L’Inde est préoccupée par les nouveaux renforts et les manoeuvres de l’armée chinoise près de sa frontière

La question du tracé de leurs frontières respectives n’ayant pas été tranché à ce jour, l’Inde et la Chine connaissent régulièrement des périodes de tensions dans l’Himalaya, émaillées d’incidents limités entre leurs forces armées, déployées à proximité de la « Ligne de contrôle effectif » [LAC, encore appelée « Ligne Mac Mahon »]. En 1962, ces différents territoriaux ont donné lieu à un bref conflit, qui tourna à l’avantage de l’Armée populaire de libération [APL]. Qu’en serait-il actuellement si cela devait se reproduire à nouveau?

Une récente étude du Belfer Center for Science and International Affairs, qui relève de l’Université de Havard [États-Unis] a tenté de répondre à cette question en examinant les forces en présence, en se basant sur des informations obtenues par des sources ouvertes et des entretiens avec des experts chinois, indiens et américains. L’une des limites de ce rapport est qu’il s’attarde davantage sur les aspects quantitatifs et que qualitatifs. En clair, il s’intéresse plus au volume des troupes qui se font face le long que de la LAC qu’aux capacités qu’elles sont susceptibles de mobiliser.

Sur le plan conventionnel, les forces indiennes disposent de 225.000 militaires dans le secteur concerné, dont un brigade de chars T-72, un régiment de missiles de croisière Brahmos et de 270 avions de combats, dont 68 dédiés à l’attaque au sol. Ces « forces sont toutes déployées en permanence près de la frontière, ce qui raccourcit leur temps de mobilisation et limite les perspectives d’une avancée chinoise », estime l’étude.

Côté chinois, les forces terrestres engagées sont numériquement équivalentes, avec 200.000 à 230.000 soldats. « Cependant, cette quasi-équivalence apparente avec leurs homologues indiennes est trompeuse car dans le cas d’une guerre contre l’Inde, une proportion importante de ces forces sera indisponible », estime cette étude, en évoquant les troupes nécessaires pour lutter contre les mouvements insurrectionnels au Xinjiang et au Tibet.

En outre, poursuit-elle, ces forces sont en majorité « situées loin de la frontière indienne, ce qui présente un contraste frappant avec les troupes indiennes présentes dans la région, lesquelles n’ont pour mission que celle d’assurer la défense contre la Chine ».

Au niveau aérien, l’APL ne compterait que 157 avions de combat et un « arsenal de drones » d’attaque, de reconnaissance et de guerre électronique. Le tout se répartissant entre 8 bases aériennes [dont des aéroports civils pouvant être réquisitionnés en cas de guerre]. En outre, souligne l’étude du Belfer Center, l’avantage irait à l’Inde dans ce domaine. « Des évaluations faisant autorité soutiennent que le chasseur chinois J-10 est techniquement comparable au Mirage 2000 indien [de facture française, ndlr]. Mais le Su-30 MKI indien [de conception russe, ndlr] est supérieur à tous les chasseurs chinois présents sur ce théâtre, y compris le J-11 et le Su-27 ».

Depuis la publication de cette étude, la situation s’est de nouveau tendue entre l’Inde et la Chine, en particulier dans la région du Ladakh, notamment au niveau de la vallée de Galwan. Et Pékin y a renforcé ses positions militaires, avec le l’envoi d’importants moyens d’artillerie ainsi que des chars et de l’infanterie mécanisée.

Le 6 juin, le général indien Harinder Singh, commandant du 14e Corps basé à Leh a recontré le général chinois Liu Lin, le chef de la région militaire du Xinjiang pour évoquer la situation, étant donné que New Delhi et Pékin avaient affiché leur volonté de normaliser la situation de façon pacifique. À l’issue de cette réunion, les forces des deux pays ont reculé de 2 à 2,5 km au niveau des points les plus sensibles. Mais, dans le même temps, les médias chinois ont communiqué au sujet de vastes manoeuvres aéroportées dans le nord ouest de la Chine, depuis la région de Hubei, qui fut récemment l’épicentre de la pandémie de Covid-19.

« Une brigade aéroportée de la composante aérienne de l’APL, composée de milliers de parachutistes, a récemment manœuvré depuis la province du Hubei, en Chine centrale, vers un lieu tenu secret dans les plateaux du nord-ouest de la Chine en quelques heures », a ainsi indiqué le quotidien Global Times, qui suit la ligne du Parti communiste chinois. Des compagnies aériennes civiles ont même été sollicitées.

Avant cet exercice, une brigade du 74e groupe d’armée du commandement sud-ouest de l’APL avait été également « projetée » dans le nord-ouest du pays depuis la province du Guangdong. « Les troupes y ont effectué une série de tirs réels d’artillerie », a rapporté le Global Times. Même chose pour une brigade du 76e groupe d’armée, relabvant du commandent « Ouest ».

Évidemment, à New Delhi, ces mouvements de troupes inquiètent. « Ce déploiement chinois, qui comprend 10.000 soldats dans ainsi que de l’artillerie lourde, des régiments de chars et des escadrons de chasseurs-bombardiers, est le principal sujet de préoccupation. Cette accumulation doit cesser et les troupes doivent être retirées par l’Armée populaire de libération afin de mettre fin aux tensions sur la ligne actuelle de contrôle », ont déclaré des sources gouvernementales indiennes à India Today.

De son côté, le quotidien Times of India confirme cette préoccupation… tout en relevant que les forces indiennes avaient également envoyé 10.000 soldats dans le secteur du Ladakh.

Cette question doit être abordée à l’occasion de nouvelles discussions, qui doivent commencer ce 10 juin. Mais, pour le centre de réflexion américain Carnegie Endowment for International Peace, peu importe leur issue : « la nouvelle infrastructure a créée [par la Chine] survivra probablement comme un atout prêt à être éventuellement utilisé à l’avenir », a-t-il estimé dans une étude publiée le 4 juin.

Quoi qu’il en soit, a-t-il continué, « la crise actuelle qui se déroule le long de LAC semble à un certain niveau être la continuation des tendances observées au cours des années précédentes. Mais cette fois, il y a une différence importante : contrairement aux affrontements discrets et géographiquement localisés du passé, les derniers accrochages ont lieu à plusieurs endroits le long de la LAC, au Ladakh dans la partie orientale du Jammu-et-Cachemire, ce qui suggère un degré élevé préméditation et une approbation des activités militaires depuis le somment de l’État ». Et d’ajouter : « L’agressivité de la Chine dans le haut Himalaya est qualitativement différente des autres développements illustrant une affirmation accrue de Pékin », comme en mer de Chine de Chine méridionale ou à l’égard de Taïwan et de Hong Kong.

Photo : Par Defense Dept. photo by U.S. Air Force Staff Sgt. D. Myles Cullen — image Image description on www.defense.gov, Domaine public, Lien

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