Méditerranée : Pour M. Macron, les « provocations » de la Turquie ne sont « pas dignes d’un grand État »

Lorgnant sur les possibles gisements d’hydrocarbures se trouvant dans les zones économiques exclusives revendiquées, selon la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, par la Grèce et la République de Chypre, la Turquie a signé un accord avec le gouvernement d’entente nationale libyen [GNA] sur ses frontières maritimes avec la Libye. Ce qui lui permet d’appuyer ses prétentions en Méditerranée orientale.

Seulement, pour la Grèce, Chypre, l’Égypte et la France, cet accord turco-libyen, signé par un gouvernement contesté en Libye, « porte atteinte aux droits souverains des Etats tiers, n’est pas conforme au droit de la mer et ne peut en découler aucune conséquence juridique. »

Quoi qu’il en soit, la Turquie a poursuivi ses activités de prospection en Méditerranée orientale. Le 10 août, après la signature d’un accord entre la Grèce et l’Égypte, elle a envoyé, sous escorte militaire, son navire de recherche sismique Oruç Reis, dans une zone située entre la Crète et Chypre. D’où les vives tensions entre Athènes et Ankara que les médiations entreprises par l’Allemagne et l’Otan n’ont pas réussi à apaiser.

Si la Turquie assure être disposée à négocier « sans conditions préalables » [c’est à dire sans qu’on lui demande de retirer ses forces navales des zones contestées], la Grèce n’a nullement l’intention de discuter avec un pistolet sur la tempe. C’est ce qu’a réaffirmé le Premier ministre grec, Kyriakos Mitsotakis dans une tribune publiée par des journaux européens peu avant la tenue, à Ajaccio, du sommet Med7, qui les pays méditerranées membres de l’Union européenne.

« Nous avons besoin d’un dialogue, mais pas sous la menace d’une arme. […] Ce qui menace la sécurité et la stabilité de mon pays menace le bien-être et la sécurité de tous les Etats membres de l’UE », a fait valoir M. Mitsotakis. « Si l’UE veut exercer un véritable pouvoir géopolitique, elle ne peut tout simplement pas se permettre d’apaiser une Turquie belligérante », a-t-il ajouté.

Peu avant l’ouverture de ce sommet, qui doit faire « progresser le consensus sur la relation de l’Union européenne avec la Turquie, en vue notamment du Conseil européen des 24-25 », selon l’Élysée, le président Macron a donné le ton. Et il n’y est pas allé avec le dos de la cuillière à l’égard d’Ankara.

« Force est de constater que la Turquie n’est plus un partenaire dans cette région [la Méditerranée, ndlr]. La Turquie est un allié de l’Otan mais un allié de l’Otan qui eu des pratiques inacceptables à l’égard du Courbet [la frégate a été illuminée par le radar de conduite de tir d’un navire turc au large de la Libye, nldr] qui opérait sous commandement Otan. La Turquie a signé des accords avec le gouvernement d’entente national libyen niant les droits légitimes de la Grèce. La Turquie a des pratiques de forage en zone chypriote qui sont inacceptables et multiplie les provocations, dans des termes qui ne sont pas dignes d’un grand État », a rappelé M. Macron, lors d’une conférence de presse.

« Le peuple turc est un grand peuple » qui « mérite autre chose », a enchainé le président français. Et, a-t-il poursuivi, « quand je parle d’une Pax Mediterranea, elle doit aller avec la capacité à trouver un modus videndi avec la Turquie. »

Et d’ajouter : « Mais nous devons, nous Européens, être clairs et ferme, non pas avec la Turquie comme nation mais avec le gouvernement du président Erdogan, qui a aujoud’hui des comportements inadmissibles. Et je n’en ai cités qu’une partie. Nous n’avons pas parlé des actes unilatéraux et des provocations de cet été à l’égard de la Grèce. »

Aussi, le président Macron a donné les lignes rouges à ne pas franchir. Elles sont « simples », a-t-il dit. Et elles portent sur le « respect de la souveraineté de tout État membre de l’Union européenne, le respect du droit international et la condamnation de tous les actes unilatéraux », a-t-il détaillé.

« Nos volonté est d’éviter l’escalade. Mais éviter l’escalade ne doit pas signifier la passivité ou l’acceptation », a encore prévenu le chef de l’Élysée,  qui avait annoncé, en août, le renforcement de la présence militaire française en Méditerranée orientale, aux côtés de la Grèce et de la République de Chypre. « Il appartient à la Turquie de clarifier ses intentions », a-t-il conclu, estimant que l’UE devait « avoir une voix plus unie et plus claire. »

Évidemment, de tels propos n’ont pas été appréciés à Ankara… Et le le ministère des Affaires étrangères y a vivement réagi, en tombant, d’ailleurs, dans les mêmes travers que venait de citer M. Macron.

Le président français « a encore une fois fait des déclarations arrogantes, dans un vieux réflexe colonialiste », a rétorqué la diplomatie turque, estimant qu’il favorisait même « les tensions », quitte à mettre « en péril les intérêts de l’Europe et de l’Union européenne. »

« Macron attaque la Turquie et notre président chaque jour parce que nous déjouons ses projets insidieux et ses sales jeux en matière de politique étrangère », a continué le ministère turc. « Au lieu de poser aveuglément comme l’avocat de la Grèce et des Chypriotes-grecs […], la France devrait adopter une position favorisant la réconciliation et le dialogue », a-t-il estimé.

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