Le plan de relance prévoit 832 millions d’euros de commandes militaires… qui ont déjà été annoncées

Avant l’été, deux rapports, l’un publié par le Sénat, l’autre par l’Assemblée nationale, avaient prévenu que la Base industrielle technologique de défense [BITD] allaient connaître des jours difficiles en raison des conséquences économiques et sociales des mesures prises pour limiter l’épidémie de covid-19. Si les grands noms du secteur ne paraissaient pas menacés à court terme, ce n’était pas le cas de leurs sous-traitants… Les députés Benjamin Griveaux et Jean-Louis Thiériot parlèrent d’un « effet de falaise » à l’automne quand les sénateurs Pascal Allizard et Michel Boutant évoquaient un éco-système en danger.

Dans un autre rapport, la présidente de la commission de la Défense, à l’Assemblée nationale, Françoise Dumas avait souligné que les investissements en matière de défense avaient un « effet multiplicateur budgétaire » particulièremeent élevé, c’est à dire que, selon les sources, un euro dépensé rapporte, en moyenne, 1,27 euros à court terme et 1,68 euro à long terme.

D’où l’attente que pouvait alors susciter le plan de relance de l’économie, doté de 100 milliards d’euros, que le gouvernement, désormais conduit par Jean Castex, était alors en train de préparer.

« Il est fondamental que ce plan comporte un volet spécifique pour la BITD. Il faut rappeler une nouvelle fois que l’argent consacré à la BITD reste en France et vient irriguer l’économie nationale et tous nos territoires. Les entreprises de la BITD qui disparaîtraient faute de relance ne seront pas remplacées. La compétition technologique est si intense en matière de défense qu’un arrêt de l’effort serait presque impossible à rattraper à l’avenir », plaidèrent MM. Boutant et Allizard.

Ce 3 septembre, le Premier ministre a donc donné le détail de ce plan de relance [.pdf]. Et pour cela, il avait convié trois ministres : Bruno Le Maire [Économie], Barbara Pompili [Transition écologique] et Élisabeth Borne [Travail]. Point de ministre des Armées…

Sur les 100 milliards d’euros de ce plan [dont 40% viendront de l’Union européenne], 30 milliards sont destinés à la transition écologique, 35 milliards financeront des mesures pour favoriser la compétitivité des entreprises ainsi que l’innnovation et 35 milliards serviront à la cohésion sociale et territoriale. Il n’y a donc aucun « volet spécifique » concernant la BITD, comme le réclamaient les sénateurs.

Sans doute que les mesures annoncées en faveur de la compétitivité des entreprises et de l’innovation profiteront indirectement à la BITD. En tout cas, dans le document publié par le ministère de l’Économie pour présenter ce plan de relance, le mot « défense » n’y figure que deux fois… et encore pour évoquer le « conseil de défense écologique »

Le ministère des Armées n’est cité qu’à une seule reprise, à la rubrique « Transformation numérique de l’État et des territoires ». Justement, s’agissant du numérique, il pourrait bénéficier du quatrième programme d’investissements d’avenir [PIA4] prévu par ce plan.

« Le PIA interviendra notamment dans des secteurs d’avenir stratégiques pour l’indépendance, la soutenabilité et la compétitivité de nos modèles économiques et technologiques sur
l’ensemble des territoires », est-il expliqué dans le document. La cybersécurité, la technologie quantique ou encore l’intelligence artificielle font partie des domaines sur lesquels un accent particulier sera mis.

Quoi qu’il en soit, aucune commande nouvelle pour les Armées n’a été annoncée lors de la présentation de ce plan de relance. Ce dernier mentionne seulement celles qui ont été « anticipées » dans le cadre du plan de soutien à la filière aéronautique, annoncé en juin dernier [rubrique « commandes militaires »]

Pour rappel, ce plan de soutien prévoit 832 millions d’euros de commandes anticipées [c’est le chiffre avancé dans le plan de relance] au profit du ministère des Armées mais aussi à celui du ministère de l’Intérieur [via la Sécurité civile et la Gendarmerie].

Pour les Armées, il est question d’anticiper la commande de trois avions A330 MRTT ainsi que celle d’un avion léger de surveillance et de reconnaissance [ALSR], d’acquérir 8 hélicoptères H225M Caracal et d’accélérer la réalisation de drones aériens au profit de la Marine nationale. Ce qui représente, en tout, 600 millions d’euros.

Probablement que le ministère des Armées profitera de l’effort prévu par le plan de relance en faveur des technologies spatiales duales, le Centre national d’études spatiales [CNES] devant recevoir une subvention d’environ 130 millions d’euros en 2021 pour permettre la « réalisation d’actions immédiates et la
mise en place de nouveaux projets, parmi les plus prioritaires, en lien direct avec le tissu industriel national afin de soutenir le secteur spatial, et en particulier le développement de la filière New Space française. »

Le document évoque quelques exemples de projets, comme CASTOR [télécommunication par satellites], qui vise à « préparer des technologies duales nécessaires à la prochaine génération de charges utiles des satellites de communication, très haut débit, dynamiques et cohérentes des nouveaux besoins en termes de mobilité », CO3D [Observation de la Terre à partir de quatre satellites], NESS [Surveillance de l’utilisation du spectre électromagnétique], YODA [« démonstration en orbite géostationnaire d’une capacité d’opérations de proximité à partir de nanosatellites »] et KINEIS [ » démonstration en orbite d’une capacité de surveillance maritime et d’internet des objets à partir d’une constellation de nanosatellites »].

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