Mozambique : Un groupe armé affilié à l’EI s’empare du port stratégique de Mocimboa da Praia

Il y a encore trois ans, les perspectives économiques du Mozambique s’annonçait radieuse, en raison de la découverte d’immenses réserves de gaz naturel dans la région de Cabo Delgado. De quoi multiplier son PIB par huit et faire du pays l’un des premiers producteurs de gaz. Seulement, tout vola en éclat le 5 octobre 2017.

Ce jour-là, trois postes de police et une caserne de la ville de Mocimbia da Praia furent attaqués par le groupe jihadiste Ahlu Sunnah wal Jamaa [les « adeptes de la tradition du prophète »], encore appelé « al-Shabab » [à ne pas confondre avec le groupe somalien, lié à al-Qaïda]. Si elle fut mise en échec, cette offensive donna le coup d’envoi à une série d’attaques et d’exactions contre les civils de la province de Cabo Delgado.

« Ces attaques visent autant les personnes publiques [bâtiments publics, forces de sécurité] que les populations civiles [décapitations, kidnapping] et les expatriés [attaque du convoi de l’entreprise américaine Anadarko le 21 février sur la route entre Mocimboa et Palma] », avait détaillé, en 2019, une note du ministère français des Affaires étrangères.

Dans un premier temps, Maputo fut dans le déni, avant de se résoudre à envoyer des renforts militaires dans la région visée ainsi qu’à faire appel à des sociétés militaires privées [SMP], dont, a priori, la sud-africaine Frontier Services Group [dont le sulfureux Erik Prince, ex-fondateur de Blackwater, est actionnaire] et la russe Wagner [bien que cela ait été démenti par les autorités mozambicaines].

Émanation de l’organisation islamique Ansaru Sannu, qui, dans les années 2000, s’attacha à construire des mosquées dans la province de Cabo Delgado tout en prêchant une application stricte des préceptes de l’islam, Ahlu Sunnah wal Jamaa se rapprocha de l’État islamique [EI ou Daesh], jusqu’au jour où il lui prêta allégeance et prit le nom « État islamique d’Afrique centrale » [ISCAP].

En juin 2019, l’EI revendiqua ainsi une première attaque au Mozambique, commise précisément dans la localité de Metubi. Avec l’appui de la SMP Wagner [qui perdra plusieurs hommes lors d’une embuscade tendus par les jihadistes en octobre], les Forces de sécurité et de défense du Mozambique lancèrent des opérations de contre-insurrection. Sans succès, le « conflit » ayant fait environ 1.500 tués et provoqué le déplacement de plus de 200.000 personnes.

En outre, en mars 2020, la ville portuaire de Mocimboa et Palma tomba une première fois entre les mains des jihadistes, lors d’une attaque coordonnée depuis la terre et la mer. Mais leur occupation de la ville fut de courte durée puisqu’il s’en retirèrent quelques heures plus tard, après avoir détruit des infrastructures publiques.

Dans un récent rapport, le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, relève que les « activités menées par les membres du groupe ‘Province d’Afrique centrale de l’État islamique’ dans le nord-est de la province de Cabo Delgado se sont intensifiées avec le lancement d’attaques complexes sur plusieurs sites concentrés à Muidumbe, Quissanga et Mocimboa da Praia. »

Et d’ajouter : « Des membres du groupe ont mis en scène de brèves prises de contrôle symboliques de villages, où ils ont déployé des bannières et prêché la population locale. Enhardi par ces prises de
contrôle, le groupe a multiplié les attaques de faible envergure tout au long de la période considérée. Les moyens et les tactiques mis en œuvre dans les attaques reflétaient ceux utilisés par le groupe en République démocratique du Congo, y compris l’emploi d’engins explosifs improvisés, les enlèvements, les décapitations et le pillage de villages à des fins de ravitaillement. »

C’est donc dans ce contexte que la ville de Mocimboa da Praia est de nouveau tombée sous le joug des jihadistes, le 12 août, au terme de cinq jours d’affrontements dans les localités environnantes. Selon une source militaire citée par VOA Afrique, les forces mozambicaines ont été contraintes d’abandonner le terrain aux assaillants [qui seraient plus d’un millier, ndlr], faute de munitions.

Des mercenaires sud-africains « n’ont pas pu arriver à temps à Cabo Delgado car leurs hélicoptères ont dû s’arrêter en chemin pour se ravitailler, perdant ainsi 15 minutes cruciales », a confié cette source. La société militaire privée en question serait le Dyck Advisory Group [DAG]

En outre, des renforts sont tombés dans une embuscade. Le bilan provisoire serait d’au moins 55 soldats tués et de 90 autres blessés.

Évoquant une « situation compliquée », une autre source militaire a indiqué à l’AFP que les jihadistes avaient touché, avec un lance-roquettes, un bateau gouvernemental – a priori, un navire intercepteur HV32 fourni par le constructeur français CMN.

Selon Maputo, des opérations ont été lancées pour reprendre le port. Mais les forces de sécurité ont souligné la difficulté de cette entreprise, les jihadistes utilisant « les populations » de la région « comme boucliers ».

En outre, la ministre mozambicaine des Affaires étrangères, Verónica Macamo, a indiqué que la Mozambique et la Tanzanie allaient « unir leurs forces pour arrêter les incursions armées à la frontière entre les deux États. »

En attendant, le port de Mocimboa da Praia est crucial pour les projets d’exploitation gazière du Mozambique car situé à une soixantaine de kilomètres des gisements dont la valeur est estimée à 60 milliards de dollars.

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