Le compte n’y est toujours pas pour le Fonds européen de Défense

Avant la crise liée à l’épidémie de Covid-19, les 27 États membres de l’Union européenne [UE] peinaient à se mettre d’accord sur le Cadre financier pluriannuel [CFP] 2021-27, c’est à dire sur le budget de l’Union européenne pour cette période.

Initalement, la Commission européenne avait proposé une enveloppe globale dotée de 1.105 milliards d’euros, ce qui supposait une contribution des États membres équivalente à 1,11% de leur revenu national brut [RNB]. Et il était question d’utiliser une partie de cette somme pour financer, entre autres, le Fonds européen de défense [FEDef], à hauteur de 13 milliards d’euros, afin de renforcer de l’autonomie stratégique de l’UE en favorisant l’innovation technologique et les projets industriels menés en coopération.

Seulement, plusieurs pays, dont l’Autriche, les Pays-Bas, le Danemark et la Suède [sans oublier l’Allemagne], refusèrent de revoir à la hausse leur contribution au budget européen. Aussi, en décembre 2019, la Finlande mit un projet alternatif sur la table… Avec une réduction de 50% du montant jusqu’alors prévu par le FEDef. Or, pour Paris, réduire la dotation de ce fonds était une ligne rouge à ne pas franchir.

Les négociations menées en février ne donnèrent rien. Puis survint l’épidémie de Covid-19, avec toutes les conséquences économiques que l’on sait. Conséquences qui ont fait « sauter » les règles budgétaires et fait apparaître la nécessité d’un plan de relance au niveau européen.

Le 11 mai dernier, lors d’une audition à l’Assemblée nationale, la ministre des Armées, Florence Parly, avait déclaré que l’occasion « de tester les ambitions des Européens » serait donnée « lorsque le cadre financier pluriannuel sera à nouveau discuté et le budget du Fonds européen de la défense arrêté. » Et d’ajouter : « Selon moi, il est absolument nécessaire de préserver les moyens initialement envisagés, de l’ordre de 13 milliards. Revoir nos ambitions à la baisse serait une faute. »

Or, deux semaines plus tard, la Commission européenne a présenté un nouvel « instrument de relance », appelé Next Generation EU et doté de 750 milliards d’euros. Sous réserve qu’il soit validé par les 27 États membres, il sera adossé au CFP 2011-27. Étant donné la forte pression pour dénouer les cordons de la bourse, on pouvait penser que la question du montant devant être alloué au FEDef allait être réglée… Erreur!

Lors d’une nouvelle audition à l’Assemblée, le 4 juin, Mme Parly a rappelé que le « Fonds européen de défense était une priorité pour notre pays dès avant la crise sanitaire », avec l’objectif de le porter à 13 milliards d’euros. « La présidence finlandaise avait proposé de réduire l’enveloppe de moitié, ce qui n’était pas acceptable. Depuis, nous avons repris les discussions, et les crédits ont été significativement majorés, à hauteur de 9 milliards », a-t-elle poursuivi.

Et d’ajouter : « Toutefois, je ne considère pas que nous ayons dit notre dernier mot. La crise que nous avons traversée montre que la souveraineté ne doit pas être un vain mot. Ce n’est donc pas le moment d’en rabattre sur nos ambitions en matière de souveraineté européenne et industrielle. Les discussions se poursuivent. »

Visiblement, il y a encore beaucoup de chemin à faire, comme l’ont souligné les sénateurs Hélène Conway-Mouret, Ronan Le Gleut et Joël Guerriau, lors d’une séance de la commission des Affaires étrangères et des Forces armées, le 10 juin.

« La crise du coronavirus a en effet mis l’accent sur l’idée d’autonomie stratégique, qui ne fait plus guère débat, du moins en France. Les enjeux sanitaires ne doivent toutefois pas nous faire perdre de vue ceux de la défense européenne », a déclaré Mme Conway-Mouret.

« Nous avions été déçus de la proposition de la présidence finlandaise, fin 2019, réduisant de moitié le montant initialement envisagé pour le Fonds européen de la défense. Où en est-on ? La Commission a publié une nouvelle proposition de cadre financier pluriannuel le 27 mai, comprenant un plan de relance de 750 milliards d’euros. Ce CFP dote le FEDef de 8 Mds€ et la mobilité militaire d’ 1,5 Md€ [contre près de 6 Mds€ dans la proposition initiale]. La Facilité européenne de paix, qui doit servir à financer le volet opérationnel de la PSDC [politique de sécurité et de défense commune], est elle aussi en baisse », a ainsi développé la sénatrice.

Aussi, a estimé cette dernière, le « risque est grand que la défense ne subisse encore des pressions dans la dernière phase de la négociation » et « nous devons donc rester très attentifs, pour renforcer notre capacité à répondre aux crises de demain. »

Cela étant, il reste à voir l’effet qu’aura la lettre ouverte récemment publiée par Mme Parly avec trois de ses homologues européens [à savoir , Lorenzo Guerini pour l’Italie, Annegret Kramp-Karrenbauer pour l’Allemagne et Margarita Robles Fernández pour l’Espagne].

« Nous plaidons donc en faveur d’un budget ambitieux en tant que priorité dans le domaine de la défense et d’une adoption rapide du FEDef, dans le plein respect des discussions sur le cadre financier pluriannuel. Le FEDef contribuera à soutenir l’économie européenne et la BITDE, en particulier les petites et moyennes entreprises [PME]. Une coopération incitative permet de tirer parti des synergies et d’une allocation plus efficace des ressources », était-il affirmé dans ce texte.

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