La France et l’Irak ont l’intention de renforcer leur coopération militaire

Numéro deux de l’opération Inherent Resolve [OIR], c’est à dire de la coalition anti-jihadiste dirigée par les États-Unis, le général Kenneth Ekman a assuré, le 23 juillet dernier, que le groupe État islamique [EI ou Daesh] n’est plus que « l’ombre de ce qu’il était ». Selon lui, « l’un des signes de succès est que l’EI n’est pas capable de contrôler du territoire ».

Or, a continué le général Ekman, « quand on arrive au point où on n’a plus qu’une petite insurrection qui se cache dans des zones rurales, dans des caves et des montagnes, on a globalement réussi. » Écartant le risque d’une résurgence de l’organisation jihadiste, même si cette dernière ne pourra jamais être « complètement éradiquée », il a laissé entendre que la coalition pourrait réduire ses troupes au Levant.

Cependant, le groupe d’experts des Nations unies mis en place pour assurer le suivi des sanctions prises contre Daesh et al-Qaïda a un avis plus nuancé. « On estime à plus de 10.000 le nombre global de combattants de l’EI en Irak et en Syrie, qui se déplacent régulièrement entre les deux pays, en particulier dans les provinces d’Anbar et de Ninive limitrophes » du territoire syrien, écrit-il dans son dernier rapport semestriel.

S’il a constaté une baisse des attaques revendiquées par Daesh au cours des premiers mois de l’année, le groupe a toutefois noté une recrudescence des attentats depuis quelques semaines. D’après lui, l’EI mène une « guerre d’usure » en Irak où il a établi des « sanctuaires dans la chaîne de montagnes Hamrin ». Le tout en multipliant les assassinats politiques, les représailles contre les civils et les attaques contre les exploitations agricoles, dans le but d’aggraver la situation économique. En Syrie, il en fait de même, en se prenant aux Forces démocratiques syriennes et aux forces pro-Damas ainsi qu’aux centrales électriques et aux infrastructures de transports et de communications.

Aussi, pour la France, il n’est pas question de baisser la garde, d’autant plus que, ces derniers mois, le nombre de frappes aériennes effectuées par les Rafale de la force Chammal a augmenté. Et c’est l’une des raisons pour lesquelles la ministre française des Armées, Florence Parly, s’est rendue à Bagdad, ce 27 août.

« Alors que la région, comme le reste du monde, est en proie à la pandémie, la lutte contre le terrorisme conserve son caractère d’urgence. Daesh, bien que défait militairement, a tout sauf disparu. Il tire parti de la situation et se réorganise dans la clandestinité », a en effet expliqué le ministère des Armées, dans le communiqué annoçant le déplacement de Mme Parly en Irak.

La ministre devait aussi exprimer le « soutien » de la France à la « souveraineté irakienne », mise à mal par les ingérences iraniennes et… une intervention militaire lancée en juin par la Turquie dans le nord de l’Irak, contre les refuges du Parti des travailleurs du Kurdistan turc [PKK, organisation classée comme terroriste par l’Union européenne et les États-Unis, ndlr]. Lors de cette opération, deux officiers irakiens ont récemment perdu la vie lors d’une frappe réalisée par un drone turc.

« La France déplore ce développement grave, sur lequel toute la lumière devra être faite » avait affirmé, à l’époque, le Quai d’Orsay. Et d’ajouter : « La France est profondément attachée au plein respect de la souveraineté irakienne » et « condamne toute violation de cette souveraineté. »

Quoi qu’il en soit, la visite de Mme Parly à Bagdad, où elle a rencontré Barham Saleh, le président irakien, Moustapha Al Kadhimi, son Premier ministre et le général Jumaa Enad Al-Joubouri, son ministre de la Défense, aura donc permis de réaffirmé la préoccupation des deux pays face à la « menace d’une résurgence de Daesh ».

En outre, il a aussi été question d’approfondir la coopération militaire entre Paris et Bagdad. Ainsi, selon le ministère des Armées, Mme Parly a fait part à ses interlocuteurs que la France « se tient prête à poursuivre les formations engagées auprès des forces irakiennes qui combattent en première ligne et participer à la montée en puissance des forces de sécurité irakiennes. »

Mais il s’agirait d’aller au-delà de la formation et de l’entraînement des forces irakiennes. En effet, « les deux pays ont exprimé le souhait d’approfondir leur coopération en matière de défense et d’armement, y compris dans les domaines pouvant permettre à l’Irak de renforcer ses moyens de surveillance, au sol comme dans son espace aérien », avance le ministère des Armées.

Est-ce à dire que Bagdad va se tourner vers Paris pour équiper et moderniser ses forces armées? En tout cas, l’Irak a du mal à maintenir en état de vol les F-16 acquis auprès des États-Unis au début des années 2010, en raison d’un défaut de maintenance lié à la détérioration des relations sécuritaires avec Washington. Pour le moment, cette situation n’est pas trop gênante pour la lutte contre Daesh, la coalition étant encore présente dans la région. Mais elle le deviendra quand cette dernière réduira la voilure, comme le général Ekman l’a laissé entendre en juillet, laissant les l’aviation militaire irakienne seule en première ligne.

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