La Serbie dit renoncer à des manoeuvres en Biélorussie en raison de pressions exercées par l’Union européenne

Parce qu’elle reste le pivot des Balkans occidentaux, la Serbie est très courtisée. Par la Russie, d’abord, avec laquelle elle entretient d’important liens culturels et religieux, voire politiques et militaires [Belgrade a obtenu le statut d’observateur donné à Belgrade au sein de l’Organisation du traité de sécurité collective – OTSC, ndlr]. Puis par la Chine qui, dans le cadre de ses « nouvelles routes de la soie », y multiplie les investissements et les prêts [qui représentent déjà 12% de la dette extérieure serbe], ainsi que les contrats d’armement. Enfin par l’Union européenne [UE] et les États-Unis, qui cherchent à contrer les vues chinoises et russes.

Pour le moment, et tant qu’elle n’aura pas reconnu l’indépendance du Kosovo, son ancienne province ayant fait sécession en 1999, la Serbie ne peut pas prétendre à rejoindre l’UE, comme elle l’a demandé en 2012. Or, les relations entre Belgrade et Pristina demeurent tendues, plusieurs questions, comme celles relatives au statut de la minorité serbe et aux sites religieux orthodoxes étant en suspens.

Cependant, le 4 septembre, et sous l’égide de Washington, la Serbie et le Kosovo ont fait un premier pas en signant un accord de normalisation économique, qualifié « d’historique » par le président Trump. Ainsi, Pristina a pris l’engagement de rejoindre l’espace de libre échange promu par Belgrade et devant réunir plusieurs pays des Balkans occidentaux.

Mais plus encore, les deux pays ont promis de classer le Hezbollah, la milice chiite libanaise soutenue par Téhéran, parmi les organisations terroristes et d’interdire les équipements de la norme 5G produits par des fournisseurs « non fiables » [comprendre : ceux du groupe chinois Huawei]. En outre, il a été avancé que Belgrade transférerait son ambassade en Israël à Jerusalem tandis que Pristina a accepté d’établir des relations diplomatiques avec l’État hébreu.

Trois jours plus tard, l’UE, qui s’attend à ce que chaque candidat à l’adhésion s’aligne sur ses positions diplomatiques, a fait part de sa « grave préoccupation » et de ses « regrets » à propos du transfert annoncé de l’ambassade serbe de Tel-Aviv à Jérusalem, alors que la Serbie et le Kosovo venaient de reprendre leurs discussions, à Bruxelles, en vue de la normalisation de leurs relations.

« La Serbie négocie déjà son adhésion à l’Union européenne et on s’attend donc à ce qu’elle s’aligne progressivement sur les politiques et positions adoptées par l’Union européenne dans ses relations avec les pays tiers. Dans ce contexte, toute démarche diplomatique qui remettrait en question la position commune de l’UE sur Jérusalem est une source de grave préoccupation et de regret », a en effet déclaré Peter Stano, le porte-parole de Josep Borrell, le Haut représentant de l’Union pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité.

Cette déclaration a-t-elle eu un effet? En tout cas, le 9 septembre, une source proche du gouvernement serbe a confié au quotidien Times of Israel que Belgrade ne déplacerait pas son ambassade à Jérusalem si Israël reconnaît le Kosovo.  »

« Cela pourrait être un véritable gâchis, à moins qu’il n’y ait un compromis sur le type de relation qu’Israël entretiendra avec le Kosovo », a expliqué cette source. « Les relations diplomatiques avec le Kosovo sont une chose, la reconnaissance en tant que pays indépendant en est une autre », a-t-elle ajouté.

Mais l’UE aurait aussi mis la pression sur Belgrade sur un autre dossier : celui de la Biélorussie, où le président Alexandre Loukachenko est l’objet d’une vive contestation après sa réélection du 9 août dernier. Un scrutin dans les résultats ont été rejetés par l’UE.

Alors que Minsk est sous le coup de sanctions européennes, les forces serbes devaient participer à l’exercice « Fraternité slave 2020 », avec leurs homologues biélorusses et russes. Finalement, Belgrade y a renoncé.

« On nous a demandé, au prix d’un abandon de notre avenir européen, de renoncer aux exercices militaires prévus avec la Biélorussie », a fait savoir Aleksandar Vulin, le ministre serbe de la Défense. La Serbie a subi une « forte pression non méritée de la part de l’Union européenne » et « suspendra en conséquence sa participation aux exercices militaires avec tous ses partenaires pendant six mois », a-t-il ajouté.

Jusqu’alors, la Serbie et la Biélorussie ont toujours entretenu de bonnes relations, le président Loukachenko ayant même été reçu à Belgrade en décembre dernier. Cela étant, Belgrade a soutenu la déclaration de l’UE ayant critiqué la réélection de ce dernier…

L’exercice Fraternité Slave est organisé tous les ans, dans l’un des trois pays participants. En 2019, il avait ainsi eu lieu en Serbie. Cette année, il doit se dérouler à Brest [Biélorussie], sous l’autorité du commandement des forces spéciales biélorusses. Alors qie l’objectif de ces manoeuvres est de former un « groupe tactique multinational », il reste à mesurer les conséquences du forfait des forces serbes, sachant que la Russie y a déjà engagé des unités.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]