En théorie, le porte-aéronefs italien Cavour peut désormais accueillir des F-35B

Imposant navire de 27.900 tonnes mis en service 2009 par la marine italienne [Marina Militare], le porte-aéronefs Cavour ne pouvait que mettre en oeuvre une douzaine d’avions AV-8B II Harrier de type STOVL [décollage court/atterrissage vertical].

Au moment de sa construction, Rome n’avait pas encore commandé d’avions F-35B, c’est à dire la version STOVL de l’appareil de 5e génération développé par Lockheed-Martin dans le cadre d’un programme dont l’Italie est partenaire de niveau II. Les besoins de l’Aeronautica Militare et la Marina militare ne furent en effet précisés qu’en 2008.

Seulement, il s’avéra que le revêtement du pont d’envol du Cavour n’était pas en mesure de supporter la chaleur dégagée par la propulsion du F-35B, laquelle repose sur un turboréacteur F-135 associé au système de sustentation Rolls Royce LiftSystem. D’où l’objet de la mise à niveau qu’il vient de subir au chantier naval de Tarente, pour un budget de 74 millions d’euros.

Or, ce chantier étant désormais terminé, le Cavour peut donc accueillir des F-35B. Du moins théoriquement. Dans un premier temps, le navire est attendu aux États-Unis, où participera à des exercices avec les deux premiers F-35B de la Marine Militare qui se trouvent actuellement sur une base de l’US Marine Corps, à Beaufort [Caroline du Sud].

Le F-35 donne régulièrement lieu à des polémiques en Italie. En 2014, le Parti démocrate italien, alors emmené par Matteo Renzi, plaidait pour acquérir davantage d’Eurofighter Typhoon aux dépens de la commande de F-35, qui avait déjà été précédemment réduite de 131 à 90 exemplaires. Une fois au pouvoir, il se garda d’appliquer ses recommandations, afin de pas compromettre les promesses de retombées industrielles de ce programme.

L’opposition au F-35 fut ensuite incarnée par le Mouvement Cinq Étoiles [M5S]. Arrivé au pouvoir en 2018, avec, avec, qui plus est, l’une de ses membres nommée au ministère de la Défense [Elisabetta Trenta], ce parti ne changea pas de position.

« Le Mouvement 5 Étoiles a toujours été critique et reste critique sur le F35. Nous devons réduire les dépenses inutiles et en 2019, il y aura une révision du programme. Les F35 ne sont pas notre priorité », fit valoir son chef, Luigi di Maio, dans un réponse cinglante Angelo Tofalo, alors secrétaire d’État à la Défense, qui avait dit bien de l’avion américain.

Pour autant, la modernisation du Cavour ne fut pas remise en cause. Mieux : alors que le M5S s’était opposé à la Loi navale défendue par le précédent gouvernement, quelques uns de ses ministres ne manquèrent pas d’assiter au lancement du nouveau porte-hélicoptères d’assaut amphibie « Trieste », construit par Fincantieri. Pour donner le change, les « éléments de langage » insistèrent sur « l’usage civil » de ce navire de 33.000 tonnes… pouvant emporter des F-35B.

Pour résumer, la Marina Militare disposera donc, à terme, de deux bâtiments capables de mettre en oeuvre des F-35B… D’où une autre polémique au sujet de cet avion, qui implique seulement les militaires italiens.

Sur les 90 F-35 commandés par Rome, 60 seront des F-35A [la version « classique »] et 30 seront des F-35B. Or, la marine italienne n’en disposera que de 15, les autres devant être affectés à l’Aeronautica Militare. D’où la « guerre des boutons » entre marins et aviateurs, les premiers s’estimant mal servis. Effectivement, seulement 15 appareils pour deux porte-aéronefs paraît dérisoire, surtout quand on sait qu’il faut jongler avec les indisponibilités techniques ainsi qu’avec l’entraînement et la formation des pilotes.

Ancien chef d’état-major de la défense italienne [2013-15], l’amiral Luigi Binelli Mantelli s’est fait l’avocat de la Marina Militare en publiant, en février, une lettre ouverte au vitriol dans les colonnes du quotidien La Stampa.

« J’observe avec étonnement le différend interminable entre la Marina Militare et l’Aeronautica Militare concernant le plan de distribution des F-35B », a-t-il lancé à l’adresse du ministre de la Défense, Lorenzo Guerini.

Pour lui, la solution est simple : les 30 F-35B doivent tous revenir à la marine. Si tel n’est pas le cas, alors l’achat de ces appareils est inutile… voire serait un « gaspillage d’argent public ».

Le F-35B « coûte environ 30% de plus que la version conventionnelle, qui est beaucoup plus puissante et porte une plus grande charge de guerre » et son utilisation à partir de bases sommaires au sol est « extrêmement improbable » car elle « nécessiterait des pistes préparées et des supports sophistiqués pour éviter d’endommager les turbines [LiftSystem, ndlr] lors de l’atterrissage et du décollage », a fait valoir l’amiral Binelli Mantelli.

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