L’Otan multiplie les missions pour collecter des renseignements électro-magnétiques aux abords de la Russie

Le 4 septembre, le Centre national de contrôle de la défense russe a indiqué que trois bombardiers américains B-52H Stratofortress avaient été détectés non loin de la Russie alors qu’ils survolaient l’Ukraine. Aussi, huit avions de combat [4 Su-27 et 4 Su-30] du district militaire sud ont décollé pour « intercepter » les appareils de l’US Air Force « au-dessus de la mer Noire et de la mer d’Azov, dans le but d’empêcher leur incursion dans l’espace aérien russe », a-t-il précisé.

Pour soutenir l’action des Su-27 et des Su-30, les forces aériennes russes auraient envoyé, vers la mer Noire, l’un de leurs cinq Tu-214SR, un appareil servant de relai de communications.

Plus tard, le commandement militaire américain pour l’Europe [US EUCOM] a confirmé que trois des six B-52H Stratofortress déployés par l’US Air Force à Fairford [Royaume-Uni] depuis la mi-août avaient effectivement réalisé une mission en Ukraine, expliquant que l’objectif était de « fournir une formation précieuse » à la force aérienne ukrainienne, laquelle accompagna au moins deux de ces trois bombardiers par des avions MiG-29 et Su-27. Et d’assurer que de tels vols font la démonstration des « capacités de défense collective » de l’Otan et de ses partenaires dans le but de « dissuader » la Russie.

Cette mission a été planifiée « pour assurer l’interopérabilité entre l’Otan et les pays partenaires. Il est probable qu’une telle coopération dans le domaine de la sécurité collective se poursuivra », a, de son côté, indiqué le ministère ukrainien de la Défense.

Cela faisait 26 ans qu’un B-52H Stratofortress n’avait pas survolé l’Ukraine, soit depuis le cinquantième anniversaire de l’opération « Frantic », pendant laquelle des bombardiers américains basés au Royaume-Uni avaient rejoint la base soviétique de Poltava [Ukraine] après des missions au-dessus de l’Allemagne.

Quoi qu’il en soit, le communiqué de l’US EUCOM n’a pas livré l’essentiel… La mission des B-52H [indicatifs Julia 51 et Julia 53] a pu être suivie grâce aux données transmises en temps réel par leurs transpondeurs. Du moins pour deux d’entre-eux, celui du troisième [Julia 52] n’ayant, a priori, pas été allumé.

C’est ainsi que l’on sait qu’au moins deux B-52H ont traversé les Pays-Bas, l’Allemagne et la Pologne pour ensuite survoler l’Ukraine, jusqu’en Crimée. Selon Moscou, ils se seraient approchés à 25 km de la frontière russe.

Or, dans le même temps, et selon les sites spécialisés dans le suivi du trafic aérien, plusieurs avions de renseignement électronique – américains et britanniques – volaient au-dessus de la mer Noire, dont un RC-135 V/W « Rivet Joint » de l’US Air Force, un P-8A Poseidon de l’US Navy ainsi qu’un Sentinel R1 et un AirSeeker [version britannique du « Rivet Joint », ndlr] de la Royal Air Force.

Cette présence importante d’avions spécialisés dans le recueil du renseignement électro-magnétique n’a pas, semble-t-il, fait l’objet d’une communication de la part des autorités russes. Il est possible que, ayant éteint leur transpondeur, d’autres appareils spécialisés se soient également trouvés dans le même secteur.

Pour rappel, le RC-135 Rivet Joint est capable d’intercepter les communications radio ainsi que les signaux émis par les radars adverses, qu’ils peuvent éventuellement brouiller.

Quoi qu’il en soit, le profil de la mission réalisée par bombardiers américains en Ukraine a été identique à celle effectuée la semaine passée dans le cadre de l’exercice Allied Sky. Le 28 août dernier, pendant qu’un B-52H Stratofortress se faisait « secouer » par une paire de Su-27 russes au-dessus de la mer Noire, deux RC-135 V/W de l’US Air Force étaient en vol dans la région. Dans celle de la Baltique, le même jour, un autre B-52H ainsi que troius avions de renseigment [un RC-135 américain, un Challenger CL-604 danois et un Gulfstream S-102 suédois] avaient également été interceptés par l’aviation russe.

Visiblement, l’Otan a intensifié ses missions de collecte de renseignements électroniques en mer Noire et dans les environs de l’enclave de Kaliningrad, où les forces russes ont établi des « bulles de protection » en y déployant des capacités d’interdiction et de déni d’accès [AD/A2].

Ainsi, le 14 août, un RC-135 et un P-8A Poseidon américains ont été interceptés au-dessus de la mer Noire. Deux jours plus tard, un Atlantique 2, avion de patrouille maritime français, que l’état-major russe a pris pour un Bréguet Atlantic italien [qui ne sont plus en service, ndlr], a également été intercepté par un Su-27SM en mer Noire.

Le 19 août, un RC-135 et un P-8A Poseidon américains ont de nouveau été repérés en mer Noire. De même qu’un second RC-135, cette fois dans les environs de Kaliningrad. Enfin, le lendemain, un Su-30 SM russe a identifié un Atlantique 2 français et un Sentinel R1 britannique.

« Le vol du chasseur russe Su-30SM s’est déroulé en stricte conformité avec les règles internationales d’utilisation de l’espace aérien. Les avions français et britannique n’ont pas violé la frontière d’État russe », avait alors pris soin de préciser le Centre national de contrôle de la défense russe.

La capacité à contrer les moyens AD/A2 comme ceux déployés par la Russie en Crimée [pour la mer Noire] et à Kaliningrad [pour la mer Baltique] est fondamentale pour garder une certaine liberté d’action dans la « troisième dimension », ce qui est un préalable à toute opération militaire. D’où l’intérêt de ces missions de l’Otan.

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