Lancée pour faire respecter l’embargo sur les armes en Libye, la mission européenne Irini est opérationnelle

Malgré les engagements pris lors de la conférence de Berlin, organisée en janvier, la résolution 2510, adoptée dans la foulée par le Conseil de sécurité des Nations unies, ou encore les appels à la trêve lancés à la faveur du ramadan et de l’épidémie de Covid-19, rien n’y fait : la rivalité entre le gouvernement d’union nationale [GNA] établi à Tripoli et celui de Tobrouk, qui tient sa légitimité des élections législatives de juin 2014, ne cesse de s’intensifier, avec l’implication de puissances extérieures. Et l’embargo sur les armes, qui vise la Libye depuis 2011, n’est toujours pas respecté…

« Nous avons maintenant […] un conflit qui s’intensifie, directement alimenté par des parties externes », a affirmé Stephanie Williams, l’adjointe de l’émissaire de l’ONU pour la Libye, le 23 avril, évoquant aisni les violations de l’embargo sur les armes.

Par proximité idéologique [avec les Frères musulmans], Ankara et Doha ont pris fait et cause pour le GNA. Mais pas seulement… car, ayant signé un protocole d’accord lui permettant d’étendre son domaine maritime et de revendiquer les ressources gazières que recèle la Méditerranée orientale, la Turquie a accentué son engagement militaire auprès du gouvernement de Tripoli, déployant des paramilitaires recrutés parmi les groupes rebelles syriens qu’elle soutient et livrant des armes aux milices libyennes pro-GNA.

Ces dernières affrontent l’Armée nationale libyenne [ANL] du maréchal Khalifa Haftar, lequel est soutenu par les Émirats arabes unis, l’Égypte, la Jordanie, l’Arabie Saoudite et… la Russie. Et certains pays européens, à commencer par la Grèce, verraient d’un bon oeil sa victoire face au GNA.

Cela étant, ces dernière semaines, l’ANL a subi plusieurs revers, notamment avec la perte des villes stratégiques de Sabratha et de Sorman, située à environ 70 km à l’ouest de Tripoli. En outre, son offensive contre Abou Grein, entre Syrte et Misrata, a échoué… la localité de Tarhuna, à 65 km au sud-est de la capitale libyenne, est encerclée par les forces pro-GNA.

« Les Turcs procèdent de manière méthodique avec une stratégie claire basée sur la technologie de leurs drones pour couper leurs lignes d’approvisionnement, de Bani Walid vers Tarhuna et de Tarhuna vers le sud de Tripoli », a expliqué Jalel Harchaoui, chercheur à l’Institut Clingendael et spécialiste de la Libye, au quotidien La Croix. En réponse, l’ANL intensifie ses bombardement à la périphérie de la capitale, qu’elle n’a pas réussi à conquérir au bout d’un an de combats.

Dernier développement en date : l’affirmation du maréchal Haftar selon laquelle il disposerait d’un « mandat du peuple » pour diriger la Libye, sans en préciser les modalités…

Quoi qu’il en soit, et pour faire respecter l’embargo sur les armes, l’Union européenne a lancé l’opération navale EUNAVFOR MED « Irini », le 31 mars dernier.

S’inscrivant dans la résolution 2292 [sous chapitre VII] et placée sous commandement italien [assuré par l’amiral Fabio Agostini, assisté par l’amiral français Jean-Michel Martinet], cette nouvelle opération remplace EUNAVFOR Sophia, mise sur pied en 2015 pour casser le modèle économique des passeurs de migrants opérant depuis la Libye. Mais, faute de pénétrer dans les eaux territoriales libyennes son efficacité a régulièrement été remise en cause.

« Seules des solutions politiques et le plein respect de l’embargo sur les armes imposé par l’ONU apporteront une solution à la crise libyenne. Mais la diplomatie ne peut réussir que si elle est appuyée par l’action. Cette opération sera essentielle et contribuera clairement à promouvoir la paix dans notre voisinage immédiat grâce à un cessez-le-feu permanent », avait commenté Josep Borrell, le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, au moment de la création de cette nouvelle opération.

Seulement, pour rendre cette dernière opérationnelle, encore fallait-il trouver des États membres prêts à y engager des moyens navals, aériens et satellitaires. C’est désormais chose faite, un mois après son lancement.

« Irini a les moyens nécessaires pour commencer sa mission », a en effet indiqué Peter Stano, le porte-parole du Service extérieur union européenne, auprès de l’AFP, ce 29 avril. « Un accord a été trouvé lundi entre les Etats membres pour la mise à disposition des premiers navires, avions et satellites nécessaires pour lancer l’opération », a-t-il précisé.

Pour le moment, aucune précision n’a été donnée sur les contributions à l’opération Irini, si ce n’est qu’un navire italien sera prochainement mobilisé et qu’il sera assisté, dans un premier temps, par des bâtiments d’autres États membres croisant en Méditerranée.

Pour rappel, et à la demande de l’Autriche et de la Hongrie, les navires européens devront se tenir à l’écart des voies maritimes empruntées par les passeurs de migrants. Le mandat d’Irini est d’un an renouvelable, avec un point d’étape tous les quatres mois pour vérifier qu’elle ne produit un éventuel « effet d’attraction » pour les candidats à l’immigration en Europe.

Plus – L’opération Irini a déjà son site Internet : https://www.operationirini.eu/

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