Le président Trump a révélé l’existence d’une « nouvelle arme secrète » dans l’arsenal américain

En a-t-il trop dit ou pas assez quand il s’est confié au journaliste d’investigation Bob Woodward? Ce dernier affirme en effet que le chef de la Maison Blanche lui aurait dit, lors d’un entretien mené pour les besoins de son livre « Rage », qui s’apprête à sortir, que les États-Unis avaient en leur possession une nouvelle arme « nucléaire » dont personne ne soupçonnait l’existence jusqu’à présent.

« J’ai fait développer un système d’armes nucléaires que personne n’a jamais eu auparavant dans ce pays. Nous avons des choses dont vous n’avez même pas vu ou entendu parler. Nous avons des choses dont [Vladimir] Poutine et Xi [Jinping] n’ont jamais entendu parler. Ce que nous avons est incroyable », aurait dit M. Trump, rapporte le Washington Post, qui publie les « bonnes feuilles » du prochain livre de Bob Woodward.

De quelle(s) arme(s) le président Trump a-t-il voulu parler? Étant donné le contexte électoral actuel aux États-Unis, la tentation est grande chez certains de voir dans cette déclaration une nouvelle preuve de l’inconséquence de l’actuel locataire de la Maison Blanche.

Certes, par le passé, M. Trump a souvent été approximatif dans ces propos [et c’est un euphémisme] et il a été parfois accusé d’avoir avec légèreté, comme quand il publia, via Twitter, le cliché montrant l’état du centre spatial Imam Khomeini après l’explosion d’une fusée. Cliché qui, selon ses détracteurs, révélait des capacités américains en matière de renseignement. Plus récemment, il s’était vanté d’un missile hypersonique pouvant aller 17 fois plus vite que ceux développés par la Chine et la Russie. Or, il s’est avéré qu’il s’agissait en réalité du Common Hypersonic Glide Body [C-HGB], le planeur hypersonique que développent l’US Army et l’US Navy et dont la vitesse pourrait atteindre Mach 17. Ce qui est déjà énorme.

« La façon de parler de Trump en décembre 2019 ressemble à ses vantardises de mars 2020 à propos du missile ‘super extra’ qui s’est avéré être l’hypersonique », a commenté Jeffrey Lewis, du Middlebury Institute. Ce qui ne tient pas la route. car le C-HGB n’a rien de secret : le Pentagone s’est en effet récemment félicité d’un essai réussi de cette nouvelle arme.

Via Twitter, Hans Kristensen, de la Federation of American Scientists, pense que M. Trump a voulu parler de la tête nucléaire de faible puissance [5 kilotonnes] W76-2 destinée à équiper les missiles Trident. Mais cette hypothèse ne tient pas étant donné que l’US Navy a fait savoir que cette arme était déjà déployée à bord de l’un de ses sous-marins nucléaires lanceurs d’engins [SNLE] de la classe Ohio.

Cela étant, Bob Woodward assure que ses sources lui ont confirmé l’existence de cette « nouvelle arme secrète », tout en se déclarant « suprises » que M. Tump en ait parlé.

Par définition, si elle est « secrète », cela veut dire que les personnes non habilitées ne l’ont jamais vue… [désolé pour cette lapalissade… mais parfois, certaines évidences doivent être rappelées]. Le futur bombardier de l’US Air Force, le B-21 Raider, pourrait entrer dans cette catégorie : si on connaît son existence [et même ce qu’il coûtera au Pentagone], personne ne l’a encore vu, sauf sur des dessins d’artiste qui n’auront peut-être rien à voir avec le résultat final.

Reste que, par le passé, et grâce aux fonds – importants – qu’il investit dans ses « black programs », le Pentagone a mis en oeuvre des équipements militaires qui restèrent longtemps inconnus du grand public. Le chasseur-bombardier furtif F-117 Nighthawk en est l’exemple le plus emblématique.

Mais c’est le mot « nucléaire » qui interroge… Officiellement, les États-Unis n’ont pas l’intention de fixer une tête nucléaire sur une arme hypersonique. Sauf que, cet été, un sollicitation publiée par l’Air Force Nuclear Weapons Center [AFNWC] à l’attention des industriels a relancé les spéculations : il y était en effet question d’un « système de protection thermique » pour un planeur hypersonique susceptible d’être lancé par le » Ground Based Strategic Deterrent » [GBSD], c’est à dire le futur missile balistique sol-sol de l’US Air Force.

Le mot « nucléaire » peut aussi faire référence à un mode de propulsion… comme pour le programme russe Burevestnik 9M730, qui consiste à développer missile de croisière expérimental à… propulsion nucléaire. Dans les années 1950, les États-Unis avaient conduit le projet Pluto, avec le même objectif, avant de l’abandonner. A-t-il été repris? Ce n’est pas exclu : en août 2018, M. Trump avait déjà laissé entendre que c’était effectivement le cas.

« Nous avons une technologie similaire, mais plus avancée », avait-il en effet affirmé, après l’explosion présumée d’un moteur destiné au Burevestnik 9M730, dans la région de Sererodinvsk, où une hausse de radioactivité fut constatée immédiatement après

Quoi qu’il en soit, les propos de M. Trump au sujet de cette nouvelle arme « secrète » ont de quoi plonger dans l’incertitude les états-majors russes et chinois, lesquels chercheront à en savoir plus. Et si c’était le but recherché?

Photo : « Supersonic Low Altitude Missile », à propulsion nucléaire, imaginé dans le cadre du programme Pluto

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