Un effet « Dominno » sur la maintenance des hélicoptères militaires

Le 15 juillet, les députés Jean-Pierre Cubertafon et Jean-Jacques Ferrara présenteront, en commission, les résultats d’une « mission flash » relative aux hélicoptères des forces françaises. Le sujet a déjà maintes fois été évoqués par des rapports parlementaires publiés dans le cadre des débats budgétaires de l’automne ou dans celui de missions d’informations. Et, jusqu’à présent, le constat que tous ont fait est que la disponibilité des voilures tournantes est trop faible par rapport aux attentes.

L’un des derniers en date, remis en juillet 2018 par le sénateur Dominique de Legge, avait ainsi souligné que la disponibilité des hélicoptères peinait à décoller alors que les coûts de leur maintenance s’envolaient. Et d’avancer plusieurs raisons : l’intensité du rythme opérationnel, la cohabitation de plusieurs types d’appareils de générations différentes, une chaîne logistique peu satisfaisante et une multiplication de contrats de maintenance attribués à plusieur intervenants.

Ainsi, jusqu’en 2018, le maintien en condition opérationnel [MCO] des hélicoptères Cougar était couvert par 21 marchés différents, pour une disponibilité moyenne de 6,6 appareils sur 26 au cours des 12 mois précédents. D’où la réforme qui, ayant conduit à la création de la Direction de la maintenance aéronautique [DMAé], vise à confier la responsabilité de la quasi-totalité de la maintenance d’un type d’aéronef à un maître d’œuvre unique [on parle de contrat verticalisé, ndlr].

Cette nouvelle approche a-t-elle donné des résultats? Il est difficile de le savoir, les chiffres relatifs à la disponibilité des aéronefs militaires n’étant désormais plus diffusés pour des « impératifs renforcés de confidentialité. » Peut-être en saura-t-on plus quand le compte-rendu de la dernière audition parlementaire de l’ingénieure générale hors classe Monique Legrand-Larroche, la directrice de la maintenance aéronautique, sera publié et à l’occasion de l’examen en commission de rapport de MM. Cubertafon et Ferrara.

Cela étant, certaines innovations technologiques permettront sans doute d’améliorer les taux de disponibilités des hélicoptères militaires. Ainsi en est-il du Big Data, qui consiste à collecter un grand nombre de données afin de les exploiter.

En avril 2018, le ministère des Armées avait ainsi confié à Safran Helicopters Engine le soin de mener, pendant 25 mois, l’étude DOMINNO [Données de maintenance moteur innovante], via un contrat d’une valeur de 2 millions d’euros. « L’enjeu est de disposer d’outils permettant, à partir de capteurs existants ou nouveaux, de collecter des données relatives à l’usage du moteur et sa santé, puis de les exploiter via des technologies ‘big data’ et, enfin, d’adapter la maintenance selon l’état du moteur », avait-il expliqué à l’époque.

L’objectif était alors d’identifier les données les plus pertinentes afin de développer des algorithmes à « forte valeur ajoutée » permettant de faire de la maintenance prédictive et à exploiter au maximum le potentiel de vie réel des pièces les plus critiques d’une turbine. L’intérêt est double, voire triple : une telle technologie réduirait les coûts de MCO tout en améliorant la disponibilité opérationnelle des hélicoptères grâce à des interventions programmées avant que ne survienne une avarie. Et, pour l’industriel, cela pourrait l’aider à mettre au point des pièces plus résistantes et performantes.

L’Agence de l’innovation de Défense [AID] a récemment dévoilé, dans les grandes lignes, les résultats de cette étude. Et, effectivement, on peut parler d’un « effet DOMINNO ».

« Parmi les retombées identifiées, l’utilisation des données d’usage pour anticiper une panne semble très prometteuse. Il a par exemple été démontré qu’une panne du système de démarrage pouvait être anticipée avec un préavis de 80 heures, permettant ainsi de planifier une maintenance préventive », indique ainsi l’AID. En outre, poursuit-elle, « associer un endommagement de pièces critiques aux missions effectuées est également possible et permettrait de tirer le plein potentiel des moteurs et d’adapter ou d’alléger le plan de maintenance en fonction des usages réels de la machine. »

Deux catégories de données sont ainsi collectées. Celles relatives à la maintenance sont « actuellement remplies à la main sur un support papier après chaque intervention », ce qui « peut rendre difficile la reconstitution de l’historique des moteurs lorsqu’ils reviennent en atelier, parfois 10 ans après leur mise en service », explique Eric Seinturier, hef du département Programmes, Support et Services de Safran Helicopter Engines. Or, en numérisant leur saisie, « nous aurions des informations plus instantanées, plus complètes et donc plus exploitables », poursuit-il.

Les autres données pertinentes sont celles relatives au vol de l’appareil. Elles sont collectées grâce à des capteurs qui enregistrent et transmettent des paramètres comme la puissance, la température, la pression, etc.. « Grâce à des algorithmes de calcul, ces données permettent de proposer des recommandations de maintenance adaptées à l’usure des moteurs, et non plus réalisées à intervalles réguliers comme c’est habituellement le cas », assure-t-on chez Safran Helicopters Engine.

Par ailleurs, souligne l’AID, cette étude DOMINNO a abordé un sujet primordial : celui de la confidentialité « liées à la collecte, la transmission des données et à la restitution d’informations entre le ministère des Armées et l’industriel. »

En effet, pour qu’ils puissent être exploités de façon optimale, les flux de données, qui plus est toujours plus volumineux, devront être transmis des capteurs vers une base de données au sol. Ce qui pose donc la question de leur éventuelle interception. « En raison de la nature des missions effectuées, ces échanges devront être extrêmement sécurisés. Ce volet fera donc partie intégrante de nos réflexions », assuré M. Seinturier.

« Afin de concrétiser ces résultats au sein des forces, une étape d’industrialisation est encore nécessaire, avec entre autres la mise en place d’un système sécurisé de récupération et de traitement de ces données pouvant être sensibles », a en effet conclu l’AID.

Photo : Ministère des Armées

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