La Chine et l’Inde continuent de renforcer leurs troupes dans la région du Ladakh

L’Inde et la Chine n’ont jamais pu se mettre d’accord sur le tracé de leur frontière commune, appelée « Ligne de contrôle effectif » [LAC], instaurée après une guerre les ayant brièvement opposés en 1962. Deux secteurs sont principalement concernés : le plateau du Doklam et la région du Ladakh, en particulier la vallée de Galwan.

La tension est montée d’un cran, en mai dernier, quand l’Inde a accusé la Chine d’avoir déployé des troupes dans une zone qu’elle considère comme faisant partie de son territoire.

Alors que, sous couvert d’exercices, l’Armée populaire de libération [APL] était accusée par New Delhi de renforcer ses capacités militaires dans la région, un accord a été trouvé le 6 juin dernier par les deux parties. Ainsi, il a été convenu que les forces en présence devaient reculer de 2 à 2,5 km dans les secteurs les plus sensibles, dont la vallée de Galwan.

Seulement, dix jours plus tard, ayant reçu l’ordre de démanteler un campement de l’armée chinoise au Point de patrouille 14, conformément à l’accord négocié précédemment, une unité indienne en est venue littéralement aux mains avec des soldats chinois. Le bilan de cet incident n’a, à ce jour, pas pu être établi avec certitude.

Côté indien, il a été fait état de 20 tués, plusieurs soldats étant morts noyés après avoir été précipités dans la rivière Galwan. Quant à l’APL, elle n’a avancé aucun chiffre sur ses éventuelles pertes [un bilan officieux évoque 43 morts, ce qui ne peut pas être confirmé]. Après cet incident, le plus grave survenu entre les deux géants asiatiques depuis 1975, et même si l’un a cherché à en faire porter la chapeau à l’autre [et vice-versa], New Delhi et Pékin ont joué la carte de l’apaisement. Du moins en apparence.

Si, le 22 juin, les chefs militaires indiens et chinois ont trouvé un nouvel accord, sur les mêmes bases de ce qui avait été convenu trois semaines plus tôt, c’est à dire prévoyant un désengagement mutuel de toutes les zones de tension dans la région du Ladakh.

« Les deux parties ont eu un échange de vues franc et approfondi sur la question importante du contrôle actuel des frontières et sont convenues de prendre les mesures nécessaires pour calmer la situation », a ainsi assuré Zhao Lijian, le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères.

Pourtant, le même jour, l’imagerie satellitaire, fournie par l’entreprise américaine Maxar Technologies, a permis de constater la mise en place récente d’un important camp militaire chinois important situé à un endroit où la rivière Galwan forme un coude, où a eu lieu précisément l’incident du 15 juin dernier. Or, ces nouvelles installations édifiées par l’APL se trouveraient en territoire indien, comme l’a prétendu Anurag Srivastava, le porte-parole du ministère indien des Affaires étrangères.

« Les images satellite de la vallée de la Galwan prises le 22 juin montrent que ‘désengagement’ n’est pas vraiment le terme que le gouvernement indien devrait employer », a par ailleurs commenté Nathan Ruser, analyste à l’Australian Strategic Policy Institute, via Twitter.

Sollicité par l’agence Reuters, le général Deepak Kapoor, ex-chef d’état-major de l’armée indienne, a parlé d’un « déficit de confiance en ce qui concerne les Chinois ». Et d’ajouter : « Donc, s’ils nous disent verbalement qu’ils sont prêts à reculer, nous devons attendre de le vérifier sur le terrain. D’ici là, les forces armées doivent se tenir en alerte ». « Tout ce que dit la Chine désormais ne peut être pris pour argent comptant. Espérons que l’Inde a retenu la leçon maintenant », a enchéri Harsh Pant, analyste à l’Observer Research Foundation de New Delhi, cité par l’AFP.

Reste que, si, pour les moment, les diplomates ont « plutôt pris le pas sur les hommes d’action », l’Inde et la Chine continuent d’envoyer des renforts de part et d’autre de la LAC.

« Les deux parties restent déployées en grand nombre dans la région », a confirmé M. Srivastava, le 25 juin. « Au cœur du problème est le fait que depuis début mai la partie chinoise a amassé un gros contingent de soldats et d’armements le long » de la LAC, a-t-il expliqué. Or, a-t-il ajouté, « cela n’est pas conforme aux dispositions de nos divers accords bilatéraux », comme celui de 1993 qui stipule que la Chine et l’Inde doivent maintenir des contingents aux effectifs limités de part et d’autre de leur frontière.

Selon des sources locales, les effectifs militaires indiens déployés dans la région auraient atteint le seuil des 36.000 militaires. « Grâce aux renforts, nous avons désormais une bonne force présente dans la zone », a assuré un responsable du Commandement du Nord de l’armée indienne, auprès de l’AFP.

Cela étant, et même si la situation demeure tendue, avec un gouvernement indien sous la pression de son opinion publique et d’ appels au boycott de l’économie chinoise, le risque d’une conflit à grande échelle serait a priori limité. C’est, en tout cas, ce que pense le général Deepak Kapoor. En effet, selon lui, le scénarion le plus probable est de voir à nouveau se produire de nouvelles escarmouches, du même ordre que celle du 15 juin dernier. Cependant, a-t-il ajouté, « je crois que les forces armées du pays sont prêtes à toute éventualité et nous ne ferons pas de sieste dans aucun de ces secteurs [contestés] ».

Photo : Indian Army

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