Finalement, le Royaume-Uni va bannir le chinois Huawei de ses réseaux 5G pour des raisons de sécurité

En mai 2019, Gavin Williamson, alors ministre de la Défense, fut démis de ses fonctions pour avoir été à l’origine de fuite sur la décision que s’apprêtait à prendre Londres au sujet de la place de l’équipementier chinois Huawei dans le réseau 5G britannique, et avec laquelle il était en désaccord pour des raisons relatives à la sécurité.

Pour rappel, la norme 5G va multiplier par dix le débit des flux de données que permet actuellement la 4G, tout en réduisant le temps de latence à seulement une miliseconde et en autorisant un nombre très important de connexions simultanées.

Pour le secteur civil, cela se traduira par des applications dans les domaines de la voiture autonome, des villes dites intelligences [« Smart Cities »], de l’industrie [on parle d’usines 4.0] ou encore de la télémédecine. Pour les armées, la 5G va ouvrir de nouvelles opportunités, notamment en matière de simulation, de logistique, de maintenance [via le Big Data et la maintenance prédictive], de sécurisation des sites sensibles et du renseignement. Aussi, le choix des équipementiers pour installer les réseaux 5G n’est pas anodin.

Or, fondé par un ancien officier de l’Armée populaire de libération [APL], le groupe Huawei, qui produit des équipements qui passent pour être performants et compétitifs, est accusé de collusion avec Pékin. Qui plus est, une loi entrée en application en 2017 l’oblige à coopérer avec les services de renseignement chinois. D’où les débats sur la place qu’il doit avoir au sein des réseaux 5G des pays membres de l’Otan et/ou de l’Union européenne.

En janvier, le gouvernement britannique, emmené par Boris Johnson, annonça sa décision d’autoriser Huawei à prendre part au déploiement de la 5G outre-Manche. Mais avec des restrictions, compte tenu du statut de « fournisseur à haut risque » du groupe chinois. Ainsi, les parts de marché de ce dernier ne devaient pas dépasser les 35% au Royaume-Uni. En outre, il n’était pas question d’installer ses équipements dans les « coeurs de réseaux » ainsi que dans les sites sensibles [bases militaires, centres du renseignement, etc].

Cette décision n’a pas été du goût de l’administration Trump en particulier, laquelle a engagé un bras de fer avec Pékin au sujet de Huawei. D’autant plus que, dans le domaine du renseignement, le Royaume-Uni fait partie de l’alliance dite des « Five Eyes », laquelle réunit les États-Unis, le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande.

« Huawei et d’autres entreprises technologiques chinoises soutenues par l’État sont des chevaux de Troie pour le renseignement chinois », affirme régulièrement Mike Pompeo, le chef de la diplomatie américaine.

Aussi, Washington a agité la menace d’un retrait partiel de ses troupes du Royaume-Uni, remettant notamment en cause le déploiement d’escadrons d’avions F-35A ainsi que la base de de Menwith Hill, où le renseignement américain dispose d’un centre d’écoutes électro-magnétiques exploité avec le Government Communications Headquarters [GCHQ].

La perspective de ce retrait militaire américain a fait évoluer la position jusqu’alors affiché par Boris Johnson sur ce sujet, d’autant plus que les relations entre Londres et Pékin se sont dégradées, en raison du sort fait à Hong Kong [ex-colonie britannique rétrocédée en 1997] par les autorités chinoises. Ainsi, il lui a été prêté l’intention de « sortir » Huawei des réseaux britanniques d’ici 2023.

Finalement, le 14 juillet, Londres a annoncé que l’achat d’équipements auprès d’Huawei serait interdit après le 31 décembre 2020 et que tous les composants du groupes chinois déjà installés devant être retirés d’ici 2027.

« Le meilleur moyen de sécuriser notre réseau est que les opérateurs cessent d’utiliser les équipements Huawei pour construire le futur réseau 5G britannique », a expliqué, à la Chambre des communes, Oliver Dowden, le ministre de la Culture et du Numérique, à l’issue d’une réunion du Conseil de sécurité nationale [NSC] présidée par M. Johnson. « Cela n’a pas été une décision facile, mais c’est la bonne pour les réseaux télécoms britanniques, pour notre sécurité nationale et pour notre économie – maintenant comme à long terme », a-t-il ajouté.

L’une des raisons expliquant cette décision a été, selon M. Dowden, les sanctions décidées en mai par les États-Unis contre Huawei, lesquelles visent à entraver sa capacité à mettre au point des semi-conducteurs à l’étranger grâce à de la technologie américaine. Ainsi, le gouvernement britannique s’inquiéterait d’un recours de l’équipementier chinois à des composants alternatifs susceptibles de présenter de nouveaux risques en matière de sécurité.

L’exclusion de Huawei pourrait retarder le déploiement de la 5G britannique de « deux à trois ans » et coûter « jusqu’à 2 milliards de livres sterling » a avancé M. Dowden.

L’ambassadeur de Chine à Londres, Liu Xiaoming, a parlé d’une décision « décevante » et « erronée ». Et d’estimer « discutable » le fait que le « Royaume-Uni puisse encore offrir un environnement commercial ouvert, juste et sans discrimination aux entreprises venues d’autres pays. » Cela étant, sur l’accès de ses marchés intérieurs, Pékin n’a pas trop de leçons à donner…

Évidemment, l’administration Trump n’a pas tardé à se féliciter de la décision britannique, affirmant qu’elle « reflète un consensus international grandissant sur le fait que Huawei et d’autres acteurs représentent une menace pour la sécurité nationale car ils restent redevables au Parti communiste chinois. »

En France, l’approche à l’égard de Huawei est différente. Certes, l’équipementier chinois ne sera pas présent dans les coeurs de réseaux et près des sites sensibles. Mais comme l’a expliqué Guillaume Poupart, le direction de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information [ANSSI] lors d’un entretien donné aux quotidien Les Echos, le 6 juillet dernier, « il n’y aura pas un bannissement total [de Huawei]. Les opérateurs qui n’utilisent pas Huawei, nous les incitons à ne pas y aller car c’est un peu le sens naturel des choses. Ceux qui l’utilisent déjà, nous délivrons des autorisations dans la durée varie entre trois et huit ans ». Voilà qui devrait faire les affaires des groupes européens Nokia et Ericsson.

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