Pour les munitions de petit calibre, le général Burkhard estime qu’il y a « un juste milieu à trouver »

Depuis la fermeture de l’établissement de Giat Industries au Mans, à la fin des années 1990, la France ne dispose plus de filière industrielle capable de produire des munitions de petit calibre, obligeant ainsi le ministère des Armées à s’approvisionner auprès de fournisseurs étrangers. Ce qui a pu donner lieu à quelques problèmes, notamment au niveau de la qualité.

Pour autant, l’idée de rétablir en France une telle capacité de production n’a jamais pu s’imposer. La raison? La quantité de munitions consommées par les armées est insuffisante pour qu’une telle solution soit économiquement viable, d’autant plus qu’il faudrait composer avec la concurrence étrangère. Concurrence étrangère d’ailleurs en mesure de satisfaire, à moindre coût, les besoins des forces françaises.

Cela étant, dans un rapport publié en 2015, deux députés de bords opposés, à savoir Nicolas Bays et Nicolas Dhuicq, ont avancé un autre argument pour recréer une telle filière industrielle : celui de la « sauvegarde de l’indépendance et de la souveraineté de nos approvisionnements ». Et de poser la question de savoir comment la France pourrait être certaine d’être approvisionnée en munitions de petit calibre « en cas de conflit majeur ».

Alors ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian a tenté de réinstaller une telle capacité de production en France en s’appuyant sur NobelSport, spécialiste français des munitions pour le tir sportif, Thales [via sa filiale TDA Armements] et Manurhin. Mais la Revue stratégique d’octobre 2017 a tué dans l’oeuf cette initiative, en reprenant l’argument économique classique.

« Le marché français des munitions de petit calibre est négligeable par rapport au marché mondial : si nous voulions être indépendants, cela nous coûterait très cher » alors que « plusieurs pays sont susceptibles de nous les fournir », a ainsi fait de nouveau valoir Joël Barre, le Délégué général pour l’armement [DGA], lors d’une audition parlementaire dédiée à la crise provoquée par l’épidémide de Covid-19.

Invité à expliquer aux parlementaires la « Vision stratégique » qu’il vient d’élaborer, le général Thierry Burkhard, le chef d’état-major de l’armée de Terre [CEMAT] n’est pas aussi affirmatif que le DGA sur ce sujet. D’autant plus que les 12 chantiers qu’il entend mener durant les prochains mois visent à préparer les forces qu’il commande à un conflit de haute intensité, l’hypothèse d’un conflit entre États étant de nouveau considérée comme probable.

En effet, lors d’une audition à l’Assemblée nationale, le CEMAT a évoqué la question des munitions de petit calibre sous l’angle de l’autonomie, un « réel sujet » selon lui. Sur ce point, s’approvisionner auprès de pays lointains n’est pas « raisonnable. »

Aussi, et s’agissant des munitions de petit calibre, « les produire chez nous est très confortable à la condition de maîtriser les coûts, les produire entre alliés est une solution médiane acceptable, moyennant une certaine vigilance. Mais s’il faut aller les acheter à l’autre bout du monde, ce n’est probablement pas raisonnable : nous offrons à nos adversaires des vulnérabilités ce qui réduit notre capacité de dissuasion », a ainsi développé le général Burkhard, le

Aussi, a-t-il continué, « entre la solution qui consiste à accumuler des quantités énormes de munitions et de pièces de rechange et celle qui consiste à s’assurer d’une chaîne d’approvisionnement sécurisée qu’elle soit nationale ou étrangère, il y a un juste milieu à trouver. » D’autant plus, comme le CEMAT l’a souligné, « nous ne devons pas perdre la guerre avant de l’avoir livrée parce que l’on sait que nos stocks de munitions sont insuffisants! ».

Au Sénat, le général Burkhard a aussi souligné l’importance de l’autonomie stratégique, sans laquelle « il n’existe pas de résilience ».

« Nous devons être capables de mieux cartographier nos équipements stratégiques et d’en sécuriser toute la chaîne de valeur. En cas de conflit, je ne voudrais pas venir devant vous pour déplorer l’insuffisance de nos stocks de munitions, comme il en a été pour les masques dans de nombreux pays », a affimé le CEMAT devant les sénateurs. « Personne ne nous a empêchés de nous ravitailler en masques, si ce n’est la loi du marché. En cas de conflit, nos adversaires feraient tout pour nous empêcher de nous ravitailler en munitions et pièces de rechange », a-t-il insisté.

Photo : armée de Terre

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