Les États-Unis suspendent leur aide militaire au Mali tout en continuant de soutenir Barkhane

Moins d’une semaine après avoir contraint le président malien, Ibrahim Boubacar Keïta [IBK] à démissionner à la faveur d’un coup d’État, le « Comité national pour le salut du peuple » [CNSP], composé de cinq officiers supérieurs des Forces armées maliennes [FAMa] et dirigé par le colonel Assimi Goita, entend rester au pouvoir pendant trois ans, selon des sources de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest [CEDEAO] sollicitée par l’AFP.

« La junte a affirmé qu’elle souhaite faire une transition de trois ans pour revoir les fondements de l’Etat malien. Cette transition sera dirigée par un organe présidé par un militaire, qui sera en même temps chef de l’État », a précisé l’un de ces sources. « gouvernement sera aussi majoritairement composé de militaires », a-t-elle ajouté. En outre, actuellement retenu au camp de Kati, le désormais ancien président malien serait bientôt autorisé à regagner son domicile. « Et s’il souhaite voyager pour des soins, il n’y a pas de problème », a-t-elle ajouté.

Au niveau diplomatique, ce putsch a été fermement condamné par la CEDEAO, l’Union africaine, la France, la Russie [« Moscou est profondément préoccupé par les évènements qui se déroulent à Bamako, nous appelons toutes les forces sociales et politiques maliennes à un règlement pacifique de la situation actuelle », a fait savoir la diplomatie russe] et les États-Unis.

Justement, s’agissant de ces derniers, une disposition législative [la section 7008, ndlr] leur interdit, théoriquement, d’apporter toute aide à un gouvernement formé à la suite d’un coup d’État. Comme cela va donc être le cas au Mali. D’où l’annonce faite à la presse par Peter Pham, l’envoyé américain pour le Sahel, le 21 août.

« Il n’y a plus ni formation, ni soutien aux forces armées du Mali. Nous avons tout arrêté jusqu’à ce que nous puissions clarifier la situation », a déclaré M. Pham, dont les propos ont été rapportés par l’AFP. « On ne sait pas clairement quelles sont les forces impliquées dans la mutinerie, qui est spécifiquement impliqué, ni vers où vont les loyautés », a-t-il expliqué. Ce qui montre que les États-Unis ont été pris au dépourvu. Et même peut-être aussi la France.

Quoi qu’il en soit, pour le moment, l’administration américain a des « contacts » avec la junte désormais aux manettes à Bamako. « Ces contacts sont opérationnels, ils ne signifient pas une reconnaissance, mais l’admission que ces gens ont à un certain degré le contrôle sur certaines choses », a dit M. Pham.

Ces derniers mois, dans le domaine exclusivement militaire, l’aide américaine au Mali s’est notamment traduite par des dons d’équipements pour aider à lutter contre les engins explosifs improvisés ainsi que par des opérations civilo-militaires. Et, en avril, un accord a été signé par Washington et Bamako pour un don de carburant d’aviation aux forces aériennes maliennes.

« L’assistance civile et militaire […] des États-Unis au Mali est conçue pour lutter contre les facteurs d’instabilité et d’extrémisme par le biais de partenariats visant à améliorer la santé, l’éducation, la sécurité alimentaire et la gouvernance. Les États-Unis contribuent à la lutte antiterroriste au Mali en formant les forces de sécurité à faire face aux urgences et en renforçant les institutions militaires maliennes afin d’améliorer les procédures judiciaires, les structures administratives de recrutement et la formation des officiers », expliquait récemment l’ambassade américaine à Bamako.

Cela étant, Peter Pham n’a pas manqué de souligné que ce coup d’État militaire n’allait « certainement pas aider » les forces multinationales qui luttent contre les groupes armés terroristes au Sahel, dont Barkhane et la Force conjointe du G5 Sahel [pour rappel, la Mission des Nations unies aux Mali, la Minusma, n’a pas de mandat pour combattre les groupes jihadistes, ndlr]

« Nous allons travailler avec nos partenaires dans la région, le G5 Sahel, la CEDEAO, l’Union africaine, pour minimiser tout impact négatif [|sur la lutte anti-jihadiste] mais clairement, quand une mutinerie implique une armée qui participe à cet effort, cela ne peut qu’avoir un impact », a assuré l’émissaire américain.

En outre, a-t-il également indiqué, Washington continuera son soutien aux « différentes opérations » en cours. Dont Barkhane, qui bénéficie d’un soutien américains dans les domaines du renseignement et de la logistique.

Pour le moment, les bouleversements politiques à Bamako ne remettent pas en cause l’opération Barkhane.

« La France et ses partenaires sont engagés au Mali et dans la région pour la sécurité des populations sahéliennes et à la demande des États sahéliens. C’est le sens de la Coalition pour le Sahel qui a été mise en place au sommet de Pau », a ainsi rappelé le président Macron, le 19 août.

« L’opération Barkhane, demandée par les Maliens et autorisée par le Conseil de Sécurité de l’ONU, se poursuit. Les militaires français en lien avec les partenaires européens et sahéliens, continuent d’assurer leur mission avec professionnalisme, au bénéfice de la sécurité de tous », a ensuite confirmé Florence Parly, la ministre des Armées.

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