Le Royaume-Uni va reprendre ses livraisons d’armes à l’Arabie Saoudite

Saisie par l’organisation non gouvernementale [ONG] « Campaign Against Arms Trade » [CAAT], la Cour d’appel de Londres avait demandé, l’an passé, au gouvernement britannique de reconsidérer la question des ventes d’armes à l’Arabie Saoudite, estimant que le processus de décision visant à accorder ou pas des licences d’exportation à Riyad était entaché d’une « erreur de droit ».

En effet, il était alors reproché aux autorités britanniques de pas avoir « évalué si la coalition dirigée par l’Arabie Saoudite avait commis des violations du droit international humanitaire » au Yémen et de n’avoir « fait aucune tentative pour le faire. »

Une « victoire » pour CAAT, au bout de quatre ans de procédure judiciaire. « Cet arrêt historique signifie que le gouvernement doit maintenant cesser de délivrer de nouvelles licences d’exportation d’armes, suspendre les licences existantes et revoir toutes les décisions d’exporter des armes vers l’Arabie saoudite » avait alors estimé l’ONG.

De son côté, tout en ayant fait part de son intention de faire appel, le gouvernement de Theresa May prit la décision de suspendre les ventes d’armes à l’Arabie Saoudite.

« Nous ne sommes pas d’accord avec le jugement et demanderons l’autorisation d’interjeter appel. […] Dans l’intervalle nous n’accorderons pas de nouvelles licences [de ventes d’armes] à l’Arabie saoudite et à ses partenaires de la coalition qui pourraient être utilisées dans le conflit au Yémen », avait alors annoncé Liam Fox, alors ministre du Commerce international.

Un an plus tard, et alors que l’industrie britannique doit faire face aux conséquences économiques de la pandémie de Covid-19 [et de celles du Brexit], le gouvernement de Boris Johnson a décidé de renouer avec les ventes d’armes destinées aux forces saoudiennes, en mettant en avant deux arguments.

Ainsi, Liz Truss, qui a succédé à Liam Fox, a indiqué que Londres venait d’achever un examen sur la manière dont les licences d’exportation étaient jusqu’alors accordées à Riyad afin de se conformer avec la décision de la cour d’Appel rendue en juin 2019. Par ailleurs, elle a fait valoir que si certains incidents ayant impliqué les forces saoudiennes avaient pu être considérées comme de « possibles » violations du droit international humanitaire [DIH], le gouvernement britannique les estime comme étant « isolés ».

« Il convient de noter, en particulier, que les incidents qui ont été considérés comme de possibles violations du DIH se sont produits à différents moments, dans différentes circonstances et pour différentes raisons. La conclusion est que ce sont des incidents isolés », a en effet écrit Mme Truss, dans une note adressée au Parlement britannique.

En outre, a encore expliqué la ministre britannique, Londres estime que Riyad a désormais la sincère intention et la capacité de se conformer au droit international humanitaire. » Aussi, a-t-elle continué, « il n’y a pas de risque évident que l’exportation d’armes et d’équipements militaires vers l’Arabie saoudite puisse être utilisé pour commettre une violation grave du DIH. »

D’où la décision de reprendre les ventes d’armes. « Le gouvernement va désormais commencer à rattraper le retard dans la délivrance des licences à l’Arabie Saoudite et à ses partenaires, qui s’est accumulé depuis le 20 juin de l’année dernière », a conclu Mme Truss… Alors que, dans le cadre d’un nouveau mécanisme pour punir les « violations des droits humains », Londres vient de sanctionner 20 ressortissants saoudiens soupçonnés d’être impliqués dans l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi, en octobre 2018, à Istanbul.

Au passage, des mesures similaires ont été prises à l’endroit de 25 citoyens Russes, accusés d’être impliqués dans la mort en détention du juriste Sergueï Magnitski, en 2009. D’ailleurs, Moscou a promis une riposte…

Ces sanction « envoient un message clair du peuple britannique à ceux qui ont du sang sur les mains, aux hommes de main des despotes, aux sbires des dictateurs : ils ne peuvent pas venir dans ce pays acheter des propriétés sur King’s Road, venir faire leurs achats de Noël à Knightsbridge ou siphonner leur argent sale via les banques britanniques », a fait valoir Dominic Raab, le patron du Foreign Office.

Quoi qu’il en soit, le CAAT a évidemment dénoncé la décision du gouvernement de Boris Johnson au sujet des ventes d’armes à l’Arabie Saoudite [et dont le total s’élève à 5,6 milliards d’euros depuis 2015]. « C’est une décision honteuse et sans aucune morale », a réagi l’ONG, qui dit examiner le dépôt d’un nouveau recours judiciaire.

Pour rappel, une coalition dirigée par l’Arabie saoudite intervient militairement au Yémen pour soutenir les forces du président Abdrabbo Mansour Hadi face aux rebelles Houthis, lesquels sont soutenus et armés par l’Iran [un point que le CAAT oublie de dénoncer, malgré les rapports de l’ONU…].

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