Irini : La frégate Jean Bart va faire respecter l’embargo sur les armes imposé à la Libye

En janvier, à l’occasion de la conférence de Berlin, tous les acteurs impliqués directement ou indirectement dans le conflit libyen prirent l’engagement de cesser leurs livraisons d’armes aux milices relevant du gouvernement d’union nationale [GNA] de Tripoli et à l’Armée nationale libyenne [ANL] du maréchal Khalifa Haftar, bras armé des autorités établies à Tobrouk.

Pour rappel, la Turquie et le Qatar soutiennent le GNA, que ce soit par proximité idéologique [avec les Frères musulmans] et/ou par intérêt, Ankara ayant conclu un protocole d’accord avec Tripoli pour étendre son domaine maritime et appuyer ses revendications territoriales en Méditerranée orientale ainsi que ses prétentions sur le gaz naturel chypriote. Quant au gouvernement de Tobrouk, il bénéficie de l’appui des Émirats arabes unis, de l’Égypte, de l’Arabie Saoudite et de la Russie.

Cependant, les promesses faites à Berlin se sont envolées… Et la résolution 2510 votée en février par le Conseil de sécurité des Nations unies [après d’âpres négocations avec la Russie] pour demander un cessez-le-feu, le respect de l’embargo et la fin des « interventions étrangères » dans le conflit libyen est restée lettre-morte jusqu’à présent.

S’agissant de l’embargo, l’Union européenne a lancé, le 31 mars, l’opération navale Irini, afin de le faire respecter… Et il lui a fallu un mois pour en faire la génération de forces, c’est à dire pour trouver les États membres susceptibles de fournir les moyens [navires, avions, capacités satellitaires] nécessaires.

Jusqu’à ce 7 mai, le site Internet de l’opération EUNAVFOR Irini ne donne aucune précision sur les unités et les moyens mis à sa disposition. Mais sans doute que cette rubrique va s’étoffer après l’annonce que vient de faire l’État-major des armées [EMA].

En effet, ce dernier a indiqué que la frégate anti-aérienne [FAA] Jean Bart est engagée dans l’opération Irini depuis le 4 mai, jour où elle a pris le relai de la frégate légère furtive [FLF] Aconit, qui a assuré l’intérim pendant quelques jours, avant de « poursuivre sa route » en Méditerranée

« Le bâtiment français patrouillera en Méditerranée centrale, et contribuera, grâce à ses capacités de reconnaissance et de détection à prévenir les risques d’instabilité dans la région, en coopération avec les autres moyens engagés par les partenaires européens », a indiqué l’EMA, après avoir rappelé que l’objectif principal de l’opération Irini est de « contribuer à l’application de la résolution de 2016 des Nations unies relative à l’embargo sur les armes à destination de la Libye » [résolution 2292, placé sous chapitre VII, ndlr].

La frégate Jean Bart a précédemment été déployé dans l’océan Indien et dans le golfe Arabo-persique entre juillet et décembre 2019. Lors de cette mission, elle a effectué de nombreuses enquêtes de pavillon et permis la saisie de plus de 150 kg de drogue.

L’opération Irini est commandée depuis Rome par l’amiral italien Fabio Agostini, assisté par l’amiral français Jean-Michel Martinet. Outre le contrôle de l’embargo sur les armes, elle est également chargée de « surveiller et recueillir des informations sur les exportations illicites de pétrole libyen » et de « contribuer à la perturbation du modèle économique des réseaux de trafic et de traite d’êtres humains par la collecte d’informations et les patrouilles par les avions. »

Cela étant, l’opération Irini suscite des « interrogations » à… Moscou. Fin avril, le chef de la diplomatie russe, Sergeï Lavrov, a estimé que l’UE devait donner des détails sur son initiative au Conseil de sécurité de l’ONU, ce dernier étant appelé à donner son approbation… ou pas.

« Le fait que l’UE essaie d’éviter de soumettre ses idées au Conseil de sécurité de l’ONU soulève des questions sur les raisons de cette position », a dit le ministre russe des Affaires étrangères.

Reste que, justement, la Russie aura à s’expliquer au sujet des affirmations d’un récent rapport du groupe d’experts de l’ONU sur la Libye… Ce dernier ayant confirmé, pour la première fois, la présence de la société militaire privée russe Wagner [proche du Kremlin, nldr] auprès de l’Armée nationale libyenne du maréchal Haftar. Ce que Moscou a toujours démenti.

Selon ce rapport, auquel l’AFP a eu accès, les employés de la SMP Wagner, dont le nombre est estimé à « à pas plus de 800 à 1.200 », fournissent un « soutien technique pour la réparation de véhicules militaires, participent à des combats et à des opérations d’influence » et ont aidé l’ANL dans les domaines de « l’artillerie, du contrôle aérien, fourni une expertise dans les contre-mesures électroniques et déployé des tireurs d’élite. » Et d’ajouter : « Leur implication a agi comme un multiplicateur de force. »

Des employés du groupe Russkie System Bezopasnosti [RSB] sont également présent en Libye. Selon le rapport, ils assurent la « maintenance et la réparation des aéronefs militaires ». Et la présence des SMP « Moran Security Group » et « Schit Security Group » a été signalée à Benghazi depuis le janvier.

« Les informations obtenues par le groupe d’experts montrent que les relations entre les HAF [troupes de Haftar] et leurs homologues du PMC [mercenaires] ont été initialement tendues et que, même après un an de déploiement, des tensions persistaient entre les deux groupes », est-il avancé dans le document.

Enfin, le groupe d’experts affirme que des soldats syriens ont été envoyés auprès des troupes du maréchal Haftar… L’information, aussi inédite soit elle, n’est pas surprenante, Damas et Tobrouk ayant scellé leur rapprochement en mars dernier, la presse arabe ayant rapporté à l’époque que les « deux parties s’étaient engagées à se coordonner pour faire face à l’ ingérence et à l’agression turques contre les deux pays. » Il s’agissait en effet de répondre à l’arrivée, à Tripoli, de rebelles syriens recrutés par Ankara.

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