Le porte-avions « Charles de Gaulle » prêt à reprendre la mer

Le 12 avril dernier, le porte-avions « Charles de Gaulle » retrouvait la base navale de Toulon avec quelques jours d’avance par rapport au calendrier de la mission « Foch », écourtée à cause de la contamination de l’équipage par la SARS-Cov2, le coronavirus à l’origine de la covid-19.

« C’est une capacité militaire essentielle et symbolique qui est aujourd’hui inemployable. Il faut restaurer au plus vite cette capacité car c’est une vulnérabilité. […] Nous sommes également engagés dans des opérations où l’ennemi ne s’arrête pas pour cause de Covid. Nous devons prendre en compte cette difficulté et ce risque en préservant la santé de nos hommes car c’est le cœur de notre outil de travail, de notre capacité militaire. […] La santé de nos hommes, c’est le bien le plus précieux que nous avons. Nous faisons tout pour que ces vulnérabilités soient les moins importantes possibles et que nous puissions poursuivre notre mission », avait ensuite expliqué le général François Lecointre, le chef d’état-major des armées [CEMA], au journal télévisé de TF1, le 18 avril.

Depuis, le navire a été décontaminé, de même que ceux de son escorte. Quant aux 1.046 marins testés positifs à la maladie, pratiquement tous [98%] furent déclarés guéris le 4 mai. Pour autant, le porte-avions n’était pas encore prêt à repartir en mission.

En effet, durant ces dernières semaines, des aménagements ont été faits à bord du navire, afin d’éviter de voir se reproduire le même scénario qu’en avril. Des zones de mise en quarantaine ont été mises en place afin d’isoler les malades ainsi que les cas contacts. Des moyens de dépistage systématique seront désormais à la disposition des médecins. Enfin, étant donné la promiscuité inhérente à un vaisseau de cette génération, le port du masque sera désormais obligatoire.

Lors de son passage à l’émission « Le Grand Rendez-vous » [Europe1, CNEWS, Les Échos], le 29 août, la ministre des Armées, Florence Parly, a assuré que beaucoup de leçons ont été tirées, tant au niveau sanitaire et épidémiologique que pratiques.

Cet été, « nous avons profité de l’immobilisation [du porte-avions] pour accomplir un certain nombre de travaux. Bien sûr, on ne peut pas changer fondamentalement la physionomie du ‘Charles de Gaulle’ mais on peut améliorer la sécurité sanitaire à bord. Et c’est ce que nous avons fait », a expliqué la ministre, qui a par ailleurs annoncé le départ prochain du navire en mission.

Le porte-avions « repart début septembre et je serai mardi [1er septembre] à Toulon pour lancer cette nouvelle phase opérationnelle », a confié Mme Parly.

Évidemment, en raison des tensions actuelles en Méditerranée orientale, où la Turquie mène des recherches de gisements d’hydrocarbures dans des zones maritimes relevant de la Grèce et de la République de Chypre, on peut imaginer que le groupe aéronaval formé autout du ‘Charles de Gaulle’ mettra le cap vers cette région, comme il le fait régulièrement depuis plusieurs années.

En août, et tout en estimant le dialogue nécessaire, le président Macron avait d’ailleurs annoncé sa décision de « renforcer temporairement la présence militaire française en Méditerranée orientale dans les prochains jours, en coopération avec les partenaires européens, dont la Grèce », afin de « mieux apprécier la situation dans cette région de la Méditerranée » et de « marquer la volonté de faire respecter le droit international. » Ce qui s’était traduit par l’envoi de deux Rafale à Chypre puis en Crète, ainsi que d’une manoeuvre ponctuelle ayant associé le porte-hélicopètères amphibie « Tonnerre » et la frégate La Fayette.

La semaine passé, trois Rafale et cette même frégate La Fayette ont pris part l’exercice Eunomia, organisé à l’initiative de la Grèce, de la France, de l’Italie et de la République de Chypre.

Le fait que Paris se tienne aux cotés de Nicosie et d’Athènes ne manque pas de susciter des critiques, souvent virulentes, de la part du président turc, Recep Tayyip Erdogan, et ses ministres. Ce qui a donné lieu à une mise au point de Mme Parly. « Ce n’est pas la France qui a problème avec la Turquie », a-t-elle dit, dénonçant le « comportement escalatoire » d’Ankara.

« La Turquie conteste l’existence de zones économiques exclusives, met en cause la souveraineté de deux Etats-membres de l’Union européenne, la Grèce et Chypre, et met potentiellement en danger un droit fondamental qui est la liberté de navigation », a souligné la ministre française. « Pour dialoguer, il faut cesser d’être dans l’escalade », a-t-elle ensuite estimé. « Il y a un droit de navigation dans les eaux de la Méditerranée. Il n’y a pas de droit d’accaparement de ressources énergétiques et gazières, surtout lorsque celle-ci ont été reconnues conformément aux traités internationaux », a-t-elle insisté.

Quant à la démarche de la France, elle « n’est nullement escalatoire » car « ce que nous avons fait, c’est ce que nous faisons régulièrement » en Méditerranée, qui est « tout de même un espace naturel pour notre pays » a rappelé Mme Parly, qui a également soutenu que, au sein de l’Otan, « le comportement de la Turquie n’est pas celui d’un bon allié ».

Quant au profil de la mission qui attend le groupe aéronaval [GAN], aucun détail n’est disponible pour le moment. Outre une partie dédié à l’entraînement et à la qualification des pilotes de son groupe aérien embarqué [GAé], il est possible qu’il soit engagé dans l’opération navale européenne Irini, chargée de surveiller l’embargo sur les armes décrété par les Nations unies à l’égard de la Libye. Enfin, on peut imaginer qu’il mette le cap vers Chypre, avec le but affiché de soutenir l’opération Chammal… mais aussi les forces grecques et chypriotes.

« Le porte-avions n’est pas un outil de l’ombre, il est visible, ce qui peut être un atout en cas de contrôle de l’escalade : depuis sa mise en alerte puis son appareillage jusqu’à son retour, chaque phase de son activité est un signal adressé à la communauté internationale. Il s’agit de marquer la volonté et la ligne politique du pays », avait en effet rappelé l’amiral Édouard Guillaud, ex-CEMA, dans une note de la Fondation pour la recherche stratégique.

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