Libye : Paris, Rome et Berlin menacent de sanctionner ceux qui violent l’embargo sur les armes

Visée par un embargo sur les armes imposé par le Conseil de sécurité des Nations unies, la Libye est déchirée par la rivalité entre le gouvernement d’entente nationale [GNA] établi à Tripoli et celui installé à Tobrouk, qui tirant sa légitimité du Parlement élu en juin 2014. Ce qui donne lieu à des combats entre des milices pro-GNA et l’Armée nationale libyenne du maréchal Khalifa Haftar.

Ce conflit a pris une dimension internationale [la diplomatie française parle même de « syrianisation »] en raison de l’implication de puissances étrangères aux côtés des deux parties rivales. Ainsi, la Turquie soutient le GNA [de même que, dans une moindre mesure, le Qatar] quand le gouvernement de Tobrouk est appuyé par les Émirats arabes unis, l’Égypte, l’Arabie Saoudite, la Syrie et la Russie.

Ces soutiens, qui ne sont pas sans arrière-pensées, se traduisent par des livraisons d’armes et l’envoi de mercenaires. Ainsi, ayant conclu un accord pour le GNA afin de lui permettre d’appuyer ses revendications territoriales en Méditerranée orientale [et s’inviter dans l’exploitation des ressources gazières de cette région], la Turquie a envoyé à Tripoli des mercenaires recrutés par les groupes rebelles syriens qu’elle soutient. La Russie a fait la même chose au profit de l’ANL, via la société militaire privée Wagner, proche du Kremlin.

L’implication de la Turquie a permis de renforcer le rapport de forces sur le terrain. Alors que l’ANL était aux portes de Tripoli, elle a dû reculer jusqu’à Syrte après avoir subi une succession de revers.

Craignant une présence militaire turque à ses frontières, l’Égypte a dès lors fait savoir qu’elle pourrait intervenir militairement si jamais une offensive des milices pro-GNA et des mercenaires turcs venait à être lancée en direction de Syrte. Cette intervention peut désormais avoir lieu à tout moment, le Parlement de Tobrouk ayant donné son feu vert.

Reste que, malgré les engagements pris par les protaganistes du conflit libyen, les armes et les équipements militaires continuent d’être livrés aux deux camps rivaux. Pour faire respecter l’embargo des Nations unies, l’Union européenne a lancé l’opération navale Irini. Mais, pour le moment, et faute d’avoir pu intercepter le moindre navaire suspect, cette dernière a surtout accumulé les critiques, notamment de la part de la Turquie, de la Russie et même des États-Unis.

L’opération Irini est placée sous le commandement d’un amiral italien, assité par par un amiral français. Ses moyens sont pour le moment comptés, avec notamment une frégate [grecque, actuellement] et, par intermittence, des avions de patrouille et de survellance maritime, dont un P3C Orion allemand et un Falcon 50M de la Marine nationale.

En marge du sommet européen dédié à un éventuel plan de relance visant à amortir les effets de la crise économique provoquée par l’épidémie de Covid-19, la France, l’Italie et l’Allemagne ont conjointement appelé à la fin des interférences étrangères en Libye ainsi qu’au respect de l’embargo sur les armes.

« Nous partageons de graves préoccupations concernant la montée des tensions militaires dans ce pays et le risque accru d’une escalade régionale. Nous demandons donc à toutes les parties libyennes et à leurs soutiens étrangers de cesser immédiatement les combats et de mettre un terme à l’escalade militaire en cours à travers le pays », ont écrit le président français, Emmanuel Macron, la chancelière allemande, Angela Merkel, et le président du Conseil italien, Guiseppe Conte, dans une déclaration publiée le 18 juillet.

« Nous appelons tous les acteurs étrangers à cesser leurs interférences et respecter l’embargo sur les armes établi par le Conseil de sécurité des Nations unies », ont effet écrit le président français, Emmanuel Macron, la chancelière allemande, Angela Merkel, et le président du Conseil italien, Guiseppe Conte, dans une déclaration publiée le 18 juillet.

« Nous demandons également à tous les acteurs étrangers de mettre fin à leurs ingérences croissantes et de respecter pleinement l’embargo sur les armes établi par le Conseil de sécurité des Nations unies », poursuivent les troi dirigeants européens, avant de se dire « prêts à envisager un recours éventuel à des sanctions si les violations de l’embargo en mer, sur terre ou dans les airs se poursuivent. »

Mais avant d’en arriver éventuellement là, M. Macron, Mme Merkel et M. Conte attendront « avec intérêt les propositions que le Haut-représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité [Josep Borell, ndlr] fera à cette fin. »

À noter que, dans cette déclaration, il n’est question que de « sanctions » à l’égard de ceux qui violent l’embargo sur les armes… Et non contre ceux qui interviendraient militairement en Libye, comme l’Égypte pourrait le faire.

Par ailleurs, après avoir assuré de leur détermination « à assurer la pleine efficacité de l’opération Irini dans le but de prévenir toute escalade sur le terrain », les trois responsables européens ont dit soutenir les « efforts des Nations unies en vue d’obtenir la signature d’un accord de cessez-le-feu durable et crédible dans le cadre des négociations en cours au sein du Comité 5+5. »

« Dans ce moment critique, nous encourageons également les Nations unies à explorer toutes les options pour réduire les tensions, y compris celles d’un large désengagement de forces voire d’une éventuelle démilitarisation dans certaines régions », ont-ils aussi indiqué.

Photo : Marine nationale

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