que l’Otan devrait « appeler l’Arménie à se retirer » du Haut-Karabakh, avant d’accuser Erevan de « commettre des crimes de guerre. »

En attendant, le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a indiqué que le groupe de Minsk prépare actuellement une « nouvelle déclaration » ainsi que des « mesures concrètes » visant à « empêcher le sang de couler ». Sans plus de précision.

En France, 176 élus, issus de fomations classées à droite, au centre et à gauche, ont appelé le président Macron à revoir « sa stratégie dans le conflit » qui oppose l’Arménie à l’Azerbaïdjan.

« Force est de constater que l’espace de neutralité dans lequel la France s’efforçait depuis plusieurs décennies de créer un chemin vers la paix n’existe plus. Il présente désormais davantage de garanties d’impunité au profit des agressions azerbaïdjanaises conduites en étroite concertation avec son allié turc, que de leviers pour rechercher une solution concertée au conflit. Pour l’ensemble de ces raisons, nous considérons que la diplomatie française doit réexaminer sa stratégie dans le conflit du Haut-Karabakh : dénoncer avec force l’agression azerbaïdjanaise et exiger l’arrêt immédiat des violences de la part de l’Azerbaïdjan sous peine d’un soutien massif aux autorités du Haut-Karabakh qui passera par la reconnaissance de leur légitimité pleine et entière », ont fait valoir ces élus dans une tribune publiée par le Journal du Dimanche.

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