La France a proposé des avions Rafale d’occasion à la Croatie

Les conséquences de la crise économique provoquée par la pandémie de covid-19 risquent d’être douloureuses pour la base industrielle et technologique de défense [BITD] française. Dans le rapport qu’ils viennent de remettre dans le cadre d’une mission « flash » lancée par la commission de la Défense, les députés Benjamin Griveaux et Jean-Louis Thiériot parlent d’un « effet de falaise » dès cet automne, c’est à dire que, faute d’un plan de relance efficace, de nombreuses ETI/PME sont susceptibles de connaître de graves difficultés financières pouvant les mener à leur perte.

Le secteur de l’aéronautique est particulièrement touché. Le transport aérien n’étant pas près de sortir de la zone de turbulences dans laquelle la covid-19 l’a plongé, les achats de nouveaux avions vont se faire rares. Aussi, les deux rapporteurs estiment donc nécessaire de mobiliser la commande publique pour relancer l’activité des entreprises concernés, notamment celles travaillant pour les Armées.

Ainsi, cela pourrait passer par la commande d’une vingtaine de Rafale supplémentaires pour environ 2 milliards d’euros, sachant que Dassault Aviation s’appuie sur une myriade de sous-traitants, dont certains sont en difficulté. Une telle commande, pour MM. Griveaux et Thiérot, est « indispensable pour garantir la pérennité d’une capacité industrielle rare et critique » tout en étant conforme aux « exigences de cohérence capacitaire ».

Le Délégué général pour l’armement, Joël Barre, « estime qu’une commande d’approvisionnements de long terme, garantissant l’intégralité de la ‘4T+’ [quatrième tranche de commande, nldr] et sa livraison à l’horizon 2025, associée à des commandes complémentaires progressives et adaptées aux résultats des prospects [à l’exportation], permettrait d’ajuster les commandes françaises suivant une logique de partage du risque », lit-on dans le rapport.

En outre, expliquent les deux députés, « l’enjeu d’une commande supplémentaire de Rafale revêt davantage d’enjeux industriels qu’opérationnels. En effet, comme celle de 2013, la LPM [Loi de programmation militaire] de 2018 fait le ‘pari de l’export’, misant sur des commandes étrangères pour combler un ‘trou’ de deux ans et demi sans crédits programmés pour des livraisons françaises, entre mi-2024 et 2027. Pour livrer un avion à l’export mi-2024, il faut que la commande afférente soit passée avant fin 2020. Or une prise de commande avant cette échéance est loin d’être certaine. »

En effet, les perspectives de décrocher de nouveaux contrats « Rafale » à l’exportation pour combler le « trou » des années 2024-27 sont très incertaines. La Suisse, qui organisera une votation en septembre sur la modernisation de son aviation combat, la Finlande, l’Inde et l’Égypte sont régulièrement cités. Mais un autre pays pourrait être intéressé par des Rafale. Sauf qu’il s’agirait d’appareils d’occasion.

Ainsi, selon le DGA, indiquent les deux rapporteurs, la Croatie fait partie des « prospects » pour des Rafale de seconde main, lesquels seraient « prélevés au sein de la flotte française », ce qui nécessiterait « par ricochet des commandes de remplacement ». Mais reste à voir quand un tel contrat pourrait se concrétiser.

Pour rappel, la Croatie a un besoin impératif de moderniser son aviation de combat, qui repose sur des MiG-21. En 2018, elle avait choisi d’acquérir 12 F-16 d’occasion auprès d’Israël… avant de renoncer, les États-Unis s’étant opposés à cette vente. Depuis, Zagreb a relancé son processus d’acquisition. Et il a avancé que des offres provenant d’Italie [Eurofighter Tranche 1], de Suède [Gripen], de Norvège, du Danemark [F-16 d’occasion], des États-Unis [F-16 Viper] et… de France avaient été faites.

S’agissant de la proposition française, il n’était pas clair si elle portait sur des Mirage 2000 ou des Rafale d’occasion. Désormais, on a la réponse.

Photo : EMA

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