Paris proteste contre la libération de prisonniers talibans condamnés pour avoir tué des Français

Le 29 février, à Doha, les États-Unis et le mouvement taleb afghan ont signé un accord ouvrant la voie à un retrait des forces américaines et celles de l’Otan d’Afghanistan, en échange de l’engagement des talibans à empêcher les organisations terroristes présentes dans les territoires qu’ils contrôlent de s’en prendre aux États-Unis et à leurs alliés ainsi qu’à mener des négociations de paix avec les autorités afghanes en place.

Seulement, pour que ces discussions puissent se tenir, le mouvement taleb a exigé a libération préalable de 5.000 de ses combattants faits prisonniers par les forces de sécurité afghanes. Ce que le président afghan, Ashraf Ghani, mis, en quelque sorte, devant le fait accompli, n’était absolument pas près de faire.

Finalement, sous la pression [américaine, notamment], M. Ghani a consenti à libérer une grande partie de ces prisonniers talibans. Mais, il y a encore peu, il rechignait à voir partir dans la nature les 400 plus dangereux. Ce n’est que le 10 août qu’il a donné son accord, après avoir convoqué une loya jirga, c’est à dire une assemblée réunissant environ 3.200 dignitaires, chefs tribaux et responsables afghans. Au lendemain de l’annonce de cette décision, le mouvement taleb a affirmé être disposé à engager des pourparlers de paix avec Kaboul.

Pour autant, parmi ces 400 prisonniers talibans, certains ont été condamnés pour avoir impliqué dans des attaques meutrières, ayant visé des Afghans mais aussi des Occidentaux. Au moins 44 font l’objet d’un suivi particulier.

La libération de « criminels endurcis » va « vraisemblablement représenter un danger pour nous, pour [les États-Unis] et pour le monde », a d’ailleurs mis en garde Ashraf Ghani, lors d’une d’une vidéoconférence organisée par Council on Foreign Relations, le 13 août. « La paix a un coût et avec cette libération nous payons le plus gros versement, ce qui signifie que la paix aura des conséquences », a-t-il ajouté.

Cette semaine, le Premier ministre australien, Scott Morrison, a indiqué avoir fait pression pour empêcher la libération d’un ancien soldat afghan emprisonné depuis sept ans pour avoir tués trois militaires australiens lors d’un incident de type « Green on Blue » [attaque de l’intérieur, ndlr].

La France s’est aussi invitée dans le débat. En effet, via un communiqué diffusé le 15 août au soir, le ministre des Affaires étrangères a fait part de son opposition à la libération de talibans impliqués dans la mort de travailleurs humanitaires et de militaires français.

La France est « fermement opposée à la libération d’individus condamnés pour avoir commis des crimes contre des ressortissants français, en particulier des soldats et des travailleurs humanitaires qui ont œuvré avec dévouement, aux côtés de nos partenaires afghans, pour la sécurité et l’assistance des populations dans le besoin », a fait valoir le Quai d’Orsay.

« Nous avons en conséquence demandé instamment aux autorités afghanes de ne pas procéder à la libération de ces terroristes », a continué la diplomatie française, estimant « essentiel que le processus de sortie de crise réponde aux besoins des victimes du conflit et que les auteurs d’actes criminels rendent pleinement compte de ces actes ».

Parmi les derniers prisonniers talibans devant être prochainement libérés figurent les deux assassins de Bettina Goislard, employée Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, tuée le 16 novembre 2003 à Ghazni. De même qu’un ex-soldat afghan, qui avait retourné son arme contre des militaires français du 93e Régiment d’Artillerie de Montagne et du 2e Régiment Etranger du Génie, affectés à la base avancée de Gwan, dans le sud de la province de Kapisa. En 2012, ce taleb avait pourtant été condamné à mort pour son acte.

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