Le général Burkhard met en garde contre le « tout privé » pour la maintenance des véhicules de l’armée de Terre

En juillet 2018, un nouveau plan de Plan de transformation du maintien en condition opérationnelle Terrestre [MCO-T] a été dévoilé, avec l’objectif de permettre à l’armée de Terre de tenir l’ensemble de ses contrats opérationnels grâce à une disponibilité technique de ses véhicules de 70% sur le territoire national et de 90% en opérations extérieures.

Cette réforme consiste à établir un partenariat entre la Structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres [SIMMT], chargée de la maîtrise d’ouvrage, du service de la maintenance industrielle terrestre [SMITer], du Commandement de la maintenance des forces de l’armée de Terre [COM MF] et des industriels, ces dernier devant être impliqués dans le MCO des véhicules, dès la commande, à hauteur de 40% d’ici 2024/25 [contre 15% jusqu’alors].

Soulignant que le « bon fonctionnement des matériels, traduit en taux de disponibilité par rapport à l’hypothèse d’engagement opérationnel la plus importante en matière d’activité [activité opérationnelle, activités de préparation d’entraînement et de soutien associées], conditionne l’efficacité des forces », un rapport publié par le Sénat dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances initiale pour 2020, à l’automne dernier, a évoqué une évolution « constrastée » en matière de MCO-T.

« Si certains matériels, comme les avions de combat ou les systèmes sol-air moyenne portée connaissent des résultats satisfaisants, avec des taux de disponibilité supérieurs à la cible et/ou à la réalisation 2017, d’importants retards demeurent, s’agissant notamment des équipements de l’armée de terre. Ainsi, la disponibilité des véhicules blindés de combat d’infanterie [VBCI], fortement mobilisés en OPEX, aura perdu vingt points en 2020, un taux de disponibilité inférieur de 11 points à la cible », lit-on dans ce document.

Effectivement, les derniers chiffres relatifs à la disponibilité des équipements de l’armée de Terre confirment ce constat. S’agissant par exemple des VBCI, leur disponibilité est passée de 74% en 2016 à 58% en 2019. Dans le même temps, celle des Petits Véhicules Protégés [PVP] a progressé de 23 points, pour atteindre 54%.

Cela étant, une des difficultés de l’armée de Terre est qu’elle aura à faire cohabiter des véhicules de conception ancienne [VAB, AMX-10RC, etc] avec ceux du programme SCORPION [Griffon, Jaguar, Serval, etc] pendant un certain temps. Ce qui va l’obliger, explique le rapport du Sénat, à « préserver la double compétence de son personnel [avec l’effort de formation associé] tout en maintenant deux types de capacités industrielles. » Et elle aura également à « convaincre les industriels privés de soutenir les matériels en voie d’obsolescence. »

Quoi qu’il en soit, avec le confinement décidé pour contenir l’épidémie de Covid-19 et malgré des plans visant à poursuivre l’activité, la disponibilité de certains véhicules de l’armée de Terre a plongé. C’est en effet ce qu’a indiqué son chef d’état-major, le général Thierry Burkhard, aux parlementaires, à l’occasion de la présentation de la « Vision stratégique » qu’il vient d’élaborer.

« Cette crise nous apprend qu’il ne faut pas seulement viser l’efficience et qu’en cas de crise l’efficacité doit demeurer pour maintenir une capacité opérationnelle. Ainsi, à l’avenir, il faudra faire de la résilience un impératif premier, à combiner à celui de l’efficience. Le niveau d’efficience du temps de paix doit garantir la résilience du temps de crise », a estimé le CEMAT devant les députés. Pour schématiser, l’efficience, c’est l’efficacité au moindre coût.

Après rappelé que le plan de transformation du MCO-T prévoit de confier 40% de l’activité aux industriels privés et les 60% restants au MCO opérationnel [projetable] et MCO étatique, le général Burkhard a ainsi fait une mise en garde. « Attention toutefois au chant des sirènes du ‘tout privé’, qui a montré ses limites lors de la crise sanitaire », a-t-il dit lors de son audition à l’Assemblée.

« Par exemple, certains de nos véhicules tactiques, dont le MCO est confié à 100% à des concessionnaires privés, n’ont pas pu être réparés pendant deux mois en raison de l’arrêt de l’activité de ces mêmes concessionnaires », a expliqué le CEMAT. Dans le même temps, a-t-il continué, « l’entretien des 60 % confiés à la partie opérationnelle et à l’industrie étatique a été efficace, au point que le taux de disponibilité technique opérationnelle est aujourd’hui plus élevé qu’au début de la crise. »

« Nos mécaniciens militaires ont poursuivi le travail en puisant dans nos faibles réserves de pièces et nous arrivons à la fin de ces stocks : il faut les re-compléter au plus vite auprès des industriels », a enchaîné le général Burkhard. « C’est finalement maintenant que se joue la continuité du MCO et donc notre capacité de réaction en cas de nouvelle crise », a-t-il fait observer.

Au Sénat, le CEMAT a également abordé le problème du Maintien en condition opérationnel, qu’il soit terrestre ou aérien. « Se pose pose […] la question du niveau technologique et du coût de possession de nos matériels. Un juste équilibre doit être trouvé. Il ne faudrait pas que le coût du MCO augmente en proportion du budget de la défense car cela obèrerait notre capacité à nous entraîner », a-t-il dit.

« Il y a également un équilibre à trouver en matière de contractualisation du MCO. Nous avons verticalisé certains contrats de MCO ce qui a de très nombreux avantages. Toutefois, cela a un coût supplémentaire. Le risque pour l’armée de Terre est que ce coût entame le budget de la préparation opérationnelle, qui est déterminante. Il ne sert à rien d’investir dans du matériel, si nous n’entraînons pas nos hommes avec », a souligné le général Burkhard.

Et cette question est aussi déterminante pour la fidélisation du personnel, qui est un autre dossier important. « Un pilote de char Leclerc qui ne roule que 25 heures par an ne pourra pas être satisfait. Il faut lui donner les moyens de s’entraîner et notamment avec son matériel », a expliqué le général Burkhard.

Photo : armée de Terre

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