Pour le général Lecointre, les armées doivent être taillées pour intervenir dans des circonstances exceptionnelles

Le 23 avril, le chef d’état-major des armées [CEMA], le général François Lecointre, a été auditionné par les députés. Le compte-rendu de cette audition – s’il est publié – devrait être intéressant si l’on en juge par le communiqué de presse publié peu après par la commission de la Défense nationale.

En raison du confinement d’une bonne partie de la population active, les indicateurs économiques sont au rouge écarlate. Les rentrées fiscales sont à la peine alors que, dans le même temps, il faut financer les mesures de soutien aux entreprises et le chômage partiel [qui concerne la moitié des salariés du secteur privé] quand le déficit de la sécurité sociale explose [+41 milliards]. Quant au PIB, il devrait se réduire d’au moins -9%. Pour prendre en compte cette situation, le gouvernement a déjà fait voter deux lois de finances rectificatives en l’espace de quelques semaines… mais sans toucher aux crédits de la mission Défense.

Cette situation n’étant pas propre à la France, certains pays ont d’ores et déjà décidé de tailler dans leurs dépenses militaires. C’est notamment le cas de la Corée du Sud qui, si elle a réussi à contenir l’épidémie de Covid-19, va réduire 2% le budget qui était prévu pour ses forces armées en 2020. Cela étant, ce dernier devait augmenter de 7,4%…

Quoi qu’il en soit, les mois peuvent être à haut risque pour la trajectoire financière de la Loi de programmation militaire 2019-25 qui, heureusement, n’a pas exprimé le montant du budget des armées en pourcentage de PIB. Déjà, la ministre des Armées, Florence Parly, a fait valoir que les crédits de la mission Défense, notamment ceux du programme 146 « Équipement des Forces », aura un rôle particulier à jouer quand il s’agira de relancer l’économie et de regagner le terrain perdu.

« Lorsque nous examinerons le prochain budget, je ne doute pas que certains de nos crédits de paiements auront augmenté, afin d’amplifier la relance », a même estimé la ministre, lors d’une audition organisée par la commission sénatoriale des Affaires étrangères et des Forces armées.

D’ailleurs, le président de cett dernière, Christian Cambon [LR] a prévenu : la Loi de programmation militaire « devra être pleinement appliquée », a-t-il dit.

Cette question du budget a été abordée lors de l’audition du CEMA par les députés. Et comme son homologue du Sénat, la président de la commission de la Défense, Françoise Dumas a insisté sur la nécessité de préserver les crédits prévus par la LPM.

« La crise du Covid-19 illustre la nécessité d’accentuer nos efforts pour assurer la remontée en puissance de nos armées, conformément aux ambitions exprimées par la Loi de programmation militaire. Dans le ‘monde d’après’, il nous faudra compter sur une armée robuste et résiliente », a fait valoir Mme Dumas, dans le communiqué qu’elle a publié après l’audition du général Lecointre.

Justement, s’agissant du « monde d’après », il ressemblera à celui d’avant, mais en pire, selon Jean-Yves Le Drian, le ministre des Affaires étrangères. En effet, la crise actuelle exacerbe les rivalités et les fractures. « La pandémie est la continuation, par d’autres moyens, de la lutte entre puissances », a-t-il dit.

Aussi, « la commission de la Défense nationale et des Forces armées veillera à ce que nous ne baissions pas la garde au moment de l’actualisation de la LPM [prévue en 2021, ndlr] », a assuré Mme Dumas.

D’autant plus que, Covid-19 ou pas, les missions et les opérations continuent. C’est ce que n’a pas manqué de souligné le CEMA, d’après le communiqué de la commission.

Le général Lecointre « a souligné l’importance de l’activité et la continuité de la préparation opérationnelle, afin de ne pas altérer la la sécurité des engagements opérationnels », lit-on dans le texte. « Selon lui, la crise épidémique impose de trouver ‘un équilibre entre les exigences de la préparation opérationnelle, la soutenabilité du modèle d’armée et la préparation de l’avenir », y est-il encore indiqué.

Aussi, il importe que, « au moment où nos compétiteurs stratégiques nous obervent et évaluent nos capacités de résilience, il semble indispensable de rester mobilisé et de ne pas altérer le niveau de défense de la France », résume le comuniqué.

Les « compétiteurs stratégiques » de la France ne sont pas explicitement précisés. Cependant, la Revue stratégique publiée en octobre 2017, qui reprend cette expression [citée une fois], désigne, dans le chapitre « le retour de la compétition militaire », deux pays, à savoir la Russie et la Chine, décrite comme étant une « puissance aux ambitions globales ».

Enfin, toujours selon le communiqué de la commission, le CEMA a affirmé que l’ampleur de la crise actuelle démontre que « les armées doivent être taillées non pas pour assurer leurs missions quotidiennes mais pour être en mesure d’intervenir dans des circonstances exceptionnelles. »

Le général Lecointre avait brièvement évoqué cette idée lors d’un récent entretien donné à France Inter. « S’il doit y avoir une recrudescence importante de la conflictualité, alors se posera la question de la masse et des effectifs », avait-il dit.

Photo : EMA

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