Vers une clause de défense mutuelle entre la France et la Grèce?

Face aux visées turques en Méditerranée orientale, qui se traduisent par l’envoi, sous escorte militaire, de navires de recherche sismique dans des zones maritimes qu’elles revendiquent comme les y invitent la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, la Grèce et la République de Chypre ne sont pas seules. Tel est le message envoyé par le Med7, qui réunit sept pays du sud de l’Union européenne, dont la France, Malte, l’Espagne, l’Italie et le Portugal.

En effet, lors d’un sommet organisé en Corse, le 10 septembres, le Med7 a exprimé son « plein soutien » et son « entière solidarité » à l’égard de la Grèce et de la République de Chypre « face aux atteintes répétées à leur souveraineté et à leurs droits souverains ainsi qu’aux mesures agressives prises par la Turquie. »

« Nous appelons l’ensemble des pays de la région à respecter le droit international, notamment le droit international de la mer, et nous encourageons toutes les parties prenantes à régler leurs différends par le dialogue et la négociation », est-il affirmé à l’article 6 de la déclaration finale ayant conclu ce sommet.

Les pays du Med7 exhortent Ankara à cesser ses actions en Méditerranée orientale et à négocier, comme l’y a d’ailleurs invité Nicosie. Mais, ont-ils averti, « si la Turquie ne progresse pas sur la voie du dialogue et ne met pas un terme à ses activités unilatérales », elle s’exposerait alors à des sanctions de la part de l’Union européenne]. Sanctions qui « pourraient être évoquées lors du Conseil européen des 24 et 25 septembre 2020 », ont-ils précisé.

« Je crois que le point 6 de notre communiqué envoie un message très clair à la Turquie : si elle veut vraiment un dialogue sincère avec la Grèce, avec Chypre et avec l’UE, elle doit nous le prouver : elle doit arrêter toute action unilatérale et montrer qu’elle respecte le doit international dans sa totalité et pas de façon sélective », a commenté Kyriakos Mitsotakis, le Premier ministre grec. « La Turquie doit cesser ses recherches et toute activité unilatérale, elle doit cesser sa rhétorique agressive, retourner à la table des négociations dont elle s’est retirée en 2016. Et bien sûr si ce dialogue constructif ne peut pas avancer, il y a toujours le tribunal international de La Haye », a-t-il ajouté.

Ce sommet du Med7 a aussi été l’occasion pour le président Macron et le Premier ministre grec d’aborder le projet de partenariat stratégique entre la France et la Grèce, qui, annoncé le 29 janvier, aurait dû être finalisé en juin dernier.

Le contenu de cet accord n’est pas encore connu. Cependant, la presse grecque évoque des discussions sur une clause de défense mutuelle. Pour la presse grecque, et notamment pour le quotidien To Vima, il s’agit d’un « point clé » de ce partenariat stratégique, qui se « traduire pratiquement par l’intervention des forces françaises si la Grèce est attaquée ».

Évoquant également cette clause de défense mutuelle, le journal To Ethnos [la Nation] a indiqué que la signature de l’accord aurait lieu dans « quelques semaines, éventuellement en France, en présence des ministres des Affaires étrangères et de la Défense » des deux pays.

La France et la Grèce faisant partie de l’Otan , les deux pays sont par conséquent déjà liés par l’article 5 du Traité de l’Atlantique-Nord, lequel pose le principe de défense collective [qui mplique qu’une attaque contre un membre de l’Alliance est considérée comme une attaque dirigée contre tous les Alliés, ndlr]. Aussi, une telle clause dans un accord bilatéral pourrait être considérée comme superflue. Seulement, que se passerait-il en cas de conflit entre deux membres de l’Otan? Là, l’article 5 serait inopérant.

Par ailleurs, de par leur appartenance à l’Union européenne, la France et la Grèce sont aussi liée par l’article 42-7 du Traité de l’UE, lequel prévoit que les États membres doivent « aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir » à l’un d’entre-eux s’il fait l’objet d’une « agression armée sur son territoire. »

Seulement, ce texte, qui n’est pas contraignant puisqu’il ne concerne pas tous les États membres [notamment ceux qui sont « neutres »], est assez flou. N’ayant pas, contrairement à l’article 5 de l’Otan, de caractère automatique, il ne précise pas les moyens à mettre en oeuvre en cas d’agression, « l’aide et l’assistance » ne se traduisant pas forcément par une intervention militaire. Il peut s’agir d’une aide financière ou de simples autorisations de survol.

D’ailleurs, en août 2018, M. Macron avait plaidé pour revoir cet article, afin de faire en sorte qu’il instaure une « solidarité renforcée quasi-automatique », qui « fera qu’entre États membres qui seront d’accord […], nous puissions avoir une véritable solidarité d’intervention si un État était attaqué. »

Un autre aspect des discussions entre la France et la Grèce porte sur l’armement. Sur ce point, les journaux grecs confirment qu’il a un consensus à Athènes pour se procurer 18 avions de combat Rafale. Le quotidien Ethnos précise qu’il s’agit de 12 appareils d’occasion [dont prélevés sur la dotation de l’armée de l’Air française] et 6 neufs. Il est aussi question d’un lot supplémentaire d’hélicoptère NH-90 et de l’achat de missiles.

Sur le volet naval, les choses sont plus confuses. La presse généraliste grecque avance que la France pourrait « prêter » à la Grèce deux frégates multimissions [FREMM] dédiées à la défense aérienne [les FREDA Alsace et Lorraine, ndlr].

Ce qui est peu probable [mais pas impossible], pour deux raisons. D’une part, ces navires sont d’autant plus indispensables à la Marine nationale que cette dernière doit remplacer les frégates « Cassard » [désarmée en 2019] et « Jean Bart » [dont la fin de service est prévue en 2021]. D’autre part, les FREDA n’embarquent pas de missiles de croisière navals [MdCN], alors que c’est une exigence de l’état-major grec.

Pour le moment, on sait seulement que des discussions sont en cours pour l’acquisition de deux Frégates de défense et d’intervention [FDI]. Si ce projet semblait battre de l’aile ces dernières semaines, il serait désormais question d’un contrat portant sur quatre navires de ce type au lieu de deux.

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