La France proteste contre le traitement infligé à son ambassadeur par les autorités vénézuéliennes

Contrairement à une idée reçue – largement répandue – une ambassade n’est pas un « morceau » de territoire du pays qu’elle représente et elle ne bénéficie donc pas du principe d’extraterritorialité mais d’une immunité diplomatique, conformément à l’article 22 de la Convention de Vienne [de 1961].

En effet, le territoire de l’ambassade d’un État [dit accréditant] est une concession faite par le pays d’accueil [dit « accréditaire »]. Son inviolabilité est garantie, c’est à dire que les agents du pays hôte ne sont pas autorisés à y « pénétrer, sauf avec le consentement du chef de la mission » diplomatique. Et ils doivent en outre « prendre toutes les mesures appropriées afin d’empêcher que les locaux de la mission ne soient envahis ou endommagés », ce qui, dans le cas contraire, serait une violation du droit international.

Or, le 13 mai, le ministère français des Affaires étrangères a convoqué l’ambassadeur du Venezuela en poste à Paris pour lui adresser une protestation contre le traitement infligé à sa représentation diplomatique à Caracas.

En effet, depuis le 2 mai, l’accès à résidence de l’ambassadeur français, Romain Nadal, est bloqué par des barrages filtrants installés par le Sebin, le service de renseignement vénézuélien. Et l’alimentation en eau a été coupée, de même que l’électricité. Seul fonctionne un groupe électrogène.

« La France exprime sa ferme condamnation des mesures prises ces derniers jours venant porter atteinte au fonctionnement normal de notre représentation diplomatique à Caracas. Ces mesures sont contraires à la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques », a fait savoir le Quai d’Orsay, via un communiqué. Et d’ajouter : « Les autorités françaises attendent qu’il soit mis fin sans délai à ces mesures afin de rétablir le fonctionnement normal de notre représentation diplomatique. »

Pour rappel, le Venezuela traverse une grave crise économique et politique. Réelu dans des conditions contestées en mai 2018, le président [socialiste] Nicolas Maduro est contesté par Juan Guaido, le chef de l’opposition vénézuélienne. En janvier 2019, ce dernier s’est auto-proclamé « président par intérim », et a été reconnu comme tel par plusieurs dizaines de pays, dont les États-Unis, le Royaume-Uni ou encore la France.

Un an plus tard, M. Guaido a effectué une tournée en Colombie, en Europe puis en Amérique du Nord. À cette occasion, il a rencontré le président Macron à l’Élysée, ainsi que le Premier ministre britannique, Boris Johnson et Josep Borell, le Haut représentant de l’Union pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité.

Et, à son retour au Venezuela, M. Guaido a été accueilli par une délégation diplomatique, comprenant des représentants de l’Union européenne, de l’Espagne, des Pays-Bas, de la Roumanie, de la Pologne et… de la France. D’où, sans doute, le courroux des autorités vénézuéliennes à l’endroit de Romain Nadal.

Dans cette crise politique vénézuélienne, l’Union européenne soutient une proposition qui, faite par les États-Unis, vise à obtenir une solution pacifique qui passerait par un gouvernement de transition sans Nicolas Maduro et Juan Guaido.

« La proposition américaine est conforme à la demande de l’UE de parvenir à une solution pacifique à la crise par la négociation pour instaurer un gouvernement démocratique, qui est plus que jamais nécessaire aujourd’hui », a en effet déclaré M. Borell, le 3 avril.

Un mois plus tard, le président Maduro a dit que ses troupes avaient mis en échec une tentative d' »invasion » commanditée, a priori, par des proches de M. Guaido et confiée à la société militaire privée [SMP] américaine Silvercorp, dans le cadre d’un contrat de 213 millions de dollars.

Au total, 45 personnes – dont deux anciens membres des forces spéciales américaines – ont été arrêtées pour leur implication présumée à cette opération, appelée « Gédeon ». Il était prévu, lors de cette dernière, de faire débarquer des rebelles vénézuéliens à Macuto, localité située à une heure de route de Caracas, pour ensuite aller « capturer » Nicolas Maduro et « libérer le Venezuela ».

Les dessous de cette affaire, qui semble plus tenir  de « Tintin et les Picaros » que d’une réédition de la Baie des Cochons [une opération ratée de la CIA à Cuba, en 1961], sont encore troubles. Le Pdg de Silvercorp, Jordan Goudreau, ancien infirmier chez les Bérets verts, a été vu à plusieurs reprises parmi les équipes assurant la sécurité des réunions publiques de Donald Trump. Il serait de mèche avec un ex-général vénézuélien, Cliver Alcalá, actuellement emprisonné aux États-Unis dans l’attente de son procès pour trafic de drogue.

En tout cas, la planification et la conduite de l’opération Gedeon, qui fait aussi penser à la tentative de coup d’État de 2004 en Guinée équatoriale [qui avait été fomentée par des mercenaires britanniques, ndlr], relève de l’amateurisme… étant donné qu’elle avait été annoncée via Twitter et que Jordan Goudreau venait d’avoir les honneurs d’un article publié par l’Associated Press le 1er mai, dans lequel il n’était fait aucun mystère de ses intentions.

Quoi qu’il en soit, les États-Unis ont nié tout rôle dans cette affaire. « Il n’y a aucune implication directe du gouvernement américain dans cette opération. Si nous avions été impliqués, cela se serait déroulé différemment », a ainsi ironisé Mike Pompeo, le chef de la diplomatie américaine.

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