La British Army pourrait être contrainte de retirer du service ses chars Challengers 2 et ses blindés Warriors

Ayant déjà fait les frais d’arbitrages budgétaires défavorables afin de trouver des ressources pour financer des programmes aussi ambitieux que coûteux [porte-avions de type Queen Elizabeth, sous-marins nucléaires lanceurs d’engins Dreadnought, avions F-35, etc…], la British Army vit des temps difficiles, avec une réduction drastique de ses effectifs [moins de 82.000 soldats] et une incertitude sur ses moyens capacitaires.

Alors qu’est actuellement conduite une nouvelle revue stratégique afin de rédéfinir la diplomatie et la politique de défense du Royaume-Uni dans le contexte du Brexit, un examen des dépenses publiques est également en cours.

Et même si Boris Johnson, le Premier ministre britannique, a laissé entendre que les dépenses militaires pourraient augmenter une fois les conclusions de ces deux études rendues, les perspectives économiques sont pour le moment assombries par les conséquences de la pandémie de covid-19, lesquelles se sont traduites par une contraction du PIB de plus de 20% lors du premier semestre. Et la Banque d’Angleterre ne s’attend pas à un retour à la normale avant 2022.

Quoi qu’il en soit, la British Army ne s’attend pas un miracle, d’autant plus que les dernières informations que vient de révéler le quotidien « The Times » vont dans le sens d’une nouvelle cure d’austérité.

En effet, il serait question de retirer de l’ordre de bataille la British Army ses derniers 227 chars Challenger 2 ainsi que ses 388 véhicules blindés de combat d’infanterie « Warrior ». Selon The Times, ces derniers ne seraient pas considérés comme « pertinents » pour faire face aux menaces actuelles et futures.

« Nous savons qu’un certain nombre de décisions audacieuses doivent être prises afin d’assurer correctement la sécurité du Royaume-Uni et de rééquilibrer les capacités militaire pour faire face aux nouvelles manaces auxquelles nous sommes confrontées », a fait valoir une source gouvernementale citée par The Times.

Déjà, en 2019, l’idée de réduire d’un tiers le nombre de char Challenger 2 en service avait été émise. Il s’agissait alors de trouver des ressources pour moderniser ceux devant rester en première ligne, dans la cadre du Life Extension Program [LEP], censé les prolonger jusqu’en 2035 en revoyant leur achitecture électronique, en remplaçant leur canon rayé de 120 mm et en les dotant de protections supplémentaires ainsi que de nouveaux capteurs.

Pour le moment, aucun budget n’a été déterminé pour mener à bien cette modernisation… Et celle des Warrior, pour laquelle une enveloppement de 800 millions de livres a été prévue, connaît des retards importants en raison de « problèmes techniques ». Ces difficultés ont motivé le comité de la Défense de Chambre des communes à lancer une mission d’information.

Cela étant, ancien commandant du Joint Force Command, le général Sir Richard Barrons, issu de la British Army, approuve le projet de retirer du service les Challenger 2. « Nous devons arrêter de faire des choses qui deviennent obsolètes pour miser sur d’autres, meilleures et plus pertinentes. Il ne s’agit pas de se passer de capacités mais de les transformer », a-t-il dit. Et d’ajouter : « L’avenir est aux systèmes autonomes ou contrôlés à distance. Si vous deviez recapitaliser une force terrestre, vous ne feriez pas pression pour dépenser tout votre argent sur un petit nombre de plateformes habitées, car vous auriez une génération de retard ».

En juin, le chef d’état-major des forces britanniques, le général Sir Nicholas Carter, a donné le sentiment d’aller dans le même sens en estimant qu’un quart de la British Army serait « robotisée » d’ici 2030. « Pour le dire franchement, vous verrez plus de robots dans tous les domaines, terrestre, aérien, maritime, mais aussi dans l’espace. Vous voudrez des choses plus maniables, probablement plus petites et plus rapides et probablamement ‘consommables' », avait-il expliqué.

Mais d’autres justifications sont avancées à Londres. Ainsi, certains considèrent qu’il faut au Royaume-Uni des forces déployables rapidement et que les batailles se mèneront en milieu urbain, le tout avec un rôle sans cesse croissant des capacités cybernétiques. Dans ce contexte, le char serait donc inutile. De tels arguments avaient été avancés… en 2008, par le ministre français de la Défense, qui était alors Hervé Morin. Ce dernier avait expliqué que les réformes qu’il menait visaient à « préparer la guerre de demain et pas celle d’hier ». D’où la décision de revoir significativement  le nombre de char Leclerc à la baisse… dans le cadre d’un plan de réduction drastique des effectifs.

D’ailleurs, cité par The Times, un responsable de haut rang de la British Army a fait valoir que la décision de retirer les Challenger 2 consiste à faire prendre des « pressions financières pour des choix capacitaires ».

En outre, il estime qu’elle portera atteinte à l’image de « chef de file » du Royaume-Uni au sein de l’Otan, ainsi qu’à son statut de « partenaire de choix » pour les États-Unis.

« Nous ne serons tout simplement pas considérés comme une nation de premier plan crédible de l’Otan si nous ne pouvons pas déployer de telles capacités de combat. Cela nous place derrière des pays comme la France, l’Allemagne, la Pologne et la Hongrie », a-t-il affirmé.

S’agissant de l’Otan, le plan évoqué par le quotidien britannique prévoit d’augmenter le Royaume-Uni pourrait augmenter sa contribution dans le domaine de l’aérocombat, notamment via une cinquantaine d’hélicoptères AH-64 Apache, conçus justement pour… détruire des chars. Il pourrait également mettre à la disposition de l’Alliance des capacités cybernétiques et de guerre électronique.

En tout cas, si le porte-parole du ministère britannique de la Défense [MoD] assure qu’aucune décision n’a encore été prise, quelques signes ne trompent pas : le plan en question a fait l’objet d’une discussion au commandement terrestre allié de l’Otan à Izmir et des propositions ont été faites en vue de fermer la base qu’utilise la British Army au Canada [British Army Training Unit Suffield] pour faire manoeuvrer ses chars à l’entraînement.

Reste que les arguments avancés pour justifier le retrait des Challenger 2 [et des Warriors] vont à contre-courant des plans mis en oeuvre par la plupart des pays, notamment européens. Ainsi, la France et l’Allemagne ont lancé le programme MGCS [Main Ground Combat System], qui vise à mettre au point le char de combat du futur [un projet que la Pologne et l’Italie voudraient rejoindre]. Plus généralement, la tendance va dans le sens d’une modernisation des chars lourds de combat, plutôt que dans celui de leur retrait. Maints exemples le démontrent, tant en Russie, qu’en Chine ou encore aux États-Unis.

« Le char n’est pas seulement un blindé lourd. C’est une présence phénoménale sur le champ de bataille […] qui montre votre détermination », a résumé Tobias Ellwood, le président du comité restreint de la Défense à la Chambre des communes.

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