Eurofighter, avions d’entraînement M346, FREMM, patrouilleurs… L’Égypte veut faire son marché en Italie

Après la vente de 24 Rafale [armement compris], quatre corvettes Gowind 2500 [plus deux autres en option], une FREMM et les deux Batîments de projection et de commandement [BPC] initialement destinés à la Russie, la France a visiblement perdu la main en Égypte. Et la perspective d’une nouvelle commande de 12 Rafale semble s’être évaporée…

Les échanges tendus entre le président Macron et Abdel Fattah al-Sissi, son homologue égyptien, au sujet des droits de l’Homme, en janvier 2019, sont peut-être une des clés pour comprendre cette désaffection à l’endroit des équipements militaires français.

Pour rappel, M. Macron ayant notamment évoqué les « emprisonnements de journalistes et de blogueurs » qui « n’allaient pas dans la bonne direction » tout en étant susceptibles « d’abîmer l’image de l’Égypte », le président égyptien avait répondu d’une manière cinglante. « L’Égypte ne compte pas sur ses blogueurs pour ses réformes économiques et religieuses, mais sur sa persévérance », avait-il dit. « J’ai été élu, je ne suis là que par la volonté du peuple et, si les Égyptiens ne veulent plus de moi, je partirai », avait-il répété à plusieurs reprises.

D’après La Tribune, cet échange aurait eu pour conséquence la fin de la relation privilégiée qu’entretenait l’Égypte avec la France dans le domaine de l’armement. Et, l’artisan des ventes d’armes signées en 2015, Jean-Yves Le Drian, désormais ministre des Affaires étrangères, n’a rien pu faire pour recoller les morceaux.

Cela étant, cette « relation privilégiée » battait de l’aile avant la visite de M. Macron au Caire. En septembre 2018, l’allemand ThyssenKrupp Marine Systems avait en effet décroché, auprès du ministère égyptien de la Défense, une commande portant sur quatre frégates MEKO A200. Et, dans le même temps, la cérémonie marquant la mise à l’eau de la première des trois corvettes Gowind 2500 devant être construites en Égypte fut snobée par le président al-Sissi ainsi que par Mohamed Zaki, alors ministre de la Défense.

Puis, dans le domaine de l’aviation de combat, l’Égypte avait commandé, en mars 2018, des avions Su-35 Flanker E auprès de la Russie.

Mais l’appétit de l’Égypte en matière d’armement peine à être rassasié si l’on en croit les informations récemment publiées par le quotidien italien La Repubblica.

Depuis quelques semaines, il est question de la vente de deux FREMM italiennes [plus imposantes que les françaises] à l’Égypte, à savoir les Spartaco Schergat et Emilio Bianchi, c’est à dire deux navires initialement destinés à la Marina Militare. Le feu vert à la transaction aurait été donné, selon la presse transalpine…

Mais, au-delà de cette commande, La Repubblica affirme que Le Caire entend se procurer quatre autres FREMM et 20 patrouilleurs… ainsi que 24 chasseurs-bombardiers Eurofighter Typhoon et 24 avions d’entraînement M-346. Pour Rome, ce serait le « contrat du siècle ».

Cette commande, si elle se finalise, viendrait après celle passée en avril 2019 par l’Égypte auprès de Leonardo et portant sur une vingtaine d’hélicoptères AW-149, aux dépens d’Airbus Helicopters, qui avait défendu la candidature du NH-90 NFH [version marine].

Cependant, ce « contrat du siècle » qui se profile ne va pas sans susciter quelques remous. D’abord au sein de la Marina Militaire, qui ne voit pas d’un bon oeil la perspective de voir les deux FREMM qu’elle attendait lui échapper pour prendre la direction de l’Égypte. Politiques ensuite, en raison de l’implication présumée des autorités égyptiennes dans la disparition de Giulo Regeni, un étudiant italien enlevé, torturé et assassiné au Caire, en février 2016.

Par ailleurs, cette fièvre acheteuse égyptienne interroge. Multiplier les fournisseurs peut se comprendre quand on souhaite diversifier ses approvisionnements… Mais s’agissant de la logistique et de la formation des personnels, faire cohabiter autant de systèmes différents n’est pas la chose la plus pertinente qui soit. En outre, il y a la question du financement.

Pour Le Caire, il faudra trouver au moins 10 milliards d’euros pour payer les factures. Cela étant, selon le rapport « The Global Growth Projections », l’Université de Havard estime que l’Égypte sera parmi les trois premiers pays qui connaîtront la plus forte croissance économique au monde d’ici 2026. Mais ce ne sont là que des projections… qui plus est faites avant la crise provoquée par la pandémie de Covid-19.

Enfin, cette « lune de miel » entre l’Égypte et l’Italie peut surprendre dans la mesure où les intérêts stratégiques de ces deux pays ne coïncident pas forcément, comme c’est le cas, par exemple, en Libye, où le premier soutient l’Armée nationale libyenne du Maréchal Haftar quand le second reste favorable au Gouvernement d’union nationale [GNA].

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