Boeing, Saab et Lockheed-Martin ont remis leurs offres pour le marché des futurs avions de combat canadiens

Même si ses chances paraissent bien mince, Saab entend les défendre jusqu’au bout. En effet, en proposant le JAS-39 Gripen E/F, l’industriel suédois a répondu avant la date limite [le 31 juillet 2020, ndlr] à l’appel d’offres lancé par le Canada en vue de l’acquisition de 88 nouveaux avions de combat pour remplacer les CF-18 Hornet de l’Aviation royale canadienne [ARC], qui arrivent au bout de leur potentiel. Il aura ainsi à se mesurer aux américains Lockheed-Martin [F-35A] et à Boeing [F/A-18 Super Hornet].

Un temps intéressé, le Dassault Aviation a jeté l’éponge en novembre 2018, justement pour ne pas avoir à tenir le rôle de « lièvre » pour ses concurrents d’outre-Atlantique.

« Soyons clairs : il est impossible de vendre le Rafale aux pays membres du réseau Five Eyes [dont le Canada fait partie, ndlr], non pas parce qu’il n’est pas interopérable – il l’est tout autant que d’autres et en a fait la preuve – mais parce que ce réseau s’est fixé des règles qu’ils refusent de nous communiquer et qui visent à ce que ses membres travaillent ensemble », avait ainsi justifié Éric Trappier, le Pdg du constructeur français. En outre, des considérations liées au NORAD [Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord] ont également compliqué la donne.

C’est, en tout cas, l’argument avancé par le consortium Eurofighter pour expliquer le retrait du Typhoon [dont la candidature était pourtant défendue par le Royaume-Uni] de l’appel d’offres canadien, en août 2019. « Les exigences de sécurité du NORAD » imposent un « coût trop important aux plateformes dont les chaînes de production et d’entretien sont situées à l’extérieur » du Canada et des États-Unis », avait-il dit, souligant aussi que les « les importantes révisions récemment apportées aux exigences de retombées industrielles et technologiques [RIT] ne valorisaient pas suffisamment les engagements fermes compris dans l’offre de Typhoon Canada, alors qu’il s’agissait d’un point majeur. »

Dans ces conditions, le maintien de la candidature du JAS-39 Gripen E/F, certes assemblé avec un nombre relativement important de composants d’origine américaine, dont les moteurs, peut interroger. Cela étant, pour répondre aux exigences d’Ottawa en matière de compensations industrielles, Saab s’est associé à plusieurs entreprises canadiennes, dont IMP Aerospace & Defense [assemblage et entretiens des avions], Peraton Canada, GE Aviation et CAE.

Cela sera-t-il suffisant sachant que, selon Services publics et Approvisionnement Canada, l’évaluation des appareils en lice reposera d’abord sur leurs capacités [60%], leurs coûts [20%] et les retombées économiques [20%]?

Quoi qu’il en soit, face aux deux construteurs américains, Saab n’aura évidemment pas la partie facile. Ainsi, afin d’éviter une rupture capacitaire imminente, le ministère canadien de la Défense avait décidé de se procurer 18 F/A-18 Super Hornet, avant de revoir sa copie en raison d’un différend commercial opposant Ottawa à Boeing au sujet des avions civils C Series de Bombardier. Finalement, des appareils d’occasion furent acquis auprès de l’Australie par la suite, le temps d’attendre le résultats de l’appel d’offres en cours.

Quant au F-35A, il avait déjà retenu une première fois en 2010, le gouvernement canadien, alors conduit par le conservateur Stephen Harper ayant annoncé l’achat de 65 exemplaires. Ce choix semblait logique étant donné la participation de l’industrie aérospatiale canadienne au programme Joint Strike Fighter [JSF] dont cet avion est issu.

Seulement, cette décision suscita une vive polémique, au point d’en devenir un enjeu électoral. Avant de succéder à M. Harper, le libéral Justin Trudeau avait assuré que le Canada renoncerait à acquérir des F-35A afin d’économiser des « dizaines de milliards de dollars pour les prochaines décennies ». En juin 2016, il renouvela ses critiques. « Les conservateurs […] se sont accrochés à un avion qui ne fonctionne pas et qui est loin de pouvoir fonctionner », avait-il dit. Cependant, en promettant un appel d’offres « transparent et ouvert » pour régler la question, le Premier ministre canadien ne pouvait pas interdire à Lockheed-Martin de soumettre une offre.

En outre, en mai 2019, Ottawa a assoupli ses exigences en matière de retombées économiques. « Les innovations et les modifications que nous adoptons permettront à tous les fournisseurs admissibles de participer [à l’appel d’offres] tout en appliquant les mêmes règles à tous, sur un pied d’égalité », avait affirmé Carla Qualtrough, alors ministre des Services publics et de l’Approvisionnement.

« Cette idée fait suite à des plaintes de Washington, qui soutient que cette exigence de retombées économiques viole l’accord que le Canada a signé en 2006 lorsqu’il est devenu l’un des neuf pays partenaires dans le développement du F-35 […]. En échange d’un prix réduit pour les F-35, les partenaires doivent contribuer financièrement au développement de l’appareil – le Canada y a investi plus de 500 millions à ce jour », avait alors expliqué Radio Canada.

Quoi qu’il en soit, le ministre canadien de la Défense, Harjit S. Sajjan, a rappelé l’enjeu de cet appel d’offres, le 31 juillet. « Dans le cadre de notre politique de défense entièrement chiffrée et financée […], notre gouvernement s’est engagé à acheter une flotte complète de 88 chasseurs qui nous permettra de remplir simultanément nos obligations envers le NORAD et l’OTAN », a-t-il dit.

Photo : Ministère canadien de la Défense

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