A330, Caracal, drones : Le ministère des Armées anticipe certaines commandes pour soutenir la filière aéronautique

Ce 9 juin, et aux côtés de Florence Parly [Armées], Elisabeth Borne [Transition écologique] et Jean-Baptiste Djebbari [Transports], le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, a présenté un plan doté de 15 milliards d’euros afin de soutenir le secteur aéronautique français, lourdement impacté par l’épidémie de Covid-19, laquelle a provoqué un effondrement du trafic aérien. Ce dernier pourrait mettre un deux à trois ans pour s’en remettre, avec pour conséquence une chute des commandes de nouveaux appareils.

« Nous décrétons ce matin l’état d’urgence dans le domaine de l’aéronautique. Si nous ne faisons rien, ce sont 100.000 emplois qui sont menacés dans les six mois », a fait valoir M. Le Maire, avec des « compétences rares qui mettront une génération à être renouvelées ». « La crise sanitaire a mis un coup d’arrêt à la croissance du secteur aéronautique. Nous devons à tout prix éviter un décrochage de notre industrie face à la Chine et aux États-Unis », a-t-il ajouté.

Dans le détail, Air France/KLM va se tailler la part du lion, avec une aide, déjà annoncée, de 7 milliards d’euros, sous forme de prêts directs ou de prêts bancaires garantis.

S’agissant de la filière industrielle et afin d' »accélérer la transformation des PME et des entreprises de taille intermédiaires », l’État et les grands groupes du secteur sont convenus de créer un fonds d’investissement doté, dans un premier temps de 500 millions d’euros, puis, à terme d’un milliards d’euros.

Ainsi, ce fonds sera abondé par l’État, via Bpifrance [200 millions], les industriels [Airbus, Dassault Aviation, Safran et Thales], à hauteur de 200 millions. Et au moins 100 millions d’euros seront apportés par le gestionnaire de ce fonds, qui sera désigné à l’issue d’un appel d’offres.

Un second fonds sera mis en place avec 300 millions de « de dépenses publiques directes sur trois ans » pour moderniser les outils de production des PME et ETI, en insistant notamment sur la robotisation et la numérisation [usine 4.0].

Un autre objectif de ce plan est d’accélérer la transition énergétique. « Nous nous fixons un objectif très concrêt et très ambitieux : un avion neutre en carbone en 2035 et plus en 2050. Il sera produit notamment grâce au recours à l’hydrogène. La France doit être le pays d’Europe où se concevront les avions de demain », a indiqué M. Le Maire. Pour cela, 1,5 milliards seront investis en recherche et développement [R&D] afin de préparer les prochaines générations d’aéronefs. « C’est une accélération de 10 ans par rapport aux objectifs initiaux de la filière. Cela nous permettra de fixer les nouveaux standards mondiaux de l’avion bas carbone », a commenté la ministre de la Transition écologique.

De par son statut de premier investisseur de l’État, le ministère des Armées est évidemment concerné par ce plan de relance : dans le cadre de la Loi de programmation militaire 2019-25, les programmes liés à l’aéronautique représentent 19 milliards d’euros… et autant en termes de maintien en condition opérationnelle [MCO].

« Les investissements annuels dans les programmes vont passer de 2 milliards en 2019, à 3,5 milliards en 2025, dont 2 milliards d’euros pour l’aviation de combat », a ainsi rappelé Florence Parly. « Ces commandes répondent à des besoins impérieux de nos armées » et « chacune de ces commandes, ce sont des emplois français non-délocalisables, ce sont des territoires qui vivent, ce sont des régions fières de leur savoir-faire. Et c’est, au fond, notre souveraineté qui est en jeu », a-t-elle insisté.

Pour soutenir la filière aéronautique française, le ministère des Armées va donc accélérer certaines commandes pour un montant de 600 millions d’euros afin d’alimenter le plan de charge des entreprises les plus en difficultés. Mais sans argent nouveau puisqu’elles seront financées par des reports de livraison dus au retard pris par  certains industriels en raison de la crise sanitaire.

« Nous avons dégagé des marges de manoeuvre pour avancer des commandes qui étaient prévues ultérieurement dans la programmation militaire », a en effet expliqué la ministre.

Ainsi, le chef d’état-major de l’armée de l’Air [CEMAA], le général Philippe Lavigne, sera certainement satisfait, les propositions qu’il avait avancées lors d’une audition à l’Assemblée nationale ayant été retenues, comme la commande anticipée de trois avions A330 qui seront « transformés postérieurement à la LPM en MRTT, c’est-à-dire des avion ravitailleurs Phoenix », a annoncé Mme Parly. Ces appareils remplaceront les A310 et A340 vieillissants.

