La Russie va lancer la construction de deux navires d’assaut amphibie inspirés par le navire français Mistral

Vers la fin des années 1960, la marine soviétique disposait de deux porte-hélicoptères issus du Projet 1123/Kondor, à savoir le Moskva et le Leningrad. Affichant un déplacement de 17.500 tonnes et pouvant emporter jusqu’à 18 hélicoptères, ces navires auraient dû être rejoints par ceux du projet 11780.

Plus imposants que leurs aînés [40.000 tonnes] et conçus à partir du modèle de porte-avions de type Kiev, ces derniers devaient être comparables aux porte-hélicoptères américains de la classe Tarawa. Seulement, ce projet fut interrompu en 1991, lors de l’implosion de l’Union soviétique. Quand Moskva et au Leningrad, il furent retirés du service avant d’être démantelés en 1996.

Depuis, la marine russe cherche à se doter d’une telle capacité. D’où la signature d’un accord avec la France, en 2011, afin d’acquérir deux Bâtiments de projection et de commandement [BPC] de type Mistral [désormais appelés « Porte-hélicoptère amphibie » – ou PHA] pour 1,2 milliard d’euros et des transferts de technologie à la clé.

Un tel contrat ne manqua pas de susciter des réserves au sein de l’état-major français et de l’Otan… mais aussi des critiques à Moscou, sur fond de réglement de compte politique avec Anatoli Serdioukov, le ministre russe de la Défense qui signa l’accord, avant de tomber en disgrâce pour une affaire de corruption.

Cela étant, pour vendre des équipements militaires, il faut, au minimum, une certaine proximité entre le vendeur et son client. « La logique que je développe, c’est d’abord la confiance et le partenariat stratégique, l’appréciation commune des situations conflictuelles et des menaces », avait ainsi expliqué Jean-Yves Le Drian, l’ex-ministre français de la Défense, qui avait hérité de ce dossier en arrivant à l’Hôtel de Brienne.

Or, ces conditions n’étaient pas réunies avec la Russie… Et l’annexion de la Crimée ainsi que son implication présumée dans le conflit du Donbass [sud-est de l’Ukraine] firent que Paris annula la livraison des deux BPC russes [le Sebastopol et le Vladivostok], lesquels furent finalement revendus à l’Égypte.

« Le refus de livrer les navires conformément au contrat est un mauvais signe bien sûr, mais du point de vue du soutien de nos capacités de défense, je vais vous le dire franchement, c’est sans importance. […] À l’époque, nous avions conclu ce contrat avant tout pour soutenir nos partenaires et assurer une charge de travail pour leurs chantiers navals, mais nous prévoyions de les utiliser en Extrême Orient, ce n’est pas critique », commenta le président russe, Vladimir Poutine, lors d’un entretien télévisé, en avril 2015.

Pour autant, l’idée de doter la marine russe de navires d’assaut amphibie n’a pas été abandonnée. Confié le bureau de conception Nevsky, le projet 23900 vise en effet à construire deux bâtiments de ce type au chantier de Kertch, en Crimée. Selon les éléments communiqués au compte-gouttes, ces navires présentent apparemment des similitudes avec le PHA Mistral français, si ce n’est qu’ils seront plus imposants [25.000 tonnes pour 220 mètres de long contre 21.000 tonnes et une longueur de 199 mètres] et qu’ils auront la capacité d’embarquer 20 hélicoptères ainsi qu’environ 900 soldats.

En mai dernier, l’agence TASS a indiqué, sans avoir eu de confirmation officielle, que le contrat pour la construction de ces deux navires du projet 23900 venait d’être notifié au chantier naval Zaliv, à Kertch, pour un montant de 100 milliards de roubles [1,22 milliard d’euros].

En tout, faute d’avoir de certitudes sur la signature effective de ce contrat, la consultation de sites russes d’offres d’emploi a permis de constater que le chantier naval Zaliv recrutait plusieurs dizaines de spécialistes et de techniciens. Ce qui pouvait être une indication.

Finalement, le 14 juillet, le quotidien Izvestia a indiqué que ce programme allait être officiellement lancé deux jours plus tard, en présence du président Poutine. En outre, les noms des deux navires devaient être confirmés à cette occasion [ceux de « Sebastopol », « Vladivostok » et « Kertch » étaient alors en lice] ainsi que leurs caractéristiques techniques. Seulement, pour une raison non précisée, a indiqué Kerch Infos, la cérémonie a été reportée au 20 juillet, selon Dmitri Peskov, le porte-parole du Kremlin.

La question est de savoir dans quelle mesure le projet d’acquérir les deux navires de type Mistral a aidé les ingénieurs russes à concevoir ceux du projet 23900… Interrogé en octobre 2015 à l’Assemblée nationale, un responsable de Naval Group avait assuré qu’aucune technologie sensible ne leur avait été transférée.

« Sur la plateforme propulsée, le contrat prévoyait la réalisation des deux parties arrière par une entreprise russe, OSK, à Saint-Pétersbourg. Cette construction a eu lieu et, par conséquent, le transfert de technologie nécessaire pour qu’OSK puisse livrer ces parties a été réalisé. Au moment de la résiliation, il a été convenu avec la partie russe qu’ils détruiraient les documents et, surtout, qu’ils s’engageaient à respecter nos droits de propriété intellectuelle », avait-il expliqué.

Quant au système de combat SENIT-9, le même responsable affirma que le « hasard du calendrier » fit qu’il n’y eut « quasiment pas eu de livraison sur cette partie. »

Quoi qu’il en soit, pour l’hebdomadaire russe Zvezda, les navires du projet 23900 ne sont « pas comparables » avec les PHA français dont ils s’inspirent pourtant.

Et de citer l’amiral Viktor Bursuk, numéro deux de le marine russe, selon qui la Russie avait reçu des documents techniques français [dessins, organisation du chantier, etc] selon des « bases absolument légales », alors que le contrat signé en 2011 n’avait pas été encore dénoncé par Paris. « Les ingénieurs russes se sont familiarisés avec l’expérience française légalement », insiste l’hebdomadaire.

La différence entre les deux types de navire, poursuit-il, se situe au niveau de leurs dimensions et…. de leur protection ainsi que de leur armement, les bâtiments russes devant être mieux lotis dans ces domaine.

Photo : Artem Tkachenko

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