L’armée de Terre expérimente la réalité virtuelle pour préparer ses missions

« Un bon croquis vaut mieux qu’un long discours », disait Napoléon Ier. Et, pour préparer leurs missions, les unités de l’armée de Terre organisent un « briefing » en utilisant ce que l’on appelle une « caisse à sable », laquelle permet de synthétiser les données physiques du terrain, les informations utiles et la situation tactique avant de partir en opération, avec des maquettes, figurines, bouts de bois, etc.

La « caisse à sable » est donc un outil simple qui a cependant quelques limites, dans la mesure où, désormais, une opération est susceptible de mobiliser plusieurs capacités [infanterie, génie, logistique, artillerie, aviation légère, etc] dont il faut coordonner l’action. Ce qui suppose, pour préparer une mission, de mettre l’accent sur le travail collaboratif afin de prendre en compte les points de vue de l’ensemble des acteurs, chaque spécialité pouvant avoir une vision différente sur la manoeuvre à effectuer.

D’où le recours à la réalité virtuelle, qui permet de se plonger dans un monde artificiel créé numériquement. Lors du dernier salon de l’armement terrestre de Satory, en juin 2018, Airbus Defence & Space avait présenté l’Holographic Tactical Sandbox, reposant sur des casques Microsoft HoloLens.

« Dix intervenants portant chacun un casque peuvent être briefés en brigade en même temps que dix autres en centre de commandement », avait expliqué François Lebeaupin, responsable d’Airbus DS, à l’époque.

Mais c’est la solution « Virtual Map » de Thales qui a été retenue par le Battle Lab Terre pour évaluer un « poste de commandement virtuel autour d’une carte en 3D ». Selon l’Agence de l’Innovation de Défense [AID], cette expérimentation devait permettre de vérifier les promesses d’une telle technologie et de déterminer si un environnement virtuel pouvait être toléré par le plus grand nombre, s’il était possible de garder les fonctionnalités « historiques » de la caisse à sable tout en identifiant les nouvelles apportées par ces « rupture technologique ».

« Les technologies de réalité virtuelle sont en plein essor […]. Elles permettent aux utilisateurs d’être immergés pleinement dans une scène virtuelle et les domaines d’application sont de plus en plus vastes, y compris dans le domaine militaire. Pour ce dernier, deux phases d’application se portent très bien à l’intérêt de cette technologie puisque le principe de la collaboration prime : la préparation et le suivi de mission », résume l’AID.

L’expérimentation réalisée par l’armée de Terre s’est donc concentrée sur la préparation des missions.

« Le système virtuel devait permettre à tous les acteurs [infanterie, cavalerie, artillerie, aviation légère, génie, logistique…] d’un poste de commandement de travailler ensemble à la préparation d’une mission, y compris lorsqu’ils ne sont pas physiquement sur le même lieu », explique l’AID.

Selon les explications de Thales, avec Virtual Map, les avatars des participants sont « réunis autour d’une carte topographique en trois dimensions », qu’il peuvent « enrichir de photo, d’images, de sons, de documents » et sur laquelle ils ont la possibilité d’y « placer leur matériel, leurs ressources, et prévoir leurs déplacements. »

« Avec la faculté de plonger à l’intérieur de la carte et de l’explorer de manière subjective à l’échelle 1/1, les membres de la mission ont tout le loisir de se familiariser avec le terrain, de vérifier par exemple des zones de couverture ou des angles de tir et de répéter leurs actions et déplacements. D’un clic ils peuvent accéder aux informations complémentaires, géolocalisées ou non pour obtenir des précisions [plans, données techniques, photos…] », poursuit l’industriel. Qui plus est, cette solution peut générer des rapports pour « par exemple, gérer les ressources disponibles au plus près. »

A priori, la solution « Virtual Map » a répondu aux attentes, notamment pour ce qui concerne le travail collaboratif, même si des corrections devront être apportées, notamment pour ce qui concerne le partage des éléments manipulables, lequel s’est révélé « plus complexe » que dans un environnement physique. Cela « nécessite un point d’amélioration » souligne l’AID.

Pour le reste, le « travail s’est déroulé de manière intuitive et naturelle », les intervenants ayant pu « échanger, partager les objets tactiques » tout en « exploitant naturellement l’espace à leur diposition ». En outre, il n’y a pas eu de « cacophonie », dans la mesure où, grâce aux avatars et autres outils complémentaires, chacun a pu « reconnaitre qui parlait et comprendre ce qui était dit. » Le fait que la réalité virtuelle ait été vite acceptée par les participants a beaucoup joué. « Les réflexes de base, comme la téléportation ou la sélection des calques, ont été acquis rapidement, en une demi-journée », indique l’agence.

Par ailleurs, les fonctionnalités « historiques » de la caisse à sable se sont nullement remises en cause par la solution Virtual Map. Mieux : elles ont même été améliorées avec l’apport des nouvelles possibilités offertes cette technologie, avec, par exemple, l’ajout d’une bibliothèque de fichiers.

« Les fonctions ‘Caisse à sable’ et ‘carte papier’ ont été retranscrites dans le démonstrateur. Elles ont permis aux opérateurs un réel travail collaboratif : manipulation de la carte, déplacement et zoom, dessin sur la carte à main levée, manipulation d’objets présélectionnés, incarnation dans le terrain. Les opérateurs se sont approprié facilement l’outil car il reprend des éléments connus dans un environnement 3D ‘naturel' », fait valoir l’AID.

Globalement, l’expérimentation de Virtual Map a donné satisfaction puisqu’elle a « démontré l’intérêt de la réalité virtuelle pour préparer une mission ». Cependant, de nouvelles questions sont apparues, comme celle de savoir s’il est possible d’envisager cette technologie pour des postes de commandement déconcentrés ou si elle peut « transformer les méthodes d’état-major ».

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