Ensuite, et alors que le général Lavigne ne cesse d’insister sur la vétusté des hélicoptères Puma, qui affichent 40 ans de service, la ministre a annoncé la commande de 8 H225M Caracal. « Initialement les Puma devaient rester en service jusqu’en 2028, mais nous avons, compte tenu des circonstances, fait le choix de commencer leur remplacement dès 2023. Ceci qui permettra de doter l’armée de l’Air de matériels neufs et de faire des économies sur le fonctionnement », a-t-elle justifié.

Sur ce point, l’armée de l’Air avait récemment un appel d’offres portant sur la location de 12 à 20 hélicoptères EC-225 Super Puma afin de remplacer ses Puma. On ignore, à ce stade, ce que va devenir cette procédure.

En revanche, rien n’a été annoncé au sujet de l’aviation de combat, dont la modernistation avait été qualifiée par le général Lavigne, de « primordiale » en raison d’un « un environnement où les menaces et les défenses sont de plus en plus complexes. » Et le CEMAA d’ajouter : « Je pense en particulier au Rafale en remplacement accéléré de nos flottes anciennes dont certaines sont déjà à bout de souffle. »

En outre, 100 millions d’euros seront « réservés pour la réalisation d’un avion léger de surveillance et de reconnaissance [ALSR], et de drones au profit de la Marine nationale, des drones qui seront commandés directement à nos PME. L’ensemble de ces commandes répond à un besoin opérationnel existant », a indiqué Mme Parly.

Ces deux points méritent quelques explications. Selon la LPM 2019-25, l’armée de l’Air doit être dotée de deux ALSR d’ici 2025, et de six autres de plus d’ici 2030. Les deux premiers appareils sont des Beechcraft King Air 350 équipés de capteurs par Thales et Sabena Technics. La commande avait été notifiée en 2016 et le premier avion doit être livré prochainement.

Quant aux drones destinés à la Marine nationale, il existe déjà le programme SDAM [Système de Drone Aérien pour la Marine], qui, confié à Airbus et Naval Group, vise à développer un appareil tactique embarqué reposant sur l’hélicoptère civil léger Cabri G2/VSR-700 de la PME française Guimbal.

Destinés aux frégates de premier rang et aux porte-hélicoptères amphibies de type Mistral, le SDAM doit faire l’objet d’une démonstration en mer en 2021, avec des livraisons attendues en 2027. « Les industriels se mettent en ordre de bataille pour réduire ce délai si l’État en exprime le souhait », a cependant fait valoir Naval Group. Cela étant, ce dernier indique également se préparer « pour le futur système de mini-drone pour la Marine [SMDM], devant équiper une grande partie des bâtiments, y compris ceux qui n’ont pas de plateforme hélicoptère. » Sans doute que c’est à ce programme que Mme Parly a fait allusion.

Quoi qu’il en soit, selon la ministre, « l’ensemble de ces commandes répond à un besoin opérationnel existant de nos forces armées : nous allons simplement aller plus vite » et « cette anticipation nous permettra de sauvegarder plus de 1.200 emplois pendant 3 ans, et cela, partout en France. Ces commandes bénéficieront pour moitié aux sous-traitants des grands industriels. »

Par ailleurs, a aussi affirmé Mme Parly, « nous avons pris l’engagement de faciliter et d’accélérer les paiements vers les grands maîtres d’œuvres. » Aussi, a-t-elle prévenu, « chaque euro versé par le ministère des Armées doit être immédiatement répercuté vers la chaîne de sous-traitance. » Et d’insister : « J’attends également de nos partenaires industriels qu’ils proposent des prix justes. L’heure n’est pas au profit, il est au maintien de l’emploi. Et j’y veillerai. »

Enfin, un second levier utilisé par le ministère des Armées sera le fonds d’investissement Definvest, appelé à interagir avec le fonds dont la création a été annoncée par M. Le Maire.

« Nous travaillons donc au doublement du fonds d’investissement Definvest pour passer de 50 à 100 millions d’euros sur une période de 5 ans. 100 millions d’euros pour sauvegarder des sociétés d’intérêt stratégique pour notre défense par des dotations en capital. Le fonds Definvest agira bien sûr en lien très étroit avec le fond dont la création a été annoncée ce matin même », a conclu Mme Parly.

Photo : armée de l’Air

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