L’enquête sur la contamination du « Charles de Gaulle » exclut toute faute de commandement mais évoque des « erreurs »

À bord du porte-avions Charles de Gaulle, de « conception ancienne, […] l’espace est un luxe et la promiscuité est la règle », a souligné Florence Parly, la ministre des Armées, ce 11 mai, lors d’une audition à l’Assemblée nationale dédiée aux résultats des deux enquêtes [épidémiologique et de commandement] menées après la contamination du porte-avions Charles de Gaulle par le SARS Cov-2, le coronavirus responsable de la maladie Covid-19.

D’où la rapidité avec laquelle l’épidémie s’est propagée parmi l’équipage du navire, conduisant ainsi à écourter la mission Foch dans laquelle il était alors engagé.

Quant à savoir comment le virus a pu s’introduire à bord du porte-avions [et, plus largement, se propager au sein du groupe aéronaval], la décision de maintenir une escale à Brest, le 13 mars, a été pointée, si ce n’est critiquée.

Seulement, d’après l’enquête épidémiologique évoquée par Mme Parly, une première contamination s’est produite entre Limassol [Chypre] et Brest, à l’occasion d’un des mouvements de personnels à bord opérés depuis « Chypre, la Sicile, les Baléares, l’Espagne continentale ou le Portugal ». De tels mouvements, ainsi que les acheminements de matériels, sont « fréquents » a assuré la ministre.

Les propriétés du SARS Cov-2, qui font que l’on peut en être porteur présenter de symptômes, ont fait que sa présence à bord du navire n’a pas été détectée. C’est lors de l’escale brestoise que le virus a été « réintroduit » à bord, alors que des mesures particulières avaient été prises pour l’éviter.

Les marins ayant été à terre ont ainsi rempli un questionnaire et fait l’objet d’un suivi médical spécifique. En outre, les mesures de distanciation sociale ont été appliquées. Mais, ces dernières ont fini par peser sur le moral de l’équipage [« l’esprit d’équipage a pris un coup », dixit Mme Parly] ainsi que sur son encadrement. Aussi, ont-elles été assouplies 14 jours après le départ de Brest, d’autant plus qu’aucun cas de Covid-19 n’avait été détecté jusqu’alors.

« L’escale à Brest n’a pas été la cause de la contamination mais elle a été l’occasion de la réintroduction du virus et un facteur de l’accélération de sa propagation », a affirmé Mme Parly. « Les mesures de distanciation prises après l’escale de Brest ont été efficaces mais elles ont beaucoup pesé sur les liens de commandement et le moral de l’équipage », a-t-elle ajouté.

Seulement, des « signaux faibles » montrant la présence du virus n’ont pas été identifiés à temps, notamment en raison des cas asymptomatiques ou peu symptomatiques.

« Le virus a circulé parmi une population jeune, en bonne santé, entraînée, qui opère au mois de février en pleine mer parfois par des vents de 70 km/h : dans ce contexte, les symptômes développés par quelques marins ont été interprétés comme le fait d’états grippaux, dont l’occurrence à bord en cette saison était tout à fait dans les taux habituels », a-t-elle expliqué.

Un cas a cependant suscité un doute… mais un scanner pulmonaire réalisé par le service de santé du porte-avions et envoyé à l’hôpital d’instruction des armées [HIA] Percy pour analyse s’est « avéré négatif ». Le premier cas de Covid-19 est apparu le 5 avril, sur la personne d’un marin débarqué au Danemark.

« Le nombre de patients ce jour-là se présentant à l’infirmerie augmente par rapport aux jours précédents. Les mesures barrières strictes sont donc alors immédiatement rétablies le 5 avril. C’est ce qui a permis de freiner à nouveau la propagation du virus, comme le montre l’enquête épidémiologique. Quant aux cas les plus vulnérables, ils font l’objet d’une évacuation, ils sont au nombre de 3 marins le 6 avril », a poursuivi Mme Parly. La promiscuité à bord du porte-avions aura fait le reste… 1.081 marins ayant été testés positifs au Covid-19 à leur retour à Toulon.

Cela étant, selon l’enquête de commandement, aucune faute n’a été commise. Seulement des erreurs, faites en fonction de ce que le commandement savait du Covid-19 au moment de prendre ses décisions. Mais pas seulement.

« Au regard des informations dont nous disposons aujourd’hui il y a eu des erreurs sur les mesures à prendre pour lutter contre le coronavirus », a en effet dit Mme Parly. « Les enquêtes soulignent que le commandement et son conseil médical ont eu une confiance excessive dans la capacité du groupe aéronaval et du porte-avions à faire face au coronavirus. Les enquêtes n’ont cependant pas signalé de faute concernant le commandement du Charles-de-Gaulle », a-t-elle continué.

« Ces erreurs évidemment, il est facile si je puis dire de les constater aujourd’hui, a posteriori. Mais le commandement, lorsqu’il a eu à prendre des décisions, l’a fait au regard des informations dont il disposait et en prenant le conseil des médecins du bord. Et je voudrais insister sur une chose, c’est qu’il a toujours eu le souci de la santé de son équipage », a avancé la ministre.

En outre, a estimé Mme Parly, la « principale erreur a été de persister dans une stratégie qui était fondée sur le retour d’expérience de l’épidémie de H1N1 qui avait été surmontée en 2009 par le porte-avions, sans interrompre son activité opérationnelle ». Or, a-t-elle insisté, « nous l’avons cependant constaté à nos dépens, le coronavirus, ce n’est pas la grippe H1N1. »

Quoi qu’il en soit, pour la ministre, « tout cela confirme que face à un phénomène évolutif et très peu connu, c’est par la rigueur des mesures sanitaires que la mission peut perdurer » et l’enquête épidémiologique conduite auprès des marins du groupe aéronaval a « permis d’approfondir nos procédures de lutte contre la propagation du virus dans le cadre de nos opérations, dans le cadre de la préparation opérationnelle, dans les bâtiments de la Marine nationale comme dans les unités des trois armées. »

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