Malgré la pression mise sur les industriels, le projet de drone MALE européen est toujours dans l’impasse

Le drone MALE [Moyenne Altitude Longue Endurance] européen appelé « Eurodrone » [ou RPAS 2020] va-t-il connaître un sort identique que le Talarion et le Telemos, deux projets abandonnés faute d’accord entre les industriels et les États clients?

Pour rappel, piqués au vif par la décision de plusieurs pays européens – dont la France – de se procurer des drones MALE [Moyenne Altitude Longue Endurance] MQ-9 Reaper, Airbus, Dassault Aviation et Leonardo s’associèrent pour porter le projet MALE RPAS. Puis, en 2016, l’Organisation Conjointe de Coopération en matière d’ARmement [OCCAr] notifia à ces trois industriels un contrat relatif à l’étude de définition de ce futur appareil d’une valeur de 60 millions, avec l’objectif d’un premier vol en 2023 et d’une livraison des premiers systèmes deux ans plus tard.

Ayant mis le plus d’argent sur la table par rapport à la France, l’Italie et l’Espagne, l’Allemagne avait dès le départ le meilleur jeu pour imposer ses vues dans ce programme. Aussi, il fut décidé que ce drone européen serait doté de deux turbopropulseurs qu’il afficherait la masse imposante de 10 tonnes. Ce qui n’est pas sans conséquence sur le prix, qu’il soit d’achat et d’entretien.

Ce qui posa la question de savoir si cet appareil allait effectivement répondre aux besoins des forces françaises, pour lesquelles la Loi de programmation militaire 2019-25 prévoit de commander 6 systèmes Eurodrone composés chacun de trois vecteurs aériens ainsi que deux stations sol.

« Le pari consiste donc à parvenir à la satisfaction d’un besoin militaire partagé, à un coût susceptible de créer un marché », avait d’ailleurs souligné un rapport publié par le Sénat.

Seulement, ce pari n’est pas bien engagé… Lors du Salon de l’aéronautique et de l’espace du Bourget, en juin 2019, la ministre française des Armées, Florence Parly, avait mis la pression sur les industriels.

« Beaucoup a déjà été fait. Mais – et les industriels le savent – je veux leur dire que ce programme ne pourra aller au bout que si le drone qu’ils proposent est compétitif. C’est une question non seulement pour les acheteurs déjà en lice, je veux parler de la France, de l’Allemagne, de l’Espagne et de l’Italie, mais également pour les futurs clients export », avait en effet lancé Mme Parly, assurant dans le même temps que ce projet lui « tenait à coeur » car il symbolise toute l’autonomie stratégique que nous souhaitons acquérir, et dont nous avons un impérieux besoin pour nos opérations. »

Cela étant, Mme Parly avait aussi dit espérer un compromis d’ici la fin de l’année 2019. Compromis qui n’aura pas été trouvé… Et pour cause : les quatre États clients étaient prêts à débourser 7,1 milliards d’euros pour ce programme… Or, la note présentée par les industriels s’élevait à plus de 9 milliards.

Or, puis, malgré des discussions « viriles » évoquées par Joël Barre, le Délégué général pour l’armement [DGA], aucune avancée ne fut constatée dans le délai espéré par la ministre. En janvier, interrogée sur les ondes de France Inter, Mme Parly revint à la charge, expliquant que la « balle était dans le camp des industriels »…

Six mois plus tard, et un an après le salon du Bourget, le dossier n’a pas évolué d’un iota. Lors d’une audition devant la commission de la Défense, à l’Assemblée nationale, le 4 juin, Mme Parly a brièvement évoqué le sujet. « Sur l’Eurodrone, c’est un projet de coopération européen important qui doit permettre de répondre à un besoin capacitaire avéré », a-t-elle commencé par rappeler.

Or, a continué la ministre, « nous avons fixé des objectifs, des spécifications techniques et des performances qui doivent être atteints dans le cadre d’une enveloppe de 7,1 milliards. Et, aujourd’hui, nous n’y sommes pas encore. Nous n’avons pas la certitude absolue que, à l’intérieur de cette enveloppe, l’ensemble des capacités et performances techniques seront garanties ».

Et d’insister : « Tant que je n’aurai pas cette garantie sur l’atteinte des performances visées par nos forces, eh bien nous devons poursuivre les discussions avec les industriels. C’est un message que je leur ai très clairement adressé et répété ».

Dans ses lettres à Lucilius, Sénèque a écrit : « Il n’y a point de vent favorable pour celui qui ne sait dans quel port il veut arriver ». Et c’est sans doute le problème de l’Eurodrone, qui doit conjuguer des besoins opérationnels différents. « Les discussions avec nos partenaires allemands sont complexes. Ils n’ont pas les mêmes besoins que nous : eux entendent surveiller leur territoire, tandis que nous sommes engagés à l’extérieur », avait d’ailleurs déjà souligné le sénateur Cédric Perrin, lors d’une audition du DGA, en 2017.

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