La Turquie condamne la décision américaine de lever partiellement un embargo sur les armes visant Chypre

En 1987, avec l’intention d’encourager le rapprochement entre la République turque de Chypre Nord [RTCN] et la République de Chypre tout en ménageant la Turquie, membre de l’Otan et garante des détroits entre la Méditerranée et la mer Noire, les États-Unis imposèrent un embargo sur les armes à Nicosie. Seulement, cette mesure n’eut pas l’effet espéré…

En effet, la République de Chypre, désormais membre de l’Union européenne [UE], a su trouver d’autres partenaires pour équiper ses [modestes] forces armées. Non sans difficultés, d’ailleurs, l’affaire de l’achat de systèmes de défense aérienne S-300 auprès de la Russie ayant provoqué une crise avec Ankara en 1997.

En décembre 2019, et alors que la Turquie était au centre des critiques pour son intervention militaire dans le nord-est de la Syrie contre les Forces démocratiques syriennes [FDS] ainsi que pour sa décision de se procurer des systèmes russes de défense aérienne S-400 [ce qui lui valut d’être exclue du programme d’avion de combat F-35], le Congrès américain vota la levée de l’embargo visant la République de Chypre.

« Au moment où Chypre cherche à approfondir son partenariat stratégique avec les Etats-Unis, il est dans notre intérêt stratégique et économique de lever ce vieil embargo […] qui ne fait pas avancer les objectifs de sécurité des États-Unis », avaient alors justifié les sénateurs Robert Menendez [démocrate] et Marco Rubio [républicain], à l’origine de cette initiative.

Il s’agissait aussi d’encourager la coopération entre Chypre, la Grèce et Israël, dans le cadre du projet EastMed, lequel prévoit la construction d’un gazoduc devant permettre d’approvisionner l’Europe avec le gaz naturel exploité en Méditerranée oriental. Ce même gaz que convoite la Turquie et qui est à l’origine des tensions actuelles dans cette région.

Cependant, le Congrès avait restreint l’accès à certaines technologies sensibles, tant que les ports chypriotes resteraient ouverts à la marine russe.

En juillet, alors que la Turquie continuait à prospecter des gisements d’hydrocarbures dans la zone économique exclusive [ZEE] chypriote, le chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo annonça que Washington et Nicosie allaient renforcer leurs relations militaires. « Cela fait partie de nos efforts pour renforcer nos relations avec des partenaires régionaux clés afin de promouvoir la stabilité en Méditerranée orientale », avait-il alors expliqué.

« Ce genre de mesures ne contribue pas aux efforts pour trouver une solution au problème chypriote, il renforce plutôt l’attitude sans compromis de la partie chypriote-grecque. Et cela n’aidera pas à rétablir une atmosphère de confiance sur l’île ni à restaurer la paix et la stabilité en Méditerranée orientale », répliqua immédiatement Ankara.

Mais dans les tensions qui agitent la Méditerranée orientale, les États-Unis semblent pencher pour la Grèce et la République de Chypre… Ainsi, le 1er septembre, M. Pompeo a informé le président chypriot, Nicos Anastasiades, de la décision de Washington de « lever temporairement pour l’année budgétaire 2021 les restrictions sur l’exportation, la réexportation, le retransfert et l’importation temporaire d’articles de défense non létaux et de services de défense» soumis aux régulations internationales. »

En outre, M. Pompeo « a réaffirmé le soutien des États-Unis à un règlement global visant à réunifier l’île en tant que fédération bicommunautaire, qui profiterait à tous les Chypriotes ainsi qu’à l’ensemble de la région. »

Plus tard, l’ambassadrice américain à Chypre, Judith Garber, a précisé que Washington avait « exhorté » Ankara à ne pas réagit de manière « excessive » à cette annonce.

« Cette décision ne concerne pas la Turquie, elle vise à obtenir ne sécurité et une stabilité accrues dans l’est de la Méditarranée afin de contrer les acteurs malveillants de la région », a affirmé la diplomate. Cette levée partielle de l’embargo, a-t-elle continué, doit permettre de faire de Chypre un « partenaire plus efficace pour faire face à des défis tels que le terrorisme, le trafic d’armes et la sécurité maritime ». Et de préciser, au passage, que les États-Unis avait renoncé à voir les autorités chypriotes cesser d’ouvrir ses ports aux navires militaires russes. mais qu’ils continueraient à les encourager à aller dans cette voie.

À Nicosie, le porte-parole du gouvernement, Kyriakos Koushos, a indiqué auprès de l’Associated Press que la décision américaine visait moins à renforcer militairement Chypre que de souliger le rôle que les États-Unis lui attribuent « pour renforcer la sécurité et la stabilité régionales. »

Comme il fallait s’y attendre, cette levée partielle de l’embargo a été très mal accueillie à Ankara. Cette décision « nuit aux efforts de réunification de Chypre, empoisonne la stabilité régionale et va à l’enconre de l’esprit d’alliance entre les États-Unis et la Turquie », a dénoncé la diplomatie turque.

Le vice-président turc, Fuat Oktay, a quant à lui affirmé qu’Ankara « continuerait de prendre des mesures pour garantir la sécurité et le bien-être » de la RTCN contre de « telles positions qui augmentent le risque de confrontation dans la région. »

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