La Turquie est soupçonnée d’avoir envoir envoyé des combattants syriens en Azerbaïdjan

Plus de vingt-quatre heures après le début des hostilités entre l’Azerbaïdjan, l’Arménie et le Nagorny-Karabakh, il est compliqué d’avoir une idée précise de la situation, les communiqués diffusés par les belligérants étant contradictoires.

Ainsi, le ministère de la Défense du Nagorny-Karabakh a assuré avoir regagné le terrain perdu par ses troupes face aux forces azerbaïdjanaises alors que Bakou affirme avoir « pris plusieurs positions stratégiques aux abords du village de Talych » après une série de frappes effectués par son artillerie et son aviation.

Quant aux bilans des combats, ils sont à prendre avec beaucoup de précaution, chaque camp se gardant de communiquer sur les pertes qu’il a subies tout en ne se privant pas de le faire pour celles infligées à l’adversaire. Erevan a évoqué « 200 soldats ennemis tués » tandis que Bakou clame avoir éliminé 550 combattants dans les rangs de ses adversaires.

Dans cet affaire, l’Arménie pourrait demander le soutien de l’Organisation du traité de sécurité collective [OTSC] dont elle est un membre fondateur, avec la Russie, la Biélorussie, le Kazakhstan et le Kirghizistan. L’une des missions de cette structure, qui se veut le pendant de l’Otan, est en effet de défendre la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale de ses membres.

Par ailleurs, l’Arménie est un partenaire stratégique de la Russie, le pays abritant, à Guioumri, la seule base militaire russe dans le sud du Caucase [et dont le dernier point d’appui de Moscou dans la région]. Aussi, le Kremlin ne tient pas à voir la situation se détériorer davantage. D’où ses appels à cesser les hostilités.

En revanche, l’Azerbaïdjan peut se prévaloir du soutien indéfectible de la Turquie, les relations entre Bakou et Ankara étant décrites par la formule « seule nation, deux États »]. C’est d’ailleurs ce qu’a rappelé le president turc, Recep Tayyip Erdogan, le 27 septembre. « Le peuple turc va soutenir nos frères azerbaïdjanais avec tous nos moyens, comme toujours », a-t-il fait valoir, tandis que ses ministres disaient pis que pendre de l’Arménie, accusée d’être « la plus grave menace à la paix et à la stabilité dans le Caucase » par celui de la Défense, Hulusi Akar.

Cela étant, le président azerbaïdjanais, Ilham Aliev, avait durci le ton à l’égard d’Erevan au cours de ces dernières semaines, allant même jusqu’à affirmer le droit de son pays à chercher une « solution militaire » au conflit du Haut-Karabakh, gelé depuis 1994 après une guerre ayant fait plus de 30.000 tués.

Profitant de la manne pétrolière, Bakou a fait des efforts conséquents pour moderniser ses forces armées. Et ces dernières peuvent compter sur le soutien turc, comme l’avait encore récemment rappelé Ismail Demir, le directeur de l’Agence de l’industrie de défense turque. « Notre industrie de défense, nos expériences, technologies et capacités dans les drones armés, les munitions et missiles ou encore les systèmes de guerre électronique, sont toujours à la disposition de l’Azerbaïdjan. Nous allons travailler ensemble pour doter l’Armée azerbaïdjanaise de nouveaux systèmes mais aussi pour la maintenance, l’entretien, la modernisation et les activités de formation », avait-il dit, en juillet dernier.

Mais ce soutien, qui passe aussi par des manoeuvres conjointes régulièrement organisées par les deux pays, a visiblement une autre forme. En effet, la Turquie aurait envoyé, auprès des forces azerbaïdjanaises, des combattants recrutés parmi les groupes rebelles qu’elle soutient en Syrie.

C’est en effet ce qu’a affirmé l’ambassadeur d’Arménie en poste à Moscou. Selon ce dernier, cité par l’agence Interfax, 4.000 combattants venus du nord de la Syrie auraient rejoint l’Azerbaïdjan récemment.

À Paris, Hasmik Tolmajyan, ambassadrice d’Arménie en France, a dit la même chose sur les ondes de France Inter, ce 28 septembre, évoquant l’envoi, par la Turquie, de « centaines de jihadistes de Syrie » vers l’Azerbaïdjan.

L’Observatoire syrien des droits de l’Homme [OSDH] a effectivement indiqué, dès le 24 septembre, qu’au moins 300 combattants appartenant aux groupes rebelles syriens « Sultan Murad » et « Al-Amshat » avaient été recrutés à Afrin pour s’envoler, a priori, vers l’Azerbaïdjan. Et cela pour un salaire de 1.500 à 2.000 dollars.

Cela étant, Bakou a démenti la présence de mercenaire syriens sur son territoire, parlant de « rumeurs », de « provocation de la part des Arméniens » et d’une « absurdité totale. »

Quoi qu’il en soit, pour Mme Tolmajyan, il ne fait aucun doute que l’Azerbaïdhan est « fortement encouragé par la Turquie, qui lui fournit un soutien à la fois politique et militaire inconditionnel ». Et ce soutien turc « rend la situation sur place extrêmement préoccupante », a-t-elle continué.

« Ankara renforce sa présence militaire en Azerbaïdjan. C’est très palpable et très visible, surtout pendant les derniers mois. Les deux pays avaient organisé d’ailleurs des manœuvres militaires conjointes de très, très grande ampleur en début août. Par ailleurs, après ces manœuvres, Ankara n’a toujours pas rapatrié ses chasseurs F-16 en les laissant à la disposition de l’Azerbaïdjan », a encore dénoncé la diplomate arménienne.

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