Pour Paris, le lancement d’un satellite militaire par l’Iran est une « source de préoccupation majeure pour la sécurité »

Responsable du développement des missiles au sein du Corps des gardiens de la révolution [IRGC], le général iranien Hasan Tehrani Moghaddam perdit la vie lors d’une puissante explosion ayant ravagé une installation militaire située dans les environs du village de Bidganeh, à 40 km au sud-ouest de Téhéran, le 12 novembre 2011.

À l’époque, et comme plusieurs responsables du programme nucléaire iranien avaient été victimes d’assassinats ciblés, il fut avancé qu’une opération des services de renseignement israéliens et/ou américains était la cause de cette explosion survenue à la base Shahid Modarres, alors identifiée comme un centre de recherche sur les missiles. Cette piste semblait d’autant plus plausible au étant donné l’implication du général Moghaddam dans la mise au point des missiles de la composante aérospatiale de l’IRGC, dont il était le numéro deux.

Mais, officiellement, les autorités iraniennes expliquèrent qu’elle s’était produite lors d’un transfert de munitions. Cela étant, peu de détails filtrèrent sur la nature des travaux que dirigeait le général Moghaddam. Si ce n’est que, au moment de sa mort, il travaillait sur un projet de lanceur spatial à combustion solide.

Cette information, qui n’a sans doute pas eu l’attention qu’elle méritait, avait été pourtant livrée par le général Mohammad Ali Jafari, alors chef de l’IRGC à l’époque, puis confirmée en 2014 par Fathollah Oumi, un professeur à l’Université Tarbiat Modarres ayant travaillé avec le général Moghaddam, avant de prendre la direction du Centre de recherches aérospatiales iranien.

Puis, les choses en restèrent là. Dans le même temps, le programme spatial iranien accumula les déconvenues, en particulier au cours de ces deux dernières années, avec 4 tentatives infructeuses de mettre un satellite en orbite.

Cependant, et selon la lecture que l’on peut faire de la résolution 2231 adoptée par le Conseil de sécurité des Nations unies afin d’entériner l’accord sur le nucléaire iranien conclu à Vienne en juillet 2015, l’Iran n’est pas autorisé à se livrer à de telles activités, dans la mesure où la technologie des missiles balistiques et celle des lanceurs spatiaux sont communes.

En effet, la résolution 2231 précise que l’Iran est « tenu de ne pas entreprendre d’activité liée à des missiles balistiques capables de transporter des armes nucléaires » et de « s’abstenir d’effectuer des tirs recourant à la technologie des missiles balistiques, jusqu’au huitième anniversaire de la date d’adoption du Plan d’action ou jusqu’à la date de la présentation par l’AIEA [Agence internationale de l’énergie atomique, ndlr] ».

Aussi, chaque lancement de fusée donne lieu à des condamnations de la part de la France, de l’Allemagne, du Royaume-Uni et des États-Unis. Et, invariablement, l’Iran répond que les restrictions imposées par la résolution en question ne concernent que les missiles dotés d’ogives nucléaire, qu’il ne peut pas produire, en raison de ses engagements entérinés par l’accord de Vienne. « Nous ne concevons pas de missiles pour transporter des choses que nous n’avons pas », fait généralement valoir Mohammad Javad Zarif, le chef de la diplomatie iranienne.

Seulement, le programme spatial iranien n’a pas qu’une portée « scientifique » ou commerciale… Et, après les échecs répétés des lanceurs Safir et Simorgh, un nouveau lanceur, jusqu’alors inconnu, a été utilisé pour mettre sur orbite le satellite militaire Noor-1, le 21 avril. Et le lancement a été supervisé non pas par l’agence spatiale iranienne mais… par les Gardiens de la révolution, depuis un nouveau site, localisé dans les environs de Shahroud,

A priori, ces derniers ont réussi leur coup car Noor-1, identifié par le numéro 45529 par les sites de suivi, vole à environ 425/430 km d’altitude, ce qui fait dire qu’il s’agit certainement d’un satellite d’observation [ceux de télécommunications évoluent sur une orbite géostationaire, à 36.000 km, ndlr]. À noter que ce lancement n’a pas fait l’objet d’une notification préalable au transport aérien… le secret ayant donc été gardé jusqu’au bout, sans doute pour écarter tout risque de sabotage.

Le lanceur utilisé par l’IRGC a été appelé « Qased« . Et sa mise au point suggère qu’elle s’est appuyée sur les travaux du général Moghaddam dans la mesure il utilise moteurs à combustion solide, lesquels sont plus faciles à déplacer et à stocker que ceux à combustion liquide. Par ailleurs, il peut être rapidement mis en oeuvre étant donné qu’il est tiré depuis un Tracteur-érecteur-lanceur [TEL], l’instar du Start-1 russe et des systèmes chinois Kuaizhou-1A et Longue Marche 11, de conception relativement récente.

Quoi qu’il en soit, ce lancement d’un satellite par les Gardiens de la révolution a été condamné par les États-Unis. « Les Iraniens ont toujours affirmé que [leurs] programmes de satellites étaient déconnectés de tout aspect militaire. [Ce] lancement montre que nous avions raison ici aux États-Unis en dénonçant des programmes militaires masqués », a réagi Mike Pompeo, le chef de la diplomatie américaine. « L’Iran devra rendre des comptes pour ce qu’il a fait », a-t-il insisté.

De son côté, la France a « fermement condamné » le lancement du satellite Noor-1. « Du fait de la grande proximité des technologies employées pour les lancements spatiaux et les tirs balistiques, ce tir participe directement aux progrès déjà très préoccupants de l’Iran dans son programme de missiles balistiques », a en effet relevé Agnès von der Mühll, la porte-parole du ministère des Affaires étrangères, le 23 avril. « L’Iran doit cesser « toute activité liée au développement de missiles balistiques conçus pour être capables d’emporter des armes nucléaires, y compris des lanceurs spatiaux », a-t-elle ajouté.

« Le programme balistique iranien est une source de préoccupation majeure pour la sécurité régionale et internationale. Il contribue à la déstabilisation de la région et à la montée des tensions », a poursuivi la porte-parole du Quai d’Orsay, répétant que de telles activités ne sont pas « conformes à la résolution 2231 du Conseil de sécurité des Nations unies ».

En outre, pour Paris, le « rôle dans ce lancement des forces aérospatiales du corps des Gardiens de la révolution islamique, entité sanctionnée par l’Union européenne, témoigne du lien étroit entre ces deux programmes » spatial et balistique.

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