La Chine proteste contre un exercice des forces spéciales américaines et taïwanaises

Le 16 juin dernier, via sa page Facebook, le 1er groupe de forces spéciales de l’US Army [1st Special Forces Group – 1st SFG(A)] diffusa une courte vidéo dans laquelle on pouvait voir des Bérets verts américains s’entraîner aux côtés d’opérateurs du 101e Bataillon de reconnaissance amphibie, c’est à dire l’équivalent taïwanais des commandos marine ou des Navy Seals. Et les images furent prises à Taïwan.

Curieusement, il fallut attendre près de deux semaines pour voir apparaître les premiers commentaires sur cette vidéo. Ainsi, le 29 juin, le quotidien taïwanais United Daily News [UDN] souligna que de telles images étaient inédites. En effet, selon lui, les forces spéciales américaines et taïwanaises s’entraîneraient régulièrement dans le cadre d’exercices conjoints appelés « Balance Tamper ». Mais, jusqu’alors, aucune image de ces manoeuvres n’avait été diffusée.

Et pour cause. En 1979, et après l’épisode dit de la « diplomatie du ping pong », les États-Unis reconnurent officiellement la République populaire de Chine et s’engagèrent à rompre leurs relations diplomatiques avec Taïwan [c’est à dire la République de Chine, ndlr], considérée par Pékin comme étant une « province rebelle ».

Pour autant, et afin de donner un cadre aux rapports avec Taipei, le Congrès adopta le « Taïwan Relations Act », sur la base duquel les États-Unis continuent de livrer des équipements militaires à Taïwan. Ce qui, au passage, suscitent toujours de vives protestations à Pékin.

Peu avant son investiture à la Maison Blanche, le président Trump avait donné le sentiment qu’il allait remettre en question ce concept de « Chine unique », après avoir eu un échange téléphonique avec Tsai Ing-wen, la président taïwanaise. « Je ne sais pas pourquoi nous devons être liés à la politique de la ‘Chine unique’, à moins que nous ne passions un accord avec la Chine pour obtenir d’autres choses, y compris sur le commerce », fera-t-il valoir à l’antenne de Fox News.

Même si Pékin accentua sa pression militaire et diplomatique sur Taipei, les choses se calmèrent… jusqu’à la signature, un an plus tard, du National Defense Authorization Act [NDAA] pour 2018. S’il détaille le budget alloué au Pentagone, un tel texte comprend aussi quelques dispositions en matière de « diplomatie militaire ». Ainsi, l’un de ses articles prévoyait la possibilité de rétablir des visites portuaires mutuelles entre les forces navales américaines et taïwanaises. Ce qui ne manqua pas de susciter à nouveau le courroux de Pékin.

« Nous sommes fermement opposés à toute forme d’échange officiel et de liens militaires entre Taïwan et les États-Unis ainsi qu’à des ventes d’armes américaines à Taïwan », rappelé le ministère chinois des Affaires étrangères. « Le jour où un vaisseau de l’US Navy arrive à Kaohsiung [principal port taïwanais] sera celui où notre Armée populaire de libération unifiera Taïwan [à la RPC] par la force », s’emporta Li Kexin, , un diplomate de haut rang en poste à l’ambassade de Chine à Washington.

Quoi qu’il en soit, tant les États-Unis que Taïwan se gardèrent de faire de la publicité autour de leurs activités militaires conjointes. Jusqu’à cette [courte] vidéo postée sur la page Facebook du 1st Special Forces Group. Vidéo qui, du reste, a depuis disparu.

Curieusement, et alors que le climat entre Pékin et Washington est tendu actuellement, les autorités chinoises n’ont pas réagi tout de suite. Ou, si tel est le cas, elles l’ont discrétement fait par voie diplomatique. En effet, il aura fallu le 30 juillet pour voir le ministère chinois de la Défense évoquer publiquement cet exercice entre les Bérets verts américains et les commandos taiwanais.

Ainsi, le porte-parole de ce dernier, Ren Guoqiang, a exprimé « la ferme opposition » de Pékin à « l’envoi par les États-Unis du personnel militaire dans la région de Taiwan pour des exercices et échanges », évoquant des « actes délibérés et provocateurs » qui « ont violé gravement les normes fondamentales des relations internationales et envoyé un signal erroné aux éléments séparatistes de Taïwan. »

Ce faisant, la partie américaine a également violé son engagement politique envers la Chine », a poursuivi M. Ren, avant de prévenir qu’une telle « conduite a eu un impact négatif sévère sur les relations bilatérales et les liens militaires sino-américains, ainsi que sur la paix et la stabilité à travers le détroit de Taiwan. »

En outre, le porte-parole a indiqué que Pékin avait protesté auprès de Washington, en « exhortant » les responsables américains à « corriger immédiatement leur erreur et à mettre fin aux contacts militaires officiels de quelque forme que ce soit avec Taiwan. »

« La Chine a la détermination, la pleine confiance et la capacité suffisante pour contrecarrer toute forme d’ingérence de la part de forces extérieures ainsi que les actes des séparatistes » taïwanais et elle « défendra résolument sa souveraineté nationale et son intégrité territoriale, et sauvegardera la paix et la stabilité à travers le détroit de Taiwan », a conclu M. Ren.

La semaine passée, le chef du Pentagone, Mark Esper, a fait part de son intention de se rendre en Chine d’ici la fin de cette année afin d’établir des « canaux de communication entre militaires » pour désamorcer les tensions avec Pékin.

« Avant la fin de cette année, j’espère visiter la Chine pour la première fois en ma qualité de secrétaire à la Défense afin d’améliorer la coopération dans les secteurs où nous avons des intérêts communs et d’établir de nécessaires systèmes de communication de crise », a en effet déclaré M. Espert, lors d’un séminaire en ligne organisé par de l’Institut international d’études stratégiques [IISS]. Les États-Unis « ne cherchent pas le conflit » avec la Chine, a-t-il insisté. Mais, a-t-il ajouté, cette dernière « n’a pas le droit de faire des eaux internationales une zone d’exclusion pour son propre empire maritime. »

